Maintenant habitués au télétravail, les travailleurs québécois n’accueillent pas avec beaucoup d’enthousiasme les demandes d’une plus grande présence au bureau de la part de leurs employeurs.
Selon un sondage réalisé par Léger pour le compte de Concilivi, une initiative du Réseau pour un Québec Famille, la proportion de parents en emploi qui ont la possibilité d’effectuer du télétravail reste stable à environ 58 %. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un mode de travail hybride.
Toutefois, près de la moitié des répondants (46 %) indiquent qu’au cours de la dernière année, leur employeur a resserré sa politique de télétravail afin de favoriser une plus grande présence au bureau. En effet, 22 % mentionnent qu’elles ont désormais l’obligation de faire un plus grand nombre de jours en présentiel, alors que 24 % précisent que plus de jours en présentiel sont souhaités par l’employeur, sans que cela fasse l’objet d’une obligation stricte.
Alors que la majorité (61 %) des répondants au sondage s’estiment plus performants lorsqu’ils sont en télétravail, les employeurs tentent de leur côté de ramener les employés au bureau en affirmant que la créativité et la performance sont meilleures en présentiel qu’à distance. À noter que les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à avoir l’impression d’être plus productives à la maison qu’au bureau (68 % contre 54 %).
Isolement et difficile déconnexion
Après plusieurs années d’expérimentation, les travailleurs ont néanmoins réalisé que le télétravail ne comporte pas que des avantages.
Par exemple, 52 % des répondants affirment que le télétravail rend la déconnexion plus difficile. Une proportion de 49 % d’entre eux indiquent aussi ressentir un moins grand soutien de leurs collègues par rapport à leurs besoins de conciliation famille-travail lorsqu’ils sont en télétravail.
En outre, 45 % des employés jugent que le télétravail a pour effet de les exclure de certains réseaux de décision, et 39 % estiment qu’il a un effet négatif sur leur carrière en raison d’une présence et d’une visibilité moindres. De façon générale, les hommes perçoivent ces inconvénients de façon plus marquée que les femmes.
Difficile conciliation travail-famille
Télétravail ou pas, les salariés québécois rencontrent de nombreux défis dans l’atteinte d’un niveau satisfaisant de conciliation entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle. La proportion de travailleurs qui trouvent difficile de concilier famille et travail augmente une fois de plus cette année, passant de 39 % à 43 %. À la sortie de la pandémie, en 2022, cette proportion était de 33 %. Il s’agit donc d’un bond de dix points de pourcentage en deux ans.
Le sondage constate également une diminution de l’utilisation des mesures de conciliation famille-travail, surtout celles qui requièrent de la flexibilité dans l’organisation du travail, par exemple le choix des vacances, les congés pour responsabilités familiales, la reprise de temps accumulé ou le fractionnement des congés. Parmi les raisons invoquées, le fait de vouloir se conformer aux attentes du milieu de travail augmente de façon notable, passant de 9 % à 15 %.
La proche aidance encore taboue
Le sondage met aussi en lumière les difficultés particulières des personnes qui exercent des responsabilités de proche aidance à concilier ce rôle et celui du travail, particulièrement lorsqu’elles sont aussi parents d’enfants mineurs. Parmi ces dernières, 53 % mentionnent que cette conciliation leur est difficile.
« Les politiques de conciliation famille-travail sont généralement conçues pour répondre aux besoins des parents et la réalité des personnes proches aidantes en entreprise est souvent mal comprise, ce qui peut contribuer à un sentiment de stigmatisation de leur part », affirme Corinne Vachon Croteau, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille.
Une personne proche aidante sur trois (39 %) indique d’ailleurs craindre des impacts négatifs sur sa carrière si elle demande des congés ou des aménagements. Qui plus est, 38 % disent éviter de révéler leur situation à leur employeur par crainte de jugements ou de perte d’opportunités au travail.
« Il est préoccupant de constater qu’un si grand nombre de personnes proches aidantes n’osent pas parler de leur réalité à leur employeur, indique Mme Vachon Croteau. Cela démontre à quel point il s’agit d’un tabou qui n’a pourtant pas sa raison d’être. Avec le vieillissement de la population, il devient impératif de mettre en place des mesures concrètes pour soutenir les personnes proches aidantes. La sensibilisation des employeurs à leurs besoins et à la diversité des situations de proche aidance constitue le prochain défi de la conciliation famille-travail. »