La fraude et les abus représentent de 2 à 10 % des dépenses en soins de santé dans les assurances privées, soit entre un et cinq milliards de dollars annuellement au Canada. Comment y faire face?

Bien qu’elle constitue une faible proportion des coûts des régimes d’assurance collective, la fraude atteint des montants qui préoccupent les compagnies d’assurance. « ­La fraude et l’abus s’ajoutent au problème de la hausse du coût du médicament et cela peut faire en sorte que les régimes tels qu’ils existent actuellement ne seront éventuellement plus viables », s’inquiète ­Lyne ­Duhaime, présidente de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) ­Québec.

En 2015, les sociétés membres de l’ACCAP ont versé plus de 24 milliards de dollars pour des services de santé fournis au pays. « ­La fraude et l’abus représentent plusieurs milliards de dollars de pertes pour les assureurs offrant des régimes privés d’assurances collectives et résultent ultimement en une hausse des primes pour les employeurs et les employés », constate ­Daniel ­Tourangeau, directeur de la société de juricomptabilité ­LBC ­Meaden & ­Moore ­International.

Différentes formes de fraudes
La fraude et les abus en assurances collectives comprennent une variété d’actes plus ou moins volontaires de la part des adhérents et des fournisseurs de soins de santé, qui résultent tous en un gaspillage important.

Au bas de l’échelle figure l’abus qui n’est pas illégal, mais néanmoins contraire à l’éthique. « ­Il s’agit de gens qui ont l’impression que, s’ils n’utilisent pas à 100 % leur régime d’assurance collective, ils laissent de l’argent sur la table, explique ­Lyne ­Duhaime. Ainsi, une personne qui n’a pas besoin d’un soin, d’une prothèse ou de nouvelles lunettes va obtenir ce soin ou ces produits car elle veut tirer le maximum de son régime. »

L’abus est souvent lié à une mauvaise compréhension de l’assurance collective. « ­Les gens ne réalisent pas qu’ils se fraudent ­eux-mêmes et qu’ils fraudent leurs collègues de travail en agissant ainsi », ajoute ­Mme ­Duhaime.

La fraude, qui naît d’une réelle volonté de tromper le régime d’assurance collective afin d’en tirer un avantage financier, peut être initiée par l’adhérent ou par le fournisseur de soin. Ainsi, il peut s’agir de falsifications de reçus ou d’ordonnances, ou encore « d’un dentiste qui procède à un examen de routine mais qui facture un examen d’urgence plus onéreux », illustre Daniel Tourangeau.

Aussi, il arrive que des fournisseurs de soins profitent de leurs multiples spécialités. « ­Par conséquent, si l’adhérent a atteint son maximum en ostéopathie, par exemple, le professionnel de la santé va émettre un reçu en massothérapie, même s’il ne s’agit pas du soin reçu », explique ­Lyne ­Duhaime.

Au sommet des mauvaises intentions figure finalement la collusion, avec notamment l’émission de faux reçus permettant à l’adhérent et au fournisseur de se partager les sommes perçues. On voit également des cas où « l’adhérent a atteint son maximum pour une garantie et demande au fournisseur d’émettre un reçu au nom d’un enfant à charge qui n’a pas utilisé la garantie », mentionne ­Daniel ­Tourangeau.

Qui sont les fraudeurs?
Il est difficile de connaître précisément l’ampleur de la fraude et des abus en assurance collective, tout comme il est difficile de savoir qui sont les principaux fraudeurs. « ­Il s’agit d’une minorité de professionnels et de participants, croit ­Lyne Duhaime. Malheureusement, étant donné l’ampleur des dépenses, cela a une incidence importante qui préoccupe grandement les assureurs. »

Sans vouloir cibler certains professionnels de la santé plus que d’autres, les experts consultés ne cachent pas que les services paramédicaux sont plus vulnérables aux fraudes. « ­Il est difficile, pour un assureur, de vérifier les services rendus derrière des portes closes, constate ­Daniel ­Tourangeau. Les services paramédicaux non réglementés sont particulièrement vulnérables. Par exemple, au ­Québec, la massothérapie n’est pas réglementée. En l’absence de réglementation, n’importe qui peut s’improviser massothérapeute. Bien que des associations de praticiens soient présentes au ­Québec, le vide juridique favorise la fraude. »

Pour contrer le problème, l’ACCAP se positionne en faveur de la création d’ordres professionnels pour tous les professionnels de la santé. « ­On pense que cela pourrait réduire les situations d’abus ou de fraude, mais ce n’est pas seulement pour cette raison que nous sommes pour l’encadrement des professionnels de la santé, explique ­Lyne ­Duhaime. Cela permet d’avoir un endroit où s’adresser pour porter plainte, un comité de discipline par exemple, lorsqu’on constate une situation inadéquate, ce qui peut certainement aider. »

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