Des employés en mauvaise santé financière peuvent avoir des effets aussi dévastateurs sur la productivité d’une organisation que des employés en mauvaise santé physique ou psychologique. La solution : les programmes de littératie financière en milieu de travail.

« Les employeurs sont dans une situation privilégiée pour aider leurs employés à mieux gérer leurs finances », a expliqué Jane Rooney, chef du développement de la littératie à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) lors d’un atelier tenu mercredi dernier dans le cadre de la Conférence de Montréal.

« Améliorer la littératie financière contribue à diminuer le stress des employés et à favoriser leur productivité et leur engagement. C’est une formule gagnante à la fois pour les employeurs et les employés. »

Car selon Mme Rooney, les problèmes de santé ne sont pas les seuls responsables des taux élevés d’absentéisme dans les organisations. Beaucoup d’employés ne se présenteraient pas au travail pour régler leurs soucis financiers.

Alors que les programmes de santé et bien-être destinés aux employés se sont répandus comme une trainée de poudre d’un bout à l’autre du pays au cours des dernières années, il serait peut-être temps de leur ajouter un volet en littératie financière, pense Mme Rooney. « Les grandes entreprises ont déjà des structures en place, notamment par le biais des programmes d’avantages sociaux et des régimes de retraite, et sont en relation avec des assureurs », mentionne-t-elle.

En possédant de meilleures connaissances financières, les employés seraient également plus en mesure de comprendre et d’apprécier les régimes d’avantages sociaux qui leur sont offerts.

Une question de confiance

Pierre-Carl Michaud, professeur au Département des sciences économiques à l’ESG UQAM, explique qu’en plus d’améliorer les connaissances des employés, les programmes de littératie financière contribuent à renforcer leur confiance, ce qui les aide à prendre de meilleures décisions. Et en finance, le coût d’une mauvaise décision peut être énorme. « Aux États-Unis, le manque de compétences financières d’une grande partie de la population pourrait être responsable du tiers des inégalités de revenus », indique M. Michaud.

« Les lacunes en littératie financière sont probablement plus sévères que l’on pourrait penser », affirme pour sa part Gary Rabbior, président de la Fondation canadienne d’éducation économique (FCEE). Selon lui, tout est une question d’approche pour qu’un programme de littératie financière en milieu de travail produise les résultats escomptés.

Les programmes moralisateurs axés sur les problèmes n’auront pas beaucoup de succès chez les employés, soutient-il. « Les gens n’aiment pas aller chez le médecin parce qu’ils ont peur de se faire dire qu’ils ont un gros problème. C’est la même chose pour l’éducation financière. On doit plutôt les convaincre que d’améliorer leurs connaissances financières va leur permettre de rendre leur vie meilleure. »

Pour ce faire, vaut mieux utiliser des études de cas réels auxquelles les employés pourront s’identifier, et veiller à utiliser un langage clair exempt de jargons techniques incompréhensibles pour le commun des mortels.

Selon Jane Rooney, les trois volets à prioriser sont la gestion de l’endettement, la planification de l’avenir (épargne-retraite) et la protection du patrimoine (en cas d’invalidité ou de décès par exemple).

« Les programmes de littératie financière en entreprise sont aussi plus efficaces lorsqu’ils incluent à la fois des séances de groupe et des séances individuelles. La situation personnelle de chacun doit être prise en compte », spécifie Gary Rabbior. Et bien sûr, rendre le tout intéressant, voire même amusant, est certainement le plus grand gage de succès. « Plus on réussira à captiver les employés, plus il y a de chances que ceux-ci partagent leur expérience une fois de retour à la maison. On touche alors toute la famille, et pas uniquement l’employé. »

À lire : Les incitatifs à l’épargne-retraite donnent des résultats