À une semaine de la légalisation du cannabis au Canada, le 17 octobre, employeurs et employés doivent s’assurer de bien se comprendre sur les droits de chacun et sur la politique de l’entreprise concernant la consommation de cannabis.

L’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) a publié un guide, l’an dernier. Le document intitulé « Comment s’adapter à la légalisation du cannabis dans les milieux de travail? » vise à offrir un exemple d’implantation de politique encadrant l’usage du cannabis en milieu de travail.

On suggère aux employeurs une marche à suivre pour rédiger une politique interne et la mettre en application.

Selon la présidente de l’ordre, Marianne Plamondon, la plupart des employeurs sont prêts, mais il reste toujours quelques retardataires et elle recommande de s’y mettre, car on s’attend à de plus en plus de litiges.

S’il existe déjà de la jurisprudence liée au cannabis au travail, ce sont surtout des dossiers liés à l’alcool qui sont plus communs. « Mais compte tenu de la légalisation du cannabis, on peut s’attendre à ce que ce soit plus fréquent », prévient Mme Plamondon.

Elle insiste sur l’importance d’une politique interne claire et sévère puisque les employeurs ont l’obligation d’assurer un environnement de travail sécuritaire. Les emplois considérés à risque doivent faire l’objet d’une vigilance particulière.

« On parle d’employés qui travaillent dans les hauteurs ou avec des produits chimiques explosifs ou encore qui conduisent du matériel roulant », énumère l’avocate associée au cabinet Langlois.

Ce qui complique la tâche des gestionnaires, c’est que « les gens ne sont pas au courant des effets résiduels autant que pour l’alcool », explique Mme Plamondon. Contrairement à l’alcool, où l’on dispose de tests de dépistage clairs et d’une limite précise pour la conduite, ce n’est pas le cas du cannabis.

De plus, l’avocate spécialisée en droit du travail soutient que les experts ne s’entendent pas sur l’effet et la durée de l’influence du THC, la molécule qui entraîne un effet psychotrope.

« Ce n’est pas parce qu’on a fumé 20 heures avant le début du quart qu’on n’est plus sous influence. Et ce n’est pas parce qu’on a du THC dans le sang qu’on n’est pas apte au travail », reconnaît Marianne Plamondon.

Dépistage difficile

La tâche des employeurs ne s’annonce pas simple face à un employé que l’on soupçonne d’être sous influence du cannabis. Pour procéder à une fouille de ses effets personnels ou de son casier, par exemple, il faut disposer de « motifs raisonnables », insiste Mme Plamondon. Il peut s’agir d’un témoin ou de signaux comme une difficulté d’élocution, des yeux rougis ou une démarche vacillante.

« Comme on ne peut pas faire de test de dépistage aléatoire au Canada, ça laisse peu d’outils pour l’employeur pour gérer le risque qu’un employé se présente sous influence même s’il occupe un poste à risque pour la sécurité », soutient l’avocate.

Les tests de dépistage sont autorisés seulement « si on a des motifs raisonnables de croire que la personne est sous influence, s’il y a eu un accident ou si la personne est dans un plan de retour au travail suite à un accommodement dû à une dépendance », énumère-t-elle.

Dans les cas où l’employé n’occupe pas un poste à risque, dans un bureau par exemple, on ne peut pas imposer de test de dépistage, ce qui constitue une intrusion dans la vie privée. L’ordre des CRHA suggère tout de même d’imposer une politique de tolérance zéro pour s’assurer que l’employé donne son plein rendement.

Tolérance zéro sur les chantiers

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a publié sa propre version d’une politique adressée aux entrepreneurs en construction. Le document en sept clauses vise à protéger les entrepreneurs afin qu’ils puissent sanctionner des travailleurs récalcitrants.

En avril dernier, une porte-parole de l’APCHQ, Monia Vallée, avait mentionné à La Presse canadienne que l’organisme observait une augmentation de la consommation de cannabis. « Il y a des personnes qui consomment sur leur période de repas ou leur pause », avait-elle reconnu en s’inquiétant de la légalisation prochaine.

« Légalisation ou non du cannabis, c’est tolérance zéro sur les chantiers de construction et on va maintenir et marteler ce message-là », a insisté Mme Vallée.

L’APCHQ, tout comme les CRHA, prône une tolérance zéro face à la consommation, à l’usage et à la possession de cannabis sur les lieux de travail.

Les employés ne sont pas plus autorisés à se présenter au travail sous influence. « Une politique peut obliger l’employé à dénoncer le fait qu’il ait consommé du cannabis jusqu’à 24 heures à l’avance s’il occupe un poste à risque. Il faut que les employés comprennent bien que c’est une obligation importante et qu’ils peuvent faire face à des mesures disciplinaires s’ils ne le font pas », mentionne Marianne Plamondon.

On encourage aussi fortement la délation, en dénonçant un ou une collègue qui ne semble pas dans un état normal. « C’est de la délation, mais on encourage surtout la sécurité. Si l’employé conduit un chariot élévateur, c’est peut-être la vie de quelqu’un qu’on sauve », plaide la présidente de l’Ordre des CRHA.