L’absence de longue durée d’un employé clé constitue un défi pour toute organisation. Avoir une stratégie efficace pour s’assurer de sa réintégration s’avère donc crucial. Mais jusqu’où l’employeur doit-il accommoder un travailleur après un congé de maladie?

En 2015, les employeurs du ­Québec ont perdu 11,3 jours de travail pour chaque employé à temps plein, tous secteurs d’activité confondus, selon un récent rapport de l’Institut ­Fraser basé sur des données de ­Statistique ­Canada. Il s’agit du taux le plus élevé au ­Canada, dont la moyenne est de 8,6 jours par travailleur. Ces chiffres incluent des absences pour des raisons personnelles, y compris pour remplir ses devoirs familiaux. Mais on peut supposer qu’une partie non négligeable est liée aux maladies et à l’incapacité.

Des recherches ont constaté que plus l’absence est longue, plus le retour au travail s’avère difficile. Une étude américaine publiée en 2006 a observé que la probabilité qu’un employé réintègre son poste de travail chute à 50 % après six mois d’absence.

Dans un cas particulier, une firme du secteur manufacturier aux ­États-Unis, les chances de retour étaient de 50 % après seulement 12 semaines. Pour réussir le retour au travail, il est donc pertinent de faire preuve d’une certaine célérité. Mais il importe aussi de bien agir. Et pour de nombreuses organisations la question est de savoir quelle stratégie adopter pour prendre en considération les besoins de l’employé qui revient après une absence.

« L’employeur doit prendre des mesures nécessaires pour accommoder un employé avec une invalidité. Mais cela ne doit pas représenter ce qu’on appelle une « contrainte excessive » ou un coût déraisonnable pour l’entreprise », tranche ­Samia ­Jarjoura, ­vice-présidente du service de consultation à ­Reed ­Group. L’important est de faire l’exercice d’évaluer les différentes options et de ne pas rejeter trop vite un accommodement, ­ajoute-t-elle. Guy ­Lavoie, avocat et associé chez ­Lavery, abonde dans le même sens. « ­Il faut une analyse rigoureuse de la possibilité d’accommoder l’employé dans ses fonctions antérieures, ce qui est souhaité par les tribunaux, car c’est moins dépaysant pour l’employé, ­dit-il. Et cela doit être bien documenté en cas de litige.

Du cas par cas
Soulignons que le type d’accommodement choisi s’appliquera à une situation précise, pour une personne en particulier dans une entreprise donnée. Ainsi, un modèle unique de retour au travail s’avère très difficile à implanter. On pourrait envisager quelques paramètres de base dans une politique d’absences, mais il s’agit d’une approche qui correspondrait ­peut-être davantage aux grandes organisations et à des contextes où il y a plus de risques d’accidents de travail.

D’ailleurs, note ­Me ­Lavoie, une politique « officielle » ajoute des contraintes et crée un précédent. On pourrait aussi imaginer que certains employés pourraient exagérer leur état de santé pour tenter de répondre à certains critères. « ­Il faut toutefois faire preuve de constance, ­dit-il. Si on applique une mesure dans un dossier, il faut de bons motifs pour y déroger dans un autre cas très similaire. Cela pourrait être en fonction de la disponibilité d’autres postes dans l’entreprise, par exemple, mais on ne doit pas être discriminatoire. »

« ­Ce qui est important, c’est de bien comprendre les limitations de l’employé », note ­Samia ­Jarjoura. Pour avoir les meilleures chances de réussite, il faut être clair et précis et poser des questions nécessaires. En fonction de ces informations, on est en mesure de déterminer les options possibles pour revoir les tâches de l’employé ou encore réviser son horaire. Pour certaines personnes, on procédera à des modifications de l’espace de travail, par exemple. Dans d’autres cas, on pourrait envisager un changement de poste. « ­Le travail doit être perçu comme valable et productif, ainsi que réalisable en toute sécurité, précise ­Mme ­Jarjoura. On ne demandera pas à quelqu’un de passer sept heures à faire le ménage, à classer les documents, si ce n’était pas son rôle avant la maladie. »

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