Devant l’ampleur des défis engendrés par la transition climatique, les gestionnaires de portefeuille ont des choix à faire. Comment investir dans une perspective à long terme dans un contexte où des pans entiers de l’économie sont appelés à changer ou à s’ajuster pour assurer un avenir plus durable ? La réponse, du moins en partie, semble évidente. Investir pour la transition revient à construire le portefeuille le plus résilient possible, encadré bien entendu par le souci du devoir fiduciaire.

L’année 2021 nous place à la croisée des chemins. La prise en compte de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) est en voie de devenir généralisée, les États resserrent leurs cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES), les entreprises sont invitées à davantage de transparence, etc.

Le sujet prendra encore plus de place à l’approche de la ­Conférence de ­Glasgow sur les changements climatiques, organisée par les ­Nations ­Unies et prévue en novembre 2021. Devant des variables qui risquent d’évoluer dans le temps et les nombreux défis de la lutte contre les changements climatiques, comment bâtir aujourd’hui un portefeuille d’entreprises qui seront encore là dans 30 ans ?

De nombreux pays visent la carboneutralité d’ici 2050 et les changements qui découleront des efforts requis seront majeurs. Dans ce contexte, il apparaît fondamental d’identifier les sociétés susceptibles d’être des chefs de file en matière de durabilité. Autrement dit, des entreprises démontrant la volonté et la possibilité de s’adapter et de maintenir leur pertinence à long terme même si, à brève échéance, elles n’obtiennent pas nécessairement les meilleurs résultats. Cela pourrait impliquer un dialogue avec les sociétés et une relation d’accompagnement au lieu d’un désinvestissement, quoique pour certains, cette stratégie peut répondre à des valeurs précises.

Dans tous les cas, les caisses de retraite se trouvent devant une situation des plus intéressante. Au lieu de chercher seulement le rendement maximal, elles doivent miser sur un portefeuille résilient, composé d’entreprises capables de survivre aux défis des changements climatiques. Cet accent sur les comportements exemplaires, par ricochet, contribuera à encourager les bonnes décisions de façon plus large sur les plans environnemental, social et de gouvernance.

La question environnementale est, par ailleurs, de plus en plus analysée sous l’angle du devoir fiduciaire. L’Ontario a fait figure de précurseur il y a quelques années en adoptant des règles selon lesquelles un régime de retraite doit dire si des critères ­ESG sont intégrés à la politique de placement et, si c’est le cas, expliquer comment se fait l’intégration.

Dans son rapport final en 2019, le ­Groupe d’experts sur la finance durable en a ajouté une couche. « ­En règle générale, le système financier est apte à comptabiliser les risques et l’incertitude sur les marchés, et à veiller à ce que les portefeuilles et les entreprises résistent aux chocs et aux tensions externes », ­a-t-il écrit. Il a cependant mentionné que ses propres consultations, en plus d’un « nombre croissant » de publications, suggèrent « que les interprétations courantes de l’obligation fiduciaire et de l’importance relative sont à la traîne par rapport à la réalité des changements climatiques et de ses répercussions financières ». Il a notamment incité ­Ottawa à exiger que les régimes de retraite de juridiction fédérale décrivent leur manière de tenir compte des enjeux climatiques dans leurs politiques de placement, et à les obliger à s’expliquer s’ils n’en tiennent pas compte.

De plus, le groupe a suggéré la création d’un « conseil canadien d’action en matière de finance durable », qui aurait notamment pour mission de se pencher sur un code d’intendance à l’intention des fiduciaires de placement. La suggestion a porté fruit : lors de son énoncé économique de novembre 2020, le gouvernement fédéral a annoncé un engagement de 7,3 millions de dollars sur trois ans pour la création d’un tel comité, qui devait initialement voir le jour au début de 2021.

Même en l’absence de règles pancanadiennes abordant l’équilibre entre l’écoresponsabilité des régimes de retraite et la responsabilité fiduciaire, une stratégie comme celle de la transition permet de faire d’une pierre deux coups. Parions qu’elle en arrivera un jour à couvrir des enjeux plus larges, comme la biodiversité, la diversité et l’inclusion. D’ici là, elle figure parmi les meilleures et, dans le contexte actuel, demeure tout à fait réalisable.


• Ce texte a été publié dans l’édition de juin 2021 du magazine Avantages.
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