Une recherche sur Google avec les mots clés « détresse psychologique des gestionnaires » nous livre comme premiers résultats presque exclusivement des documents traitant du rôle crucial et la gestion des problèmes de détresse psychologique de leurs employés.

­Est-ce à dire que les gestionnaires ne peuvent pas souffrir eux aussi de problèmes de santé psychologique?

Pourtant, ­ceux-ci se retrouvent dans une situation particulière, isolés, souvent coincés entre la haute direction et les employés, devant rendre des comptes à l’une et maintenir la confiance et la mobilisation des autres. Ils ont une charge de travail importante, tant sur le plan quantitatif que qualitatif ; ils doivent prendre des décisions qui peuvent avoir une incidence importante et gérer les émotions au travail, autant les leurs que celles de leurs employés.

La gestion des différences
On demande aussi aux gestionnaires de prendre en compte, dans leurs communications avec les employés, divers critères tels que les différences générationnelles, les styles de communication, l’origine culturelle, etc.

Mais dans la réalité, lorsqu’il faut transmettre un message important aux employés, comment ­gère-t-on toutes les informations relatives aux différences de façon fluide, sans perdre son naturel et sa crédibilité?

Afin de faciliter la communication, pourquoi ne pas plutôt s’attacher aux points communs ou aux valeurs partagées, à ce qui relie les personnes entre elles sur le plan de leurs attentes et de leurs besoins?

Par exemple, il est souvent mentionné que les représentants de la génération Y recherchent une rétroaction fréquente et immédiate au travail. Pourquoi ne pas en donner à tous les employés, quelle que soit leur génération, sur une base moins fréquente mais régulièrement ? ­Et pourquoi ne pas instaurer, avec l’aide des employés, un climat de reconnaissance à l’intérieur de l’équipe et rendre les employés responsables de son maintien?

Le bonheur et le ­bien-être
Il est vrai que le gestionnaire joue un rôle important, et c’est une bonne chose de lui demander d’adopter un leadership plus humain, d’être plus proche de ses employés, d’être à l’écoute. Mais il ne faut pas oublier que les employés ont aussi leurs responsabilités. Et que les gestionnaires doivent penser à leur propre santé. Si on réclame de la reconnaissance, pourquoi ne pas d’abord en manifester ?

Si on recherche le ­bien-être au travail, il est important de commencer par trouver un travail qui ait du sens dans un contexte le plus sain possible. Il faut aussi commencer par mieux se connaître, ses forces surtout, pas seulement ses faiblesses, et déterminer le rôle que l’on souhaite jouer et la contribution que l’on désire apporter par son travail. Déjà, en 2003, un article de ­La ­Presse sur le bonheur au travail affirmait : « ­Nous avons le devoir de nous faire respecter et de demeurer fidèles à ­nous-mêmes au travail. Très souvent, nous ­sous-estimons l’influence que nous avons dans notre milieu de travail et le pouvoir que nous avons de changer les choses. »

De leur côté, les gestionnaires doivent aussi faire ce travail de connaissance de soi. Ils doivent identifier leur propre style de leadership, être conscients de leurs forces et de leurs talents. Trop souvent, des gestionnaires se sentent dans l’obligation d’adopter un modèle de gestion qui n’est pas le leur, mais qui serait perçu comme étant le plus efficace ou le plus moderne. Mais une telle approche est comme porter les vêtements de quelqu’un d’autre.

De retour sur ­Google, une nouvelle recherche avec les mots clés « qualités requises pour être un bon gestionnaire » propose des réponses telles que : les 15 qualités, les 14 rôles… ­Cela en fait beaucoup ! ­Et c’est pratiquement une mission impossible. On ne peut gérer que comme on est, avec ce qu’on a, nos talents et nos forces, et les faiblesses qui vont avec.

À chacun sa part
Il ne s’agit pas de minimiser le rôle des gestionnaires. Au contraire, ­ceux-ci sont très importants. Lors du départ des employés, une des raisons qui revient souvent sont les mauvaises relations avec le supérieur immédiat.

Mais un gestionnaire souffrant de détresse psychologique, dans un rôle qui n’est pas le sien, avec une pression continuelle sur ses épaules ou qui se sent incapable d’incarner tout ce qu’on attend de lui, aura un impact négatif important sur ses employés, sur son équipe de travail.

Avant que nos gestionnaires deviennent fragilisés, rendons donc à chacun ce qui lui appartient. Commençons à considérer les gestionnaires pour ce qu’ils sont : des facilitateurs, des meneurs, des leaders, certes, mais d’abord et avant tout des êtres humains!

Madeleine ­Fortier est présidente d’Accent ­Carrière et formatrice en développement des talents.