Si la plupart des représentants en régimes collectifs ne voient pas d’inconvénient à dévoiler leur rémunération, ils souhaitent que la transparence s’applique à tous les acteurs du milieu.

« ­Il est probable que [le promoteur de régime] trouve que ma commission représente beaucoup d’argent, note ­Patrice ­Beaudoin, conseiller en assurance et rentes collectives pour les ­Services ­Financiers ­Patrice ­Beaudoin. Sauf qu’il ne voit pas tous les frais que cela couvre. Mes déplacements, mes adjoints, mes appels, mon bureau, etc. S’il trouve que c’est trop, très bien, enlevons la commission et je vais facturer des honoraires pour chaque déplacement et chaque fois que j’aurai un de ses employés au téléphone. Ça va lui faire pas mal plus. »

Les intermédiaires accusent ainsi les assureurs de vouloir afficher les commissions qui leur sont payées afin de reprendre les rênes, et en fin de compte de faire des ventes directes. Car si pour l’instant ­celles-ci ne sont autorisées que pour un petit nombre de produits, rien ne dit que la législation ne va pas évoluer.

« ­Les assureurs voudraient ne plus nous verser de commissions, avance M. Beaudoin. Soit pour faire des ventes directes, soit pour que ce soit le client qui nous paie en honoraires. Leur stratégie, c’est de dire que les primes seraient moins élevées sans commission. Si le client se plaint, ils lui répondront de regarder ce que lui coûte le conseiller et l’inviteront à faire affaire directement avec eux. »

Denis ­Gobeille, expert en ressources humaines et en déontologie, ­lui-même conseiller en régimes d’assurance collective, croit pour sa part que les employeurs feraient alors complètement fausse route. Il explique que dans un contexte de raréfaction de la ­main-d’œuvre qualifiée, le plus gros défi des entreprises est l’absentéisme. Et qu’en la matière, les conseillers adoptant une approche globale et connaissant bien le marché des avantages sociaux dans son ensemble sont capables de fournir une proposition adaptée à chaque client.

« ­Imaginons que les salariés d’une entreprise présentent beaucoup de problèmes ­musculo-squelettiques, ­illustre-t-il. Il serait plus intéressant pour elle de faire venir un physiothérapeute dans ses locaux une journée par semaine en prévention, plutôt que d’envoyer ses travailleurs accidentés dans des cliniques privées. Ça va lui coûter le salaire journalier d’un physio, mais elle économise tous les frais d’opération et ceux liés à l’absentéisme. »

« ­Aller chercher les pharmaciens »

L’ACCAP a beau affirmer que le seul objectif de la ligne directrice est d’assurer une meilleure transparence au client et que « d’aucune façon et à aucun moment les assureurs n’ont eu comme objectif de modifier la façon dont les produits collectifs sont distribués », nombre d’intermédiaires ont ainsi l’impression de faire les frais d’un « stratagème ».

Ils font par ailleurs valoir qu’ils ne sont pas les premiers à avoir été ainsi sacrifiés sur l’autel de la transparence. Les pharmaciens l’auraient été avant eux.

Depuis le mois de septembre, ces derniers doivent déclarer leurs honoraires sur leurs reçus, rappelle ­François ­Desrochers, président d’Avanco et conseiller agréé en avantages sociaux et en assurance et rentes collectives. « ­Pourquoi pas ? ­Mais les assureurs ont réussi à leur faire divulguer leur rémunération, sans divulguer la leur. On dirait qu’ils tentent de répéter cet exploit avec nous. Il est vrai qu’ils ont rendu publics leurs profits moyens en tant qu’industrie, mais on sait bien que les profits ne sont qu’une petite partie de la rémunération. Les pharmaciens sont tenus de déclarer toute leur rémunération, pas seulement la petite portion qui leur reste en profit. »

M. Desrochers prévient enfin que, telle quelle, la pilule ne passera pas et qu’un mouvement se met déjà en branle du côté des conseillers pour « aller chercher les pharmaciens ».

« ­Afin de faire en sorte que tous les acteurs de l’industrie soient traités avec les mêmes critères de transparence », ­conclut-il.

Les renseignements divulgués

  • Pour les régimes collectifs de retraite, il s’agit de toute forme de rémunération liée aux transferts et à la conservation, les flux de trésorerie, les commissions de suivi, les bonis, les allocations de marketing, les indemnités de transition, les indemnités de parrainage et les incitatifs sous forme de voyages et de conférences.
  • Pour les régimes collectifs d’assurance, il s’agit de toute forme de rémunération liée aux primes ou aux sinistres, les bonis, les allocations de marketing, les indemnités de transition, les indemnités de parrainage et les incitatifs sous forme de voyages et de conférences.

<< RETOUR AU DÉBUT DE L’ARTICLE