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Depuis quelque temps déjà, nous pouvons entendre et lire des perspectives très sombres en ce qui concerne l’avenir des régimes à prestations déterminées (PD). Le moral est au plus bas. Les informations qui circulent sont à l’effet qu’aucun nouveau régime ne serait créé, alors qu’une tendance à terminer les régimes actuels se dégage… Réalité? Pessimisme exagéré? Ou propagande?… Un peu des trois, à notre opinion…

D’entrée de jeu, l’auteur se montre très favorable aux régimes à prestations déterminées, car il s’agit du système de pension le plus flexible et le plus équitable, lorsque bien conçu évidemment, en termes de mutualisation des risques et d’atteinte des objectifs-retraite dans le respect d’une équité intergénérationnelle.

En juin 2007, l’Institut canadien des actuaires (ICA) publiait une “Ordonnance” en dix points pour soigner un système de pension défaillant. Le président de l’ICA déclarait alors, notamment :

« L’importance que revêt la santé des régimes de retraite à prestations déterminées pour les Canadiens, pour notre économie et pour notre avenir est trop grande pour qu’on laisse lentement agoniser ceux-ci en raison de perceptions erronées et sous prétexte de fausses économies. Employés, employeurs, retraités, syndicats, conseillers professionnels et gouvernements doivent travailler de concert pour rétablir la santé des régimes à prestations déterminées. Il en va de l’intérêt du système de pension du Canada et de la sécurité financière des Canadiens »

Il se dégage un consensus des diverses analyses et études à l’effet qu’un régime de retraite PD est le véhicule le plus souhaitable tant au niveau de la planification de la retraite pour un participant que pour l’économie en général. De ce point de vue, la conversion des régimes PD actuels n’est pas souhaitable. Certaines études affirment même qu’un régime PD parvient à verser des rentes 20 à 30 % plus élevées qu’un régime de type REER. Il en est ainsi car un régime PD se distingue par un horizon de placement plus long, une tolérance au risque supérieure, une mutualisation du risque de placement et des frais moindres, sans oublier l’avantage marqué découlant de la mutualisation des risques relatifs à la survie.

Par contre, il importe de s’attaquer et de régler les faiblesses du système actuel en ce qui concerne le sous-financement des régimes actuels et le manque de vision quant aux perspectives d’équité et de long terme.

Qu’est-ce qu’une caisse de retraite?
Beaucoup d’énergie a été dépensée depuis 1985 dans des débats de propriété des surplus, d’équité des améliorations et du droit d’un employeur à des congés de cotisations. Ni le législateur, ni la majorité des régimes d’ailleurs, n’ont adressé directement les questions fondamentales sous-jacentes à un plan de financement à long terme dans le respect d’une équité intergénérationnelle.

La philosophie de base sous-jacente à nos propos est à l’effet qu’une caisse de retraite a comme seul objectif de verser des rentes adéquates et optimales en fonction des cotisations reçues. Une caisse n’est pas une “montre en or” ni un véhicule visant à répondre à certains besoins spécifiques d’un promoteur, que celui-ci soit un employeur ou un syndicat.

L’origine des problèmes de financement actuels
Deux bases actuarielles de calculs sont utilisées : la base de capitalisation, qui présume qu’un régime perdure indéfiniment et celle de solvabilité, qui présume de sa terminaison hypothétique.

En termes de capitalisation, contrairement à ce que l’on peut penser, la crise financière n’est pas la seule responsable de la position déficitaire des régimes de retraite. Un financement historique inadéquat compte pour beaucoup plus. Sinon, comment expliquer que certaines caisses soient, malgré la crise financière de 2008, encore en situation d’équilibre ou présentent simplement de légers surplus ou déficit?

Nous avons simulé, au 31 décembre 2009, l’impact des congés de cotisation dans un régime d’importance jumelé au financement inadéquat des objectifs-retraite et les résultats sont surprenants. Le degré de capitalisation actuel de l’ordre de 70 % aurait amplement dépassé le taux cible de 100 %, la clé étant un financement adéquat immédiat des objectifs-retraite et un report constant dans le futur des engagements.

Avec ces résultats, la réflexion sur l’avenir de ce régime et les conclusions potentielles ne sont pas du tout les mêmes.

En termes de solvabilité, des problèmes majeurs surviennent depuis quelques années, compte tenu des taux d’intérêt historiquement bas, du vieillissement du baby-boom faisant en sorte que de plus en plus de participants sont admissibles à une retraite, de l’allongement de l’espérance de vie, des faibles rendements obtenus par une caisse de retraite, etc.

Par contre, des mesures législatives sont survenues et des nouvelles mesures de financement sont entrées en vigueur, afin de permettre, nous l’espérons, aux régimes les plus touchés de survivre à ces éléments (par exemple : les municipalités et universités n’ont pas à financer les déficits de solvabilité; une réduction temporaire des paiements requis et la possibilité d’émettre des lettres de crédits en lieu et place de cotisations dans le secteur privé sont possibles).

L’espérance de vie a augmenté substantiellement; par exemple, un homme de 50 ans prenant sa retraite à 60 ans a vu, selon les normes applicables, son espérance de vie passer de 79 à 85 ans depuis les 25 dernières années. L’impact concret est un allongement de la période de versement des rentes de plus de 30 % en moyenne. Qui plus est, un abaissement des âges à la retraite est venu amplifier ce constat.

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Au niveau des taux d’actualisation, ceux-ci sont en chute libre depuis 1990, augmentant les provisions actuarielles requises. Pendant la même période, les caisses de retraite ont obtenu de bons rendements, sauf au cours des dernières années où les rendements obtenus sont inférieurs aux perspectives actuarielles, créant ainsi des déficits imprévus à cet égard.

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Que faire aujourd’hui?
Il faut permettre et encourager les comités de retraite à jouer leur rôle de façon plus dominante. Notre expérience nous démontre que les comités de retraite dits “paritaires” (non contrôlés par une partie négociante) ont un meilleur bulletin à cet égard. Il serait peut-être temps que le gouvernement légifère finalement en ce sens.

Plus concrètement, un comité devrait :
1) s’assurer de bien suivre les engagements actuariels, Y INCLUANT les objectifs-retraite visés (donc capitaliser les promesses réelles de rente et non le strict minimum légal);
2) instaurer avec les promoteurs un plan de financement à long terme;
3) s’assurer de la compatibilité et d’un niveau de risque acceptable de la politique de placement;
4) avoir des bons moyens de contrôle afin d’éviter les pertes (telles que celles des récents scandales…) et surveiller davantage les frais encourus par la caisse de retraite;
5) se comporter en investisseur responsable à long terme.

Notons que les régimes qui ont suivi ces principes dans le passé sont ceux qui aujourd’hui se retrouvent en saine santé financière leur permettant de voir l’avenir sous de meilleurs jours. Pour les autres, il n’y aura par contre pas d’autre choix que d’injecter des cotisations additionnelles dans la caisse afin de la renflouer à un niveau plus acceptable.

Les dispositions législatives ont aussi été modifiées depuis quelques années, nous donnant les outils nécessaires afin de mettre en place des programmes intéressants de rétention de la main-d’œuvre, ce qui permettrait de réduire substantiellement les engagements financiers d’un régime. À contrario, la mise en place de mesures de courte durée, telles que la réduction des bénéfices et l’augmentation substantielle des cotisations des employés, pourrait avoir l’effet inverse en anticipant le départ de plusieurs de ceux-ci.

Bien que le défi soit de taille, nous nous devons de le relever.

Pierre Bergeron est actuaire fellow, membre de l’Institut canadien des actuaires, fondateur d’ACBA et œuvre dans le domaine de la consultation depuis 25 ans. Il siège également à titre de membre de divers comités de placements ou de retraite et est formateur pour l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP).

* Les opinions et idées exprimées dans cet article sont celles de l’auteur. Elles n’ont pas étés influencés par Avantages, Les éditions Rogers, le commanditaire ou tout autre annonceur associé à ce site.