La fatigue numérique, ce phénomène particulièrement observé depuis le début de la pandémie, réfère à la fatigue, l’inquiétude et l’épuisement associés à la surutilisation des plateformes de communications virtuelles. Plusieurs experts et scientifiques étudient de plus près ses causes et ses conséquences potentiellement néfastes sur la santé physique et psycho-logique des travailleurs. Heureusement, des pistes de solutions existent.

Le confinement et le télétravail forcés survenus avec la pandémie ont causé un problème de santé que nous n’aurions pu prédire. Un environnement familial non adapté au travail, une mauvaise ergonomie des équipements utilisés à la maison et une succession constante de réunions d’affaires contribuent à ce nouveau ­mal-être.

Selon les experts en psychologie et en ergothérapie consultés, les causes sont très variées et multifactorielles : neurologiques, ergonomiques, sociales et reliées à la fatigue de la pandémie.

Des études ont démontré que le centre de récompense de notre cerveau n’est pas activé lors d’une réunion virtuelle, nous donnant l’impression d’un coût élevé et d’une gratification faible. Une dissonance « présence/absence » s’établit du reste entre le fait de « voir les personnes », mais de ne pas être physiquement avec elles. Les visages à l’écran sont parfois trop gros et cette proximité donne l’impression au cerveau d’être aux aguets. De plus, les multiples ­arrière-plans des participants demandent à notre cerveau un traitement d’informations trop élevé. Chaque réunion nous cause un petit deuil du contact humain dont nous avons tellement besoin. Ces menus deuils répétitifs et quotidiens nous infligent une surcharge cognitive constante.

Un des chercheurs consulté a parlé d’« effondrement social » et a comparé les réunions virtuelles à « aller dans un bar et y rencontrer tout en même temps, les collègues, le patron, les amis, l’amoureux, les parents et les ­grands-parents ». Évidemment, nous ne saurions où donner de la tête en pareil cas ! ­Cet effondrement social est un changement drastique de notre mode de vie, auquel nous ne sommes pas encore adaptés.

L’absence de barrière entre la vie privée et la vie professionnelle contribue à exacerber le phénomène, sans compter la présence d’enfants d’âge scolaire qui nécessitent une surveillance, mais aussi de l’aide à l’éducation. Les travailleurs, en plus d’être parents, sont devenus des éducateurs, des professeurs et parfois des proches aidants, dans un même lieu.

Les réunions en vidéoconférence, qui impliquent une connexion incessante et une mobilité réduite, occasionnent également plusieurs problèmes de santé physique. Maux de tête, courbatures, douleurs et inconforts reliés à la position statique assise pendant de longues périodes sont des symptômes soulevés fréquemment par les travailleurs interrogés à ce sujet. Mais les conséquences physiques ne sont pas les seules. La surcharge cognitive, l’hypervigilance constante et la fatigue émotionnelle reliées à la pandémie peuvent en outre causer de l’anxiété, du stress, de l’épuisement et mener à la dépression.

Quel sera le coût à long terme de cette fatigue numérique sur la santé des individus ? ­Est-il trop tard pour agir ?

Le télétravail et le travail en mode hybride qui suivra dans l’­après-pandémie nous obligent à améliorer les conditions des personnes touchées par cette nouvelle réalité. Il existe des pistes de solutions pour les organisations et leurs gestionnaires, mais aussi pour les individus.

Les employeurs devraient notamment clarifier les politiques et règles entourant les horaires (par exemple, pas de réunion entre 12 h et 13 h) et la durée (réunions de 25 ou 50 minutes au lieu de 30 ou 60 minutes). Les objectifs des rencontres devraient être établis à l’avance, tout comme les modalités (inviter seulement les personnes visées par la réunion, nommer un facilitateur, identifier la prise de parole). Enfin, les entreprises devraient fournir l’équipement et la connexion ­Internet appropriés ainsi que du soutien technologique.

Les gestionnaires devraient pour leur part garder un contact régulier et personnel avec les membres de leur équipe pour s’assurer de leur ­bien-être et prendre en considération leurs besoins.

Finalement, les employés ont tout intérêt à adopter de saines habitudes de vie de même qu’un horaire régulier et fixe, à prendre des pauses entre les réunions, à s’éloigner de l’écran grâce à un clavier externe, à éteindre la caméra à l’occasion et à changer de position dans la journée.

La fatigue numérique est réelle et affecte de plus en plus de travailleurs. Comme employeur, il est important d’agir rapidement et d’établir les politiques et mesures qui les aideront à rester en bonne santé physique et mentale, et ce, dans la durée.


• Ce texte a été publié dans l’édition de mai 2021 du magazine Avantages.
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