En raison du vieillissement de la population, les entreprises canadiennes devront s’habituer à souffrir d’un manque de personnel, préviennent des experts.
Le manque de personnel avait été attribué en grande partie à la COVID-19 depuis le début de la pandémie. Pour les experts, le coronavirus n’est pourtant qu’un des facteurs expliquant les pénuries de main-d’œuvre.
Les problèmes de main-d’œuvre qui causent des maux de tête aux entreprises canadiennes prennent véritablement racine dans le vieillissement de la population.
« Quand je me promène dans l’usine et sur les chantiers, je peux constater ce phénomène démographique, constate Dan Gallagher, le PDG de Milkisew Group, à Fort McMurray, en Alberta. Le ratio des apprentis par rapport aux plus vieux travailleurs est si bas qu’on ne dispose plus de réserve pour compenser les départs. »
Les experts préviennent depuis plusieurs années des départs massifs de baby-boomers du marché du travail. La génération des Canadiens nés de 1946 à 1964, est de loin la plus importante au pays, mais elle vieillit.
La force de travail suit une pente descendante depuis 2000, mais la tendance s’est amplifiée au cours des dernières années. La « vague grise » pointait déjà à l’horizon, mais elle vient d’atteindre le rivage.
Selon Statistiques Canada, plus de 1,4 million de Canadiens ont atteint l’âge de 55 ans de 2016 à 2021. L’an dernier, un travailleur sur cinq était âgé de 55 à 64 ans, un sommet depuis le début des recensements.
« C’est comme un camion qui apparaît dans votre rétroviseur. Il est là et semble s’avancer lentement. On ne le remarque plus, et le voilà tout à coup dans votre sillage », compare Mike Holden, un économiste principal au Conseil albertain des affaires.
L’arrivée de la « vague grise » survient au moment où les entreprises de toutes les tailles et de tous les secteurs se plaignent du manque de main d’œuvre dans toutes les provinces. On comptait un million de postes vacants au pays au deuxième trimestre de 2022, un sommet.
La pandémie de COVID-19 n’a pas contribué à régler la situation, loin de là.
Mais le taux d’activité est légèrement inférieur à celui enregistré avant le début de la pandémie. En réalité, les jeunes Canadiens et ceux d’âge mûr sont revenus sur le marché du travail à un niveau comparable à celui de 2019, selon un rapport de la Banque Scotia.
Ce même rapport souligne que la cause du déclin du taux de participation au marché du travail est essentiellement attribuable aux Canadiens âgés de 60 ans et plus qui quittent le marché du travail. En même temps, les auteurs écrivaient que « les Canadiens plus âgés constituent une pépinière de travailleurs critiquement sous-utilisés et oubliés ».
« La chose la plus importante que l’on oublie, ce sont les conséquences de ces défis », affirme Patrick Gill, directeur principal du Laboratoire de données sur les entreprises de la Chambre du commerce du Canada.
Il souligne que plus d’une entreprise sur trois (36 %) a rapporté des problèmes de manque de main-d’œuvre. Ce pourcentage grimpe à environ 45 % dans les secteurs de l’industrie manufacturière et de la construction et à 58 % dans le secteur de l’alimentation.
« Cela signifie que tous ont des horaires plus longs, ce qui affecte la qualité de vie. Cela entraîne aussi un ralentissement de la croissance et contribue aux retards dans la chaîne d’approvisionnement », avance M. Gill.
Parmi les solutions avancées figure le recours à l’immigration.
Mais l’arrivée d’un grand nombre d’immigrants ne pourra freiner la vague, soutient Rafael Gomez, directeur du Centre des relations industrielles et des ressources humaines de l’Université de Toronto.
Les derniers baby-boomers auront 65 ans en 2030. À ce moment-là, les Canadiens âgés de 15 à 64 ans ne représenteront qu’une plus petite partie de la population du pays.
« Ça va nous nuire, ajoute M. Gomez. Les tendances démographiques ne sont pas faciles à changer à court terme. En réalité, il est vrai que nous constatons ce déclin [de la force de travail] depuis 20 ans. »
M.Gomez dit que les problèmes des entreprises pour pourvoir tous les postes vacants ne disparaîtront pas du jour au lendemain.
« C’est la nouvelle normalité. Et si l’économie s’écrase, cela ne permettra pas d’améliorer les conditions de travail », prévient-il.