La résurrection des régimes de retraite à prestations déterminées (PD) pourrait-elle être la plus grande tendance en matière d’avantages sociaux en 2024 aux États-Unis ? Rien n’est moins sûr, mais l’image de ce type de régime a certainement été redorée au cours des derniers mois.

Si les régimes PD, jusqu’à récemment donnés pour mort dans le secteur privé, refont parler d’eux, c’est en partie lié à la décision d’IBM de remplacer en partie son régime à cotisation déterminée (CD) de type 401(k) pour l’ensemble de ses employés américains le 1er janvier dernier par un « compte de prestations de retraite » (Retirement Benefit Account) qui s’apparente davantage à un régime PD à l’ancienne.

Il s’agit en fait d’une forme de régime hybride, car les participants continuent de verser leurs cotisations dans le régime 401(k). En revanche, la cotisation de contrepartie de l’employeur, fixée à 5 % pour tous les employés, est versée dans le compte de prestations de retraite.

Dans ce type de régime, les salariés n’ont pas de compte individuel : le régime définit une prestation qu’il versera aux participants à partir de ses actifs généraux. La prestation est définie comme un montant forfaitaire qui peut être versé à la retraite sous la forme d’une rente calculée pour être égale à la valeur à vie de la somme accumulée.

Le début d’un mouvement ?

Cette annonce, relayée par Reuters, est d’autant plus symbolique qu’IBM a été l’un des premiers grands employeurs à abandonner son régime PD en 2006 au profit d’un régime CD. Cette décision avait eu un puissant effet d’entraînement sur les grandes entreprises américaines, qui ont tour à tour terminé leur régime PD au cours des années suivantes.

« IBM a été la grande marque qui a franchi le pas », explique John Lowell, associé d’October Three, une société qui fournit des services de consultation aux promoteurs de régimes de retraite. « Les autres entreprises se sont dit : “Si IBM fait cela, c’est qu’il doit y avoir une raison.” »

IBM n’a pas donné beaucoup de détails sur ses motivations. Elle a seulement indiqué qu’en introduisant ce régime, elle est en mesure « d’offrir à ses employés des prestations stables et bien financées qui contribuent à diversifier leurs portefeuilles de retraite. »

Aujourd’hui, le géant technologique est le premier à faire marche arrière sur les purs régimes à cotisation déterminée. Pourrait-il inciter d’autres grands employeurs à s’engager dans la même voie ? Il est trop tôt pour le dire, mais l’idée de ramener à la vie les défunts régimes CD fait son chemin dans la tête de certains dirigeants.

Jonathan Price, qui dirige la pratique nationale en matière de retraite au sein de la société de conseil en avantages sociaux Segal, dit avoir reçu plus d’appels concernant la relance ou la mise en place d’un nouveau régime PD au cours de l’année écoulée qu’au cours des dix années précédentes. « Au cours des dernières décennies, les promoteurs ont jugé que certains risques [liés aux régimes PD] étaient tout simplement insoutenables pour leur bilan ou pour des raisons de coûts, a-t-il expliqué en entrevue avec Reuters. Mais ils ont appris qu’avec une conception de régime et une structure d’investissement appropriées, les risques peuvent être gérés de manière beaucoup plus étroite. »

Une analyse de JP Morgan Asset Management a par ailleurs conclu que les récents changements législatifs et le contexte économique actuel créent un environnement favorable pour les régimes PD en entreprise. « Un régime de retraite à prestations déterminées bien géré peut être financièrement efficace pour ses promoteurs et peut même contribuer à la valeur du bilan de l’entreprise », peut-on y lire.

Combattre la pénurie de main-d’œuvre

Dans le secteur public aussi l’idée de réhabiliter les régimes PD refait surface. En décembre dernier, le conseil de ville de Trumbull, au Connecticut, a voté à l’unanimité pour offrir à nouveau un régime PD à ses policiers, dix ans après avoir opéré la transition vers un régime CD. Selon les membres du conseil, cette décision permettra de faciliter le recrutement de travailleurs en période de pénurie de main-d’œuvre. Les élus de l’État de l’Alaska songent eux aussi à remettre sur pied des régimes PD pour attirer des employés au sein de l’administration publique de l’État.

Un récent rapport du National Institute on Retirement Security révèle en outre que la terminaison des régimes PD dans le secteur public américain engendrait des coûts majeurs pour les contribuables, et ce pendant des décennies, en plus de réduire la sécurité financière des retraités. Une autre étude réalisée par le même organisme concluait que les régimes PD tendent à réduire le niveau de pauvreté à la retraite et à atténuer les inégalités de revenus liés entre autres à la race, au sexe et au niveau de scolarité.

« De nombreux signes indiquent que, dans quelques années, nous nous souviendrons de 2023 comme du début d’une renaissance des régimes à prestations déterminées, a écrit dans les pages de Forbes Dan Doonan, chef de la direction du National Institute on Retirement Security. L’avenir nous dira si davantage d’employeurs ont inscrit ces régimes sur leur liste de résolutions pour 2024. »