Des risques de discrimination ?
Du côté des assurés, les principales inquiétudes concernent les possibles discriminations, puisque les tests génétiques peuvent révéler que des personnes risquent un jour d’avoir besoin de traitements ou de ne plus pouvoir travailler en raison d’une maladie héréditaire.

Comment, dès lors, protéger les employés du risque que des employeurs refusent de les embaucher ou que des assureurs refusent de les assurer ? « ­Selon le Code civil, les ­Canadiens ont l’obligation de dévoiler tous les renseignements qui sont pertinents à l’évaluation des risques par l’assureur, explique ­Mélanie ­Bourassa ­Forcier, directrice des programmes de droit et politiques de la santé à la ­Faculté de droit de l’Université de ­Sherbrooke. Si une personne connaît son risque, elle est donc obligée de le dire. L’assureur pourrait alors discriminer en fonction du risque, c’­est-à-dire ajuster la prime selon le degré de santé de la personne. »

Les enjeux éthiques et juridiques liés aux tests génétiques ont entraîné l’adoption de mesures législatives dans de nombreux pays. L’UNESCO a d’ailleurs demandé à tous les États de légiférer pour éviter la discrimination génétique. Jusqu’à tout récemment, aucune loi n’avait été mise en place au ­Canada, contrairement à plusieurs pays comme la ­France, les ­États-Unis ou le ­Royaume-Uni, pour s’assurer qu’il n’y ait pas de discrimination liée à l’utilisation de l’information génétique.

« ­Le ­Canada affiche un important retard et c’est un problème, constate ­Mélanie ­Bourassa ­Forcier. Les médecins réalisent d’ailleurs que c’est une limite à leur pratique. Les patients hésitent à passer des tests génétiques de peur que les résultats obtenus ne les pénalisent. Il est regrettable de voir des personnes refuser de se soumettre à des tests génétiques alors qu’elles ont hérité d’une mutation du gène ­BRCA1 ou du gène ­BRCA2, par exemple. Cela signifie qu’elles n’auront pas le suivi annuel adéquat et qu’elles risquent de développer un cancer nécessitant des traitements coûteux. »

Une loi qui ne fait pas l’unanimité
Alors qu’il était le seul pays du ­G7 à ne pas avoir de protection juridique contre la discrimination génétique, le ­Canada a finalement adopté le projet de loi ­S-201 le 8 mars dernier à la ­Chambre des communes. ­Celui-ci avait été déposé il y a quatre ans par le sénateur libéral ­James ­Cowan, qui avait déclaré que les données génétiques d’une personne sont personnelles et que ­celle-ci doit donc pouvoir décider à qui elle souhaite communiquer cette information et dans quelles circonstances.

Le projet de loi ­S-201 n’a toutefois pas fait l’unanimité. Les compagnies d’assurance ont fait valoir qu’il était inconstitutionnel puisque les assurances et les contrats relèvent de la compétence des provinces. Le gouvernement ­Trudeau a d’ailleurs annoncé, trois jours après son adoption, qu’il demanderait l’avis de la ­Cour suprême, ce qui pourrait retarder de plusieurs années sa mise en application ou la faire mourir au feuilleton.

Le projet de loi en question vise principalement à condamner la discrimination génétique de trois façons : interdire les tests génétiques obligatoires pour obtenir un emploi, un contrat ou un service ; interdire la divulgation des tests génétiques à des tiers sans le consentement de la personne ; ne pas punir ceux qui refusent de passer un test génétique ou de partager les résultats.

Au fil des mois, le projet de loi a suscité de nombreux débats. Les assureurs s’y sont opposés, arguant qu’il pourrait y avoir des abus de clients potentiels qui connaissent leurs risques de développer une maladie grave. En janvier dernier, l’industrie canadienne des assurances de personnes s’est engagée, au nom des assureurs, « à ne pas demander ni utiliser les renseignements issus de tests génétiques pour les propositions d’assurance vie de 250 000 $ ou moins, et ce, à compter du 1er janvier 2018 ».

L’adoption du projet de loi ­S-201 ne garantit pas qu’elle sera facile à appliquer. Le ­Dr ­Hamet croit cependant qu’il faut qu’une loi protège les employés contre la discrimination par l’employeur. « ­On ne peut pas persécuter des gens sur la base d’une susceptibilité », ­dit-il.

Mélanie ­Bourassa ­Forcier est du même avis. « ­Ce n’est pas tant de soumettre une personne à un test génétique qui pose problème, mais ce qu’on fait avec les résultats de ce test. Le fait que l’on puisse prendre en charge plus rapidement des gens qui ont une susceptibilité de développer une pathologie importante, c’est certainement bénéfique à long terme, tant pour l’assuré que pour l’assureur et pour l’employeur. »

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