Certains des hauts dirigeants de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) ont reporté une partie de leur rémunération dans le contexte de la COVID-19, mais trois d’entre eux, dont l’actuel président et chef de la direction Charles Émond, ont tout de même pu toucher divers paiements compensatoires l’an dernier.

En ce qui a trait à 2019, ces sommes totalisent près de 2,3 M$, peut-on constater dans le rapport annuel du bas de laine des Québécois qui fait le point sur l’année terminée le 31 décembre dernier et qui a été déposé mardi à l’Assemblée nationale, soit plus tard qu’à l’habitude en raison de la pandémie.

Ensemble, les six principaux dirigeants de la Caisse ont vu leur rémunération globale, qui tient compte du salaire de base, des primes et autres avantages, s’établir à 18,35 M$, une somme qui ne tient toutefois pas compte des paiements supplémentaires.

Cependant, M. Émond, Macky Tall, responsable des actifs réels et des placements privés depuis avril, et la cheffe des marchés Anita George ont décidé de « reporter et coinvestir le maximum possible de leur rémunération variable pour une période de trois ans » dans le contexte de la pandémie. Cela représente une somme d’au moins 7 M$, qui sera assujettie aux résultats de la CDPQ et dont la valeur pourrait fléchir si la performance n’est pas au rendez-vous.

Après avoir livré un rendement de 10,4 % l’an dernier, inférieur à son indice de référence établi à 11,9 %, dans un contexte de poussée des marchés boursiers, la Caisse, à l’instar des autres investisseurs, se retrouve dans un environnement beaucoup plus volatile en raison de la pandémie.

« Ce qui frappe, c’est la vitesse et l’ampleur des mouvements récents, souligne M. Émond, dans son message qui accompagne le rapport. C’est aussi à quel point les années 2020 et 2019 seront aux antipodes. »

Paiements étalés

Responsable du Québec avant de succéder à Michael Sabia comme président et chef de la direction de la CDPQ, M. Émond, qui oeuvrait auparavant à la Banque Scotia, a reçu l’an dernier un paiement compensatoire de 713 000 $ dans la foulée de son embauche, ce qui a fait passer sa rémunération globale à 3,5 M$ en 2019.

Au cours d’un entretien téléphonique, le porte-parole de la Caisse, Maxime Chagnon, a expliqué qu’il s’agit de montants compensatoires auxquels M. Émond aurait eu droit s’il était demeuré chez son ancien employeur.

« L’idée est de ne pas le verser d’un coup a-t-il expliqué. On l’étale dans le temps pour s’assurer de garder la personne un certain nombre d’années. »

M. Émond recevra également, en paiements compensatoires, environ 1,5 M$ cette année et 1,77 M$ en 2021.

De son côté, le chef des infrastructures, Emmanuel Jaclot, qui est payé en euros, a touché une « allocation temporaire », convertie en dollars canadiens, de 426 000 $, un traitement auquel il aura droit jusqu’en 2023. Cela s’ajoute à des « montants compensatoires » de 456 000 $ qui ont été payés l’an dernier et qui seront versés cette année.

À Londres, Stéphane Etroy, qui était chef des placements privés et le dirigeant le mieux payé de l’institution jusqu’à l’annonce de son départ, en novembre dernier, a reçu, en plus de son traitement habituel, une « allocation temporaire » d’environ 703 000 $.

Dans un entretien téléphonique, le président exécutif conseil d’administration de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), Yvan Allaire, a fait remarquer que ces sommes versées parallèlement aux émoluments étaient monnaie courante dans le secteur privé.

« Il y a peu de sociétés comme la Caisse qui ont des hauts dirigeants en poste à l’étranger, mais s’il y en avait dans d’autres sociétés d’État, je présume qu’on aurait des arrangements de cette nature », a-t-il dit.

À sa dernière année aux commandes de la CDPQ, Michael Sabia, qui a quitté ses fonctions en février dernier, a vu sa rémunération globale s’établir à 4,4 M$, ce qui constitue une augmentation annuelle de 14,4 %.

Les primes octroyées se sont établies à 156,8 M$ à la grandeur de l’organisation, en hausse de 9,3 % par rapport à 2018. Pour une partie du personnel, le versement a été reporté jusqu’au troisième trimestre de l’année en cours.