Pour les travailleurs expérimentés, l’âgisme est un plus grand risque que les changements technologiques, selon un rapport de l’Institut du Québec (IDQ) publié mercredi. 

Les préjugés basés sur l’âge nuisent à certains professionnels dès l’âge de 45 ans. « Ça paraît un petit peu fou, 45 ans, parce que c’est très jeune », a concédé la présidente-directrice générale de l’IDQ, Emna Braham, en entrevue. « Mais, dans certains secteurs, on voit que c’est quelque chose qui apparaît quand même à partir de la mi-quarantaine. »

C’est un risque pour les professionnels à mi-carrière, alors que le monde du travail est appelé à être transformé par l’intelligence artificielle et la robotisation.

Plusieurs études ont démontré que les employeurs ont toujours l’idée que les travailleurs de 45 et plus auront de la difficulté à s’adapter aux nouvelles technologies et à acquérir de nouvelles compétences, selon le rapport de l’organisme de réflexion.

Ce préjugé est ironique, quand on sait que l’intelligence artificielle vise, justement, à simplifier les tâches. « Les nouvelles technologies, notamment l’IA, sont plutôt conviviales et requièrent de moins en moins de compétences numériques très avancées », souligne le rapport.

Au Québec, les 45 ans et plus ne sont pas plus présents dans les métiers à risque d’être automatisés, selon le rapport. Ils occupent 24 % des emplois à risque, tandis qu’ils représentent 23 % de la population active.

Une main-d’œuvre nécessaire

L’IDQ a fait le portrait des travailleurs de 45 ans et plus à un moment où l’économie du Québec gagnerait à garder ses travailleurs actifs plus longtemps.

Si on est encore loin de la retraite à 45 ans, plusieurs facteurs qui influencent le moment de la retraite sont déjà en branle. « C’est une décision qui se forme en relation avec ce qu’on peut faire et ce qu’on veut faire », a résumé Mme Braham.

La santé et le la situation financière vont chacune jouer un rôle dans la décision. Les 45-54 ans sont plus endettés aujourd’hui que cette même tranche d’âge il y a 20 ans. Leur dette médiane était trois fois plus élevée en 2023 par rapport à 2005, souligne le document.

Ils sont 55 % à devoir encore rembourser une hypothèque. En 2005, seuls 38 % des personnes dans cette tranche d’âge étaient dans la même situation. « Ça veut dire qu’on a davantage d’obligations financières plus tard dans la vie qui peuvent nous obliger ou obliger certains à rester travailler un peu plus longtemps », a indiqué Mme Braham en entrevue.

Pour près du quart des travailleurs, la santé ne collabore pas. Les retraités affirment à 26 % que des problèmes de santé les ont empêchés de prolonger leur vie professionnelle, selon le rapport.

Des défis pour les femmes

Les femmes rencontrent de nombreux défis vers la moitié de leurs parcours professionnels. Ces obstacles pourraient jouer sur leur motivation à rester plus longtemps sur le marché du travail, selon l’IDQ.

En fait, 34 % des femmes de 45 ans et plus prévoient quitter le marché du travail avant 60 ans, contre seulement 22 % des hommes.

La grande proportion de femmes qui travaillent dans les secteurs de la santé et de l’éducation explique, entre autres, cet écart, tandis que l’âge de la retraite est aligné avec les modalités des régimes de retraite offerts dans le secteur public.

L’équilibre travail-famille peut être difficile pour de nombreuses femmes dans la quarantaine et cinquantaine. Comme elles ont des enfants plus tard, en moyenne, elles sont plus nombreuses à devoir s’occuper d’enfants mineurs et de parents vieillissants, tout en travaillant.

Les femmes moins scolarisées, pour leur part, sont plus nombreuses à se trouver dans la précarité. Après 55 ans, 32 % des travailleuses se trouvent dans des emplois précaires, contre 23 % pour les hommes du même âge.

Freinées par le plafond de verre, des professionnelles pourraient également perdre le feu sacré plus tôt que si elles avaient encore des possibilités d’avancement, selon Mme Braham. Même si elles représentent 46 % des travailleurs de 45 ans et plus, les travailleuses n’occupent que 34 % des postes de direction dans cette tranche d’âge. « Il y a peut-être aussi des espoirs déçus qui font qu’on peut être un petit peu moins engagé ou un petit peu moins intéressé à poursuivre », a souligné la PDG de l’IDQ.