
Québec décrète la réouverture graduelle des commerces et des entreprises, à compter du 4 mai.
Ce jour-là, les commerces ayant pignon sur rue pourront reprendre leurs activités dans toutes les régions du Québec, sauf celle du grand Montréal où ce sera à compter du 11 mai.
Pour éviter les rassemblements, les centres commerciaux avec des aires communes vont demeurer fermés jusqu’à nouvel ordre. Une exception: les magasins qui y sont installés et qui ont une porte donnant vers l’extérieur, à partir du 11 mai.
Les commerces en gros ouvriront aussi en deux temps, soit le 4 mai dans la plupart des régions et le 11 mai dans la région de Montréal.
Plusieurs secteurs d’activités vont demeurer fermés pour un temps indéterminé: les restaurants, les services personnels (coiffure, dentiste, etc.), les lieux de diffusion, le secteur culturel et l’industrie touristique.
« Notre défi, c’est de relancer l’économie, sans relancer la pandémie », a commenté le premier ministre François Legault, mardi, durant sa conférence de presse quotidienne sur le sujet, en annonçant les grandes lignes de son plan de déconfinement progressif de l’économie.
Trois secteurs seront privilégiés dans un premier temps: le commerce de détail, l’industrie de la construction et le secteur manufacturier.
Partout au Québec, même à Montréal et sa banlieue, toutes les entreprises manufacturières pourront ouvrir leurs portes le 11 mai.
Cependant, afin de respecter les normes de distanciation sociale, Québec fixe un nombre maximal d’employés présents en même temps dans l’usine.
Par exemple, une entreprise comptant 50 travailleurs pourra fonctionner à plein régime. Mais une autre embauchant 500 employés pourra faire travailler un maximum de 275 personnes par quart de travail, soit 50 employés, plus la moitié de l’excédent, donc 225.
Ces restrictions s’annoncent cependant de courte durée. À compter du 25 mai, les entreprises manufacturières de tout le Québec, qui embauchent au total 176 000 personnes, pourront reprendre leurs activités normales, sans aucune limite.
Elle aussi, l’industrie de la construction, avec ses 85 000 travailleurs, pourra s’activer partout au Québec et sans restrictions, à partir du 11 mai.
Les chantiers de construction résidentielle étaient déjà ouverts depuis le 20 avril.
Des programmes d’aide gouvernementale destinés aux entreprises en difficulté seront annoncés dans les prochaines semaines.
En vigueur depuis le début d’avril, la fermeture des commerces de détail le dimanche est prolongée jusqu’au 31 mai, sauf ceux qui sont considérés essentiels, comme les épiceries, pharmacies, stations-services, dépanneurs et restaurants offrant des plats à emporter.
Pour minimiser la propagation du virus, le télétravail doit être là pour rester, a commenté le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.
Le gouvernement se réserve aussi le droit de modifier ce calendrier ou encore de reculer en procédant à un nouveau confinement, après une période de déconfinement, si la courbe de propagation du virus recommence à augmenter considérablement.
« On n’hésitera pas à revenir en arrière si jamais il y avait une nouvelle éclosion du virus », a observé le ministre Fitzgibbon.
Des protocoles de retour au travail, incluant les mesures de protection à respecter, seront également fournis aux employés et aux employeurs.
Le déconfinement de l’économie entraînera certainement une hausse de la contamination de la population, a reconnu de son côté le directeur national de la Santé publique, le Dr Horacio Arruda.
« Il pourrait même y avoir des personnes qui décéderaient », a-t-il admis, disant miser sur un « risque pondéré » de propagation contrôlée, que le réseau de la santé pourra absorber.
Il a dit espérer qu’il n’y aura « pas trop de gens qui vont mourir ».
« C’est un pari risqué. Le virus, on ne peut pas l’éliminer », a-t-il observé.
Par ailleurs, malgré ces mesures de déconfinement de l’économie, les consignes de distanciation sociale d’au moins deux mètres et l’interdiction de tout rassemblement valent toujours pour l’ensemble de la population, a insisté le premier ministre.
Le quotidien chamboulé
Quelque 460 000 Québécois en congé forcé à cause de la pandémie devraient retrouver leur gagne-pain d’ici la fin mai en vertu du redémarrage graduel annoncé mardi par le gouvernement Legault. De retour au boulot, ceux-ci vont s’apercevoir que la COVID-19 continuera de bousculer leur quotidien.
Des questionnaires destinés à identifier les travailleurs avec des symptômes du nouveau coronavirus, en passant par les arrivées graduelles au travail et aux règles visant à assurer une distance suffisante entre les employés, les mesures sont très nombreuses dans les guides sanitaires mis en ligne par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).
Les documents concernent notamment les secteurs qui pourront reprendre leurs activités au cours des prochaines semaines en vertu du plan présenté par Québec. La plupart des détaillants ayant un accès direct à l’extérieur pourront rouvrir leurs portes le 4 mai, alors que dans la région de Montréal, cela devra attendre au 11 mai.
C’est également à cette date que l’industrie de la construction pourra redémarrer alors que du côté manufacturier, la reprise s’effectuera en deux étapes, 11 mai et 25 mai.
« Tout le monde va devoir mettre un peu d’eau dans son vin (…) parce que la vie ne reprendra pas comme auparavant », a expliqué Marie-Hélène Jetté, associée spécialisée dans le droit du travail chez Langlois avocats.
À son avis, dans le but de limiter la propagation de la COVID-19, il ne faudrait pas s’étonner que les employeurs mettent en place des « déclarations obligatoires » qui peuvent paraître intrusives et même voir des entreprises exiger de prendre la température de leurs employés avant le début de leur quart de travail.
Myriane Le François, qui se spécialise également dans le droit du travail au cabinet BLG, a abondé dans le même sens, estimant que ces mesures risquent de demeurer en place tant qu’il n’y aura pas de vaccin ou de traitement pour le coronavirus. De plus, les protocoles devront être adaptés pour chacune des entreprises parce que de nombreuses questions entourent le déploiement des mesures sanitaires.
« Pendant que des gens attendent en ligne pour que l’on prenne leur température, est-ce qu’ils sont rémunérés ou pas? a imagé l’avocate. Ce sont des questions qu’il faut se poser. »
Depuis le début de la crise, Me Jetté et Me Le François ont chacune accompagné des entreprises qui ont pu poursuivre leurs activités parce qu’elles œuvrent dans des secteurs jugés essentiels. Dans l’ensemble, les employeurs et les travailleurs ont généralement accepté de faire des compromis, ont-elles expliqué.
Refus de revenir
Si Québec a signalé que des entreprises pourront rouvrir leurs portes, il reste à voir si les salariés qui craignent pour leur santé voudront rentrer au travail. Interrogé en conférence de presse, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, s’est limité à dire que le gouvernement avait du temps devant lui.
« Moi, je suis très confortable qu’on va convaincre les employés que c’est sécuritaire comme endroit de travail », a-t-il répondu, lorsqu’interrogé sur cette possibilité.
Me Jetté a expliqué qu’une fois qu’un employeur a mis en place les mesures recommandées, les employés rappelés ont l’obligation de revenir au travail.
Dans le contexte de la pandémie, il risque toutefois d’y avoir plusieurs situations particulières.
« Comme employeur, je dois me poser la question « qu’est-ce que je fais avec mes employés de plus de 60 ans (jugés plus vulnérables) », a demandé l’associée chez Langlois. Pour des employés qui ont par exemple des problèmes de santé, est-ce que je les excuse en leur permettant de demeurer à la maison? Probablement. »
Me Le François a également dit croire qu’on ne mettra pas fin au lien d’emploi des personnes qui ne viendront pas travailler mais qui ont une bonne raison pour justifier leur absence.
À la mi-avril, la CNESST avait indiqué que 14 droits de refus avaient été accordés depuis le début de la pandémie.
Selon la loi, un travailleur a le droit de refuser d’exécuter un travail qui présente un danger pour lui ou pour une autre personne. Mais un travailleur ne peut exercer ce droit si son refus met en péril la vie, la santé ou l’intégrité physique d’une autre personne, un pompier en service, par exemple.