Stéphane Lassignardie, vice-président et directeur général de AbbVie Canada. Photo : James Wagner.

Les promoteurs de régimes d’assurance collective ont parfois l’impression d’être étouffés par la croissance des prix des médicaments. Mais si des prix trop élevés menacent la viabilité des régimes, des prix trop bas peuvent avoir des effets pervers.

Ottawa a annoncé en août dernier une vaste réforme du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB). Celle-ci vise notamment à modifier la liste des pays servant de référence pour la fixation des prix au Canada. La Suisse et les États-Unis, ou les prix sont très élevés, seront ainsi remplacés par d’autres juridictions.

Cette réforme, qui pourrait en moyenne faire baisser de 20 à 30 % les prix des médicaments brevetés au Canada, inquiète Stéphane Lassignardie, vice-président et directeur général de AbbVie Canada.

« Il y a une corrélation entre le niveau des prix et le nombre de lancements de nouveaux produits. En Allemagne et aux États-Unis, où les prix sont élevés, de 70 à 85 % des nouveaux produits pharmaceutiques sont lancés sur le marché. Dans les pays où les prix sont plus bas, comme l’Australie ou la Corée du Sud, on parle d’à peine 30 à 40 %. En Nouvelle-Zélande, on tombe même à 13 %. »

Entre 2011 et 2016, 120 nouveaux produits pharmaceutiques ont été lancés au Canada, soit environ le même nombre que dans la moyenne des pays de l’OCDE, mais beaucoup moins qu’aux États-Unis, au Japon, en Allemagne et au Royaume-Uni.

« En Nouvelle-Zélande, il n’y en a eu que 40 sur la même période, poursuit M. Lassignardie. Beaucoup d’experts disent pourtant que ce pays est un modèle de couverture universelle d’assurance médicaments. Mais est-ce vraiment ce que nous voulons, seulement 40 produits lancés en cinq ans? »

Selon une étude d’impact réalisée par Santé Canada, la réforme du CEPMB pourrait coûter entre 6 et 25 G$ à l’industrie pharmaceutique au cours des 10 prochaines années. En plus d’augmenter considérablement le délai avant la commercialisation de nouveaux médicaments aux Canada, la réforme pourrait occasionner des pertes d’investissement dans la recherche et un accès plus restreint pour les patients aux études cliniques, soutient Stéphane Lassignardie.

Il fait aussi remarquer que les dépenses en médicaments tendent à diminuer en regard de la croissance de l’économie canadienne. Environ 1,8 % du PIB canadien est ainsi investi dans les médicaments aujourd’hui, comparativement à 2,0 % il y a 10 ans.

Du côté des régimes privés, la forte croissance des coûts ne provient pas uniquement de la hausse du prix des médicaments. « L’augmentation des coûts s’explique davantage par la hausse du nombre de réclamations par réclamant que par des coûts par réclamation plus élevés. En fait, 63 % de la croissance des coûts provient d’une plus grande utilisation des médicaments », précise M. Lassignardie.