Un récent sondage effectué auprès de cadres d’entreprise par Watson Wyatt et Le Conference Board du Canada a permis de constater que plus de la moitié des chefs des finances et des vice-présidents RH sont « très préoccupés » par l’enjeu de l’attraction et de la fidélisation des employés hautement compétents et au rendement élevé. À cet effet, un tiers des répondants ont mis en œuvre, ou prévoient mettre en œuvre, une certaine forme de programme de retraite progressive.

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DES SECTIONS
Modifications de la Loi d’exécution du budget
Modifications fédérales relatives à la retraite progressive
1. Pendant la période de retraite progressive
2. Après la période de retraite progressive
Retraite progressive sous réglementation provinciale
Répercussions

De nombreuses organisations accommodent déjà certains employés sur une base
individuelle en matière de retraite progressive, en permettant à l’employé de prendre sa retraite, de commencer à recevoir sa rente et de revenir au travail à temps partiel à titre d’employé contractuel. Le Règlement de l’impôt sur le revenu interdisait jusqu’à tout récemment aux employés d’accumuler des prestations en vertu d’un régime à prestations déterminées (PD) s’ils recevaient déjà une rente de ce régime ou d’un autre régime PD de l’employeur.

Ainsi, les arrangements non officiels en matière de retraite progressive constituaient souvent la seule façon de permettre à certains employés de commencer à toucher leur rente tout en continuant à travailler pour une organisation. Cependant, ces arrangements n’avaient rien d’idéal en raison de la perte d’ancienneté, de sécurité d’emploi, d’avantages sociaux (soins de santé et dentaires) et du droit d’accumuler des prestations de retraite. Les modifications apportées à la législation fédérale offrent désormais aux employeurs et aux employés de meilleures options pour concevoir et mettre en œuvre des programmes de retraite progressive.

Modifications de la Loi d’exécution du budget

Le projet de loi C‑52 modifie la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et le Règlement afin de permettre aux employés admissibles qui participent à un régime de retraite PD agréé de recevoir seulement une rente de raccordement ou de recevoir jusqu’à 60 % de leur rente accumulée, tout en continuant d’accumuler des prestations supplémentaires. La limite de 60 % sera fonction du montant de rente viagère (et de rente de raccordement) qui seraient versées par le régime si l’employé choisissait une pleine retraite.

Cependant, les règles en matière de retraite progressive énoncées au projet de loi C‑52 n’ont fait que modifier les lois de l’impôt sur le revenu applicables. Avant qu’un répondant de régime puisse tirer pleinement profit de cette nouvelle souplesse, les lois provinciales en matière de retraite doivent être modifiées.
En premier lieu, le projet de loi C‑28 modifie la Loi sur les normes de prestation de pension (LNPP), qui permettra à un employeur offrant un régime de retraite sous réglementation fédérale de mettre en vigueur la retraite progressive.

Modifications fédérales relatives à la retraite progressive

Le projet de loi C‑28 définit une prestation de retraite progressive comme étant une prestation égale à une partie de la prestation immédiate à laquelle une personne a droit, lorsqu’elle atteint l’âge normal de la retraite ou qu’elle devient admissible à la retraite anticipée en vertu de son régime de retraite.
Grâce au projet de loi C‑28, des prestations de retraite progressive pourront être versées au participant d’un régime sous réglementation fédérale si les critères suivants sont remplis :

• le participant au régime conclut une entente écrite avec l’employeur qui verse des cotisations au régime duquel proviendront les prestations de retraite progressive, ou avec un administrateur désigné, laquelle entente précise que le participant et l’employeur ou l’administrateur consentent tous les deux à la retraite progressive;

• le participant continue à accumuler des prestations pendant la période de retraite progressive en vertu du Règlement;

• une prestation de retraite progressive sera uniquement versée à une personne qui recevait une rente réversible avant la période de retraite progressive si l’époux ou le conjoint de fait concerné consent, par écrit, à l’arrêt du versement de la rente. Selon les agents du ministère des Finances, cette disposition vise à offrir aux personnes actuellement retraitées la possibilité de profiter des nouvelles options de retraite progressive. Le fait d’exiger le consentement du bénéficiaire d’une rente réversible évite que les époux ou les conjoints de fait perdent des droits sans d’abord être consultés. Une fois l’entente relative à la retraite progressive terminée, il n’y a pas de retour immédiat à la rente réversible convenue préalablement. Cette option est annulée et le retraité doit prendre une nouvelle décision concernant la rente à verser après la retraite progressive.

1. Pendant la période de retraite progressive

Le projet de loi C‑28 contient certaines modifications qui créent des exceptions aux dispositions actuelles de la LNPP pendant la période de retraite progressive, notamment :

• les employés seront toujours considérés comme des participants du régime pendant une période de retraite progressive, ne seront pas des « retraités » aux termes de la LNPP et seront réputés ne pas recevoir de prestations immédiates;

• la règle du 50 % ne s’applique pas lorsque l’employé entame sa période de retraite progressive; étant donné que le participant en retraite progressive est réputé ne pas avoir pris sa retraite, la règle du 50 % à un régime contributif ne s’appliquera pas tant que le participant ne mettra pas fin à son emploi;

• la rente de retraite progressive ne peut être versée qu’au participant et il n’est pas nécessaire de verser la rente sous forme réversible si le participant a un conjoint lorsqu’il commence à toucher une rente de retraite progressive.

2. Après la période de retraite progressive

Le projet de loi C‑28 contient aussi des dispositions régissant le traitement des prestations de retraite après la période de retraite progressive.

• les prestations accumulées pendant la période de retraite progressive sont réputées avoir été acquises « indépendamment de l’âge, de la durée de la participation au régime ou de la période d’emploi »;

• le montant de la prestation de retraite progressive versée n’est pas pris en compte au moment de déterminer la prestation immédiate à laquelle un participant a droit ou est admissible lorsqu’il prend sa pleine retraite. Ainsi, ni le montant ni la valeur de la rente qui sera versée au moment de la pleine retraite ne sera diminuée en raison de la retraite progressive antérieure;

• si un participant décède pendant la période de retraite progressive, il sera réputé être retraité aux fins de la rente au survivant, et avoir choisi une rente réversible au survivant de 60 %. Par conséquent, le conjoint survivant aura droit à la rente au survivant de 60 % à compter de la date de décès du participant.

Retraite progressive sous réglementation provinciale

Les modifications à la LNPP ne s’appliquent qu’aux entités sous réglementation fédérale, dont les banques, les sociétés de télécommunication et les transporteurs aériens. Les régimes de retraite sous réglementation provinciale devront attendre que les lois provinciales en matière de retraite soient modifiées avant de tirer avantage des nouvelles dispositions sur la retraite progressive prévues par la LIR.

À l’heure actuelle, le Québec est l’une des deux provinces à autoriser la retraite progressive. Les dispositions applicables au Québec ne permettent que le versement d’un montant forfaitaire au début de chaque année, lequel montant doit être directement lié à la réduction des heures de travail. Elles permettent également au participant de continuer à accumuler des prestations de retraite pendant la période de retraite progressive. Une fois le participant admissible à la pleine retraite, les dispositions l’autorisent à recevoir une rente, mais la valeur cumulée des montants forfaitaires reçus est déduite de la rente qu’il finira par recevoir. Ainsi, le participant perd la valeur de toutes les réductions de retraite anticipée et de la rente de raccordement qu’il aurait reçues s’il avait simplement pris sa retraite au début de la période de retraite progressive. Les modifications aux règlements fiscaux pallieront cet inconvénient en permettant un versement partiel de la rente de retraite anticipée.

Toutefois, selon les modifications à la LIR et au Règlement apportées par le gouvernement fédéral, le Québec devra modifier leurs lois afin de permettre aux régimes d’offrir l’accumulation et le versement simultanés de prestations, sans avoir à déduire les prestations cumulées de la rente de retraite finale au moment de la pleine retraite. Enfin, comme le régime de retraite progressive du Manitoba s’inspire des modèles québécois et albertains, il devra également être modifié afin de s’harmoniser aux nouvelles dispositions fiscales.

Répercussions

En ce qui concerne les employés sous réglementation fédérale, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour éliminer les normes en matière de retraite qui font obstacle aux dispositions de la LIR relatives à la retraite progressive.

La retraite progressive peut servir d’outil pratique aux employeurs souhaitant maintenir en poste les travailleurs âgés qui détiennent une expertise, des connaissances et des compétences très recherchées. Les nouvelles dispositions modifiant la LNPP en vue de définir la retraite progressive et sa structure de mise en œuvre constituent un pas important vers l’application de la retraite progressive dans l’ensemble des provinces du Canada. Certaines provinces ont précisé qu’elles attendaient la version définitive des règlements de la LIR et de la LNPP avant de décider de mettre en œuvre ou non leurs propres dispositions en matière de retraite progressive.

En l’absence d’un programme de retraite progressive, les employés admissibles à une retraite anticipée relativement généreuse qui continuent à travailler peuvent gagner considérablement moins que leur salaire si l’on tient compte de la valeur des prestations de retraite non versées. Les mesures proposées, qui permettent à l’employé de continuer à accumuler une rente PD tout en recevant une part de la rente non réduite, limiteront cette probabilité de perte de revenu. En vertu des modifications à la LIR, l’employé dans cette situation peut accéder à la valeur des prestations de retraite anticipée en touchant jusqu’à 60 % de sa rente tout en continuant à accumuler davantage.

Les employés devront s’assurer que la retraite progressive leur convient. Comme ils ne peuvent toucher que 60 % de la rente, il faudra voir si ce pourcentage ainsi qu’une accumulation continue des prestations suffiront pour convaincre les employés de rester au travail, plutôt que de toucher 100 % de leur rente tout en travaillant au sein d’une autre organisation ou pour le même employeur à titre d’employé contractuel. Bien que l’option de revenir au travail et de recommencer à accumuler des prestations puisse être attrayante pour certains retraités (si, par exemple, la rente entière peut être recalculée avec des réductions plus favorables au moment de la retraite subséquente), ces derniers devront sérieusement étudier les avantages et inconvénients associés à la fin du versement de la rente dans le but de commencer une période de retraite progressive.

Enfin, les employeurs devront envisager toutes les conséquences d’un programme de retraite progressive pour que ce dernier atteigne son objectif, à savoir encourager les employés à rester un peu plus longtemps, et qu’il n’incite pas au contraire les employés à réduire leurs heures de travail plus tôt que ce qui était prévu.

En vertu des modifications apportées à la LNPP, il semble que les employeurs sous réglementation fédérale pourront offrir la retraite progressive de façon sélective, au cas par cas, bien qu’il demeure incertain que les conditions des offres puissent varier d’une personne à une autre en fonction de leur situation personnelle. En ce qui concerne les employeurs qui ne sont pas sous réglementation fédérale, tant que les modifications nécessaires ne seront pas apportées aux lois provinciales en matière de retraite, il n’est pas sûr s’ils pourront offrir la retraite progressive de manière sélective ou s’ils devront l’offrir à l’ensemble des participants.

C’est un important enjeu à régler. S’il est certain que différents participants peuvent être traités distinctement (notamment en ce qui concerne la générosité du régime ou la possibilité de refuser la retraite progressive à certains participants en vertu de circonstances personnelles, sans courir le risque d’être accusé de discrimination ou d’utiliser l’actif d’un régime à l’avantage de certains participants), la voie du régime de retraite peut être avantageuse. Autrement, les employeurs continueront probablement à concevoir des programmes de retraite progressive individualisés en fonction des dispositions actuelles des régimes de retraite, et à inciter les employés à rester au travail par l’intermédiaire de primes ou d’autres récompenses pécuniaires et non pécuniaires.

Source : Watson Wyatt Canada