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Le 23 janvier dernier, la Cour supérieure a autorisé deux anciens
participants des régimes de retraite de Mine Jeffrey à intenter
deux recours collectifs contre les ex-membres des comités de retraite,
le gestionnaire des caisses de retraite et l’actuaire des régimes1.
Les requêtes intentées par les anciens participants des régimes
de retraite sont les premières à viser les membres d’un
comité de retraite. Il y a lieu de rappeler les faits dans cette affaire.

À compter de 1983, Mine Jeffrey exploite à Asbestos une mine
d’amiante à ciel ouvert dont l’origine remonte aux années
1880. Le 16 septembre 1983, elle convient des régimes de retraite avec
ses employés. Au cours des années 1994 et 1995, Mine Jeffrey constate
que les réserves d’amiante de la mine à ciel ouvert qu’elle
exploite seront épuisées vers l’an 2000 et elle envisage
l’aménagement d’une mine souterraine afin de prolonger de
quelque 20 ans la durée de vie de l’entreprise.

La réalisation du projet débute à l’automne 1996,
mais ne sera toutefois jamais achevée en raison des difficultés
économiques rencontrées par l’entreprise qui doit se placer
sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers
des compagnies le 7 octobre 2002. À compter de cette date, Mine Jeffrey
cesse de verser ses cotisations reliées au passif des caisses de retraite,
et le 8 février 2003 elle cesse de verser ses cotisations pour le service
courant. La terminaison des régimes de retraite est prononcée
à cette même date par la Régie des rentes du Québec.

Dans le contexte particulièrement difficile que connaît l’entreprise
dans les années 1990 jusqu’à sa faillite en février 2003,
la politique de placement des comités de retraite adoptée en novembre
1992 a été révisée à maintes reprises pour
accorder une place plus importante au placement en actions. Ainsi, entre décembre
1998 et janvier 2003, la proportion des placements en actions des caisses de
retraite aura varié de 45% à 73%. La rente annuelle de 10 000
$ que recevait un participant retraité ne sera donc plus que de 6 343
$, et le participant actif qui espérait recevoir une rente annuelle de
10 000 $ ne recevra que 6 343 $.

La Loi sur les régimes complémentaires de retraite exige qu’un
comité de retraite administre un régime de retraite. En tant qu’administrateur
du régime, le comité agit à titre de fiduciaire et doit
agir dans le meilleur intérêt des participants. Or, les membres
des comités de retraite sont, dans la plupart des cas, désignés
par l’employeur et il peut arriver que les pouvoirs des comités lui soient
délégués. L’on voit bien se dessiner le conflit d’intérêts
dans lequel se trouvent les membres des comités de retraite désignés
par l’employeur lorsque ce dernier est aux prises avec de sérieuses difficultés
financières et que les décisions à prendre par le comité
créent un fardeau financier supplémentaire à l’entreprise.

Dans la présente affaire, les requérants reprochent aux ex-membres
des comités de retraite, au gestionnaire des caisses et à l’actuaire
des régimes d’avoir manqué, d’une part, à leurs obligations
de fiduciaires et d’administrateurs du bien d’autrui et, d’autre
part, à leurs obligations contractuelles en adoptant une politique de
placement imprudente permettant une trop forte part de placement en actions
et une répartition imprudente des caisses de retraite. Une stratégie
de placement plus conservatrice aurait probablement entraîné un
taux de rendement inférieur, mais les requérants estiment que
les comités de retraite aurait alors pu faire en sorte que l’employeur
augmente ses cotisations aux régimes.

Dans son jugement du 26 janvier dernier, la Cour supérieure conclut
que les questions soulevées par les requérants étaient
suffisamment sérieuses et que les autres conditions nécessaires
afin d’obtenir l’autorisation d’exercer un recours collectif
étaient rencontrées. Il est important de noter que ce faisant
la Cour n’a pas conclu que les ex-membres des comités de retraite,
le gestionnaire des caisses et l’actuaire des régimes avaient été
fautifs dans l’accomplissement de leurs obligations juridiques. Elle a simplement
conclu à ce stade préliminaire du recours que les questions soulevées
méritaient d’être débattues au fond lors d’un procès.

La décision de la Cour supérieure a été portée
en appel et une requête en rejet d’appel a été déposée
par les requérants le 8 mars dernier. Les deux requêtes seront
entendues le 5 juin 2006. Une histoire à suivre !

Langlois c. Roy, J.E. 2006-496(C.S.)(inscription en appel le 22 février
2006 et requête en rejet d’appel
le 8 mars 2006)et Coutu c. Roy, 2006 QCCS 298(C.S.)(inscription en appel
le 22 février 2006 et requête en rejet d’appel le 8 mars
2006).