Maxime Dumas, chercheur, innovation technologique à Croesus Lab. Photo : James Wagner

L’intelligence artificielle s’immisce dans toutes les industries, et le secteur financier ne fait pas exception à la règle. Parfois pour le meilleur, parfois pour le pire.

« L’intelligence artificielle permet aux entreprises d’offrir des produits et des services de façon totalement différente », soutient Maxime Dumas, chercheur, innovation technologique à Croesus Lab.

Par exemple, dans le domaine de l’assurance de dommages, l’application Lemonade permet d’effectuer une réclamation directement à partir de son téléphone intelligent. Dans le cas d’un accident de voiture, il suffit de prendre des photos et de remplir un formulaire. Un algorithme antifraude analyse ensuite la demande. Au bout du compte, la réclamation peut être approuvée en quelque secondes, et le montant versé directement dans le compte de l’assuré.

Les avancées en intelligence artificielle sont également utiles dans le domaine de la conformité. « On est capable d’entraîner des modèles à déterminer si une transaction est conforme ou non en se basant sur le travail historique réalisé par des superviseurs humains », explique Maxime Dumas.

Les modèles d’analyse de données sont devenus si performants qu’il est même possible d’accorder un prêt à un client sans connaître sa cote de crédit. Des algorithmes peuvent calculer le niveau de risque d’un prêt en fonction des publications sur les réseaux sociaux, de l’historique d’appels ou encore des achats en ligne du client. « Avec tout ça, on est capable de bâtir un profil de risque et de déterminer si le prêt est accordé ou non », indique-t-il.

De plus en plus de firmes intègrent également l’intelligence artificielle pour prendre des décisions d’investissement. En analysant des images satellites de réservoirs de pétrole, des algorithmes peuvent estimer les réserves détenues par les entreprises pétrolières. « On a ainsi accès à des informations privilégiées avant qu’elles ne soient rendues publiques », précise Maxime Dumas. Dans le même ordre d’idée, calculer le nombre de voitures dans un stationnement peut servir à évaluer la performance financière d’un commerce.

Les expériences liées à l’intelligence artificielle sur les marchés financiers ne sont cependant pas toujours positives. En 2012, à la firme Knight Capital, un algorithme dysfonctionnel a effectué quatre millions de transactions en seulement 45 minutes, ce qui a fait perdre 440 millions de dollars à la société.

Les erreurs de programmation du genre ne sont pas les seules inquiétudes liées à l’adoption massive de l’intelligence artificielle dans l’industrie financière. Outre les enjeux liés à l’utilisation des données personnelles des individus, plusieurs observateurs craignent des effets dévastateurs sur l’emploi.

« Dans le domaine de la finance, les projections sont négatives d’ici 2037, note Maxime Dumas. Les pertes d’emploi s’expliquent par le fait que plusieurs emplois sont automatisables facilement dans l’industrie ». Les travailleurs les plus à l’abri sont ceux qui doivent faire preuve de jugement et de créativité dans l’exercice de leurs fonctions.

Mais même si les progrès technologiques sont fulgurants, passer de la théorie à la pratique n’est pas toujours évident. « C’est très difficile d’avoir accès à des données centralisées de qualité, admet-il. Les institutions financières possèdent de vieux systèmes, et les données sont éparpillées dans différentes divisions. Obtenir des données utilisables représente un énorme défi. »