À mesure que les régimes de retraite à prestations déterminée (PD) gagnent en maturité partout au pays, les promoteurs cherchent à se libérer d’une portion de leur passif pour mieux se concentrer sur leurs activités principales. L’achat de rentes collectives est probablement l’une des meilleures façons d’y parvenir… à condition d’être bien préparé.

Molson Coors a procédé au cours des dernières années à deux transactions d’achats de rentes avec rachat des engagements (buy out) pour l’un de ses six régimes PD. Contrairement aux achats de rentes sans rachat des engagements (buy in), qui sont essentiellement des placements au sein de la caisse de retraite, les rentes buy out, maintenant offertes au Québec depuis l’adoption de la loi 29, permettent aux promoteurs de se libérer complètement des risques d’investissement et de longévité. Avec ce type de rentes, la responsabilité de payer les prestations aux retraités est entièrement transféré à l’assureur.

Puisque les régimes PD de Molson Coors sont fermés depuis déjà un bon moment aux nouveaux employés, ils ont atteint un haut stade de maturité, et en conséquence, un très lourd niveau de passif.

Dans ce contexte, l’entreprise a d’abord mis en place des solutions d’investissement guidé par le passif et de glide path [stratégies d’ajustement progressif de la répartition des actifs], mais s’est ensuite tourné vers l’achat de rentes pour se dégager du risque de longévité, assurer la sécurité des prestations des retraités, stabiliser le ratio de solvabilité et le niveau des cotisations ainsi que libérer les livres comptables de la société d’une partie du passif du régime.

« Nous sommes des experts en bière, pas en régimes de retraite! », s’est exclamé Isabelle Grandmont, directrice principale, Rémunération global à Molson Coors lors d’une dîner-conférence organisé par l’Association de la retraite et des avantages sociaux du Québec (ARASQ).

L’information, le nerf de la guerre

La transaction ne s’est toutefois pas faite en claquant des doigts. La démarche menant à l’achat de rentes en est une de très longue haleine, a raconté Mme Grandmont. Après une étude de faisabilité réalisée par une firme de consultant, Molson a décidé de faire une première tentative avec l’un de ses petits régimes en bonne santé financière basé en Colombie-Britannique.

« Il faut savoir qu’il peut s’écouler un à deux mois avant d’obtenir les cotations des assureurs », explique Isabelle Grandmont, qui ajoute que pour obtenir les meilleures soumissions, les promoteurs ont tout intérêt à fournir le maximum d’informations aux assureurs. Molson a d’ailleurs réalisé un audit auprès de ses retraités pour mettre à jour ses bases de données. Parmi les informations importantes à connaître figurent le dernier poste occupé, le salaire gagné en fin de carrière et le code postal de la résidence du retraité.

Se préparer pour le jour J

Si les assureurs peuvent mettre jusqu’à deux mois pour fournir leurs cotations, celles-ci ne sont valides que quelques heures lorsqu’elles sont transmises au promoteur. Le processus décisionnel doit donc être bien rodé pour être en mesure d’être le plus efficace possible le jour J.

« Comme il peut être difficile de réunir tout le comité de retraite, nous avons désigné deux personnes qui étaient mandatées pour prendre la décision finale. Évidemment, nos barèmes avaient été déterminés à l’avance », mentionne Isabelle Grandmont.

Dans certains cas, créer de plus petits blocs de retraités peut s’avérer une bonne idée, car bon nombre d’assureurs ne seront pas en mesure d’effectuer des transactions impliquant de trop grands groupes. Pour ce qui est du paiement de la prime, le transfert d’obligations détenues par la caisse de retraite est parfois envisageable, selon l’intérêt de l’assureur à s’en porter acquéreur. Autre fait intéressant : les rentes buy in peuvent généralement être converties en rente buy out, et ce, sans frais supplémentaire.

Au total, Molson Coors a demandé des cotations auprès de compagnies d’assurance à quatre reprises, dont deux ont mené à des transactions.

Rassurer les retraités

Outre les défis liés à la mécanique de la transaction, l’achat de rentes soulève d’importants enjeux de communication. En effet, pour les retraités, le transfert de la responsabilité du paiement des prestations du promoteur du régime à un assureur peut soulever des inquiétudes.

« Il y a une longue démarche d’éducation à faire. Un plan de communication a été élaboré pour informer les participants. Nous avons envoyé des lettres, rédigé une foire aux questions et créé une ligne téléphonique spéciale, souligne Isabelle Grandmont. C’est primordial de mettre l’accent sur la communication, car on n’a réalisé que les gens étaient vraiment mélangés. Certains avaient par exemple peur de perdre leurs avantages sociaux à la retraite. »

Comment convaincre les participants du bien-fondé de la démarche? On peut leur faire valoir que leurs prestations seront probablement plus sécurisées si elles sont versées par un assureur, étant donné que les compagnies d’assurance ont bien souvent des cotes de crédit supérieures à celles des promoteurs de régimes.