À partir de la gauche : Pierre-Luc Trudel, Alexandre Sigouin, Pierre Marion. Photo de James Wagner.

Pour souligner son 30e anniversaire, Avantages a invité des vétérans de l’industrie de la retraite et des avantages sociaux à discuter des enjeux de leur profession avec des jeunes recrues de leur organisation. Les premiers ont 30 ans de carrière, les seconds, 30 ans… de vie. Malgré leur différence d’âge, partagent-ils la même vision de leur travail? Pierre-Luc Trudel les a sondés.

Pour la première édition de la série Les Trentenaires, Pierre Marion, directeur de marché, Québec à Croix Bleue Medavie, s’est entretenu avec Alexandre Sigouin, chef d’équipe au service à la clientèle chez le même assureur. Ils ne font peut-être pas partie de la même génération, mais les deux collègues se sont tout de même trouvé quelques points communs…

Pour briser la glace, quoi de mieux que de discuter de ce que l’on connaît le mieux? Pour Pierre et Alexandre, il s’agit bien évidemment des régimes d’assurance collective.

Pierre : En 30 ans, l’assurance collective a peu changé et beaucoup changé à la fois. L’objectif de base est encore le même : aider les employés à demeurer en santé. Avant, l’approche était très standardisée, il y avait peu de différence dans les régimes d’une entreprise à l’autre. Ce qui a beaucoup changé, c’est la flexibilité des régimes. Aujourd’hui, les entreprises de 1 000 employés et plus demandent presque automatiquement des régimes flexibles.

Alexandre : Pour moi, un bon régime en 2019 se doit d’être flexible. La couverture des employés doit avoir du sens selon le métier qu’ils exercent. Les besoins ne sont pas les mêmes sur un chantier de construction et dans un centre d’appels, par exemple. L’avenir de l’assurance collective passe par là, à mon avis. Je doute fortement qu’on retourne vers la normalisation des régimes. Au contraire, on se dirige vers une personnalisation plus fine, avec des options de couverture toujours plus nombreuses.

Pierre : On se rejoint dans ma vieillesse et dans ta jeunesse! On va avoir tendance à développer des régimes qui ont une couverture core pour les risques financiers auxquels sont exposés les individus. Ça va inclure principalement les médicaments et l’assurance invalidité. Beaucoup d’autres éléments actuellement remboursés par les régimes pourraient être budgétés plutôt qu’assurés. De plus en plus, on va mixer un régime d’assurance de base et un régime d’avantages sociaux avec des options à la carte.

Alexandre : Tu me corrigeras si je me trompe, Pierre, mais je pense que la concurrence est plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque, il y a davantage de joueurs dans le marché. Il faut toujours se renouveler pour rester performant. Comme je travaille au service à la clientèle, je suis en bonne position pour prendre le pouls des clients. J’ai l’impression que les assurés ont davantage d’exigences.

Pierre : C’est vrai que les clients sont plus exigeants aujourd’hui qu’ils ne l’étaient à l’époque. La santé de leurs employés détermine leur performance en tant qu’entreprise. On a beaucoup de pression pour fournir des résultats, ils s’attendent à obtenir une rentabilité. On vit aussi dans une époque d’instantanéité. Les gens veulent tout avoir immédiatement. Lorsqu’ils soumettent une réclamation, ils s’attendent à être remboursés presque instantanément. C’est un grand défi pour les assureurs.

S’il y a un facteur qui a contribué à transformer l’industrie de l’assurance collective au cours des 30 dernières années, c’est bien les avancées technologiques. Disons qu’à ce chapitre, Pierre et Alexandre n’ont pas commencé leur carrière dans le même environnement.

Pierre : À mes débuts, le travail au quotidien était long et pénible. On avait des listes de taux et des pages de matrices pour évaluer le niveau des primes. Il fallait être très précis dans nos calculs, le risque d’erreur était élevé. Ce n’était pas la partie préférée de mon travail. On utilisait aussi des disquettes de cinq pouces pour faire nos soumissions. Il fallait en mettre une dans l’ordinateur, puis l’enlever, puis en mettre une autre. Ça prenait une éternité! On se disait qu’un jour, on arrêterait de faire tout ça, et effectivement, c’est ce qui est arrivé. Avec les outils technologiques, ce qu’on faisait en trois jours à l’époque, on peut le faire en cinq minutes aujourd’hui.

Alexandre : Toutes les données de réclamations sont entrées et traitées dans un système informatique. On est à des années-lumière des disquettes! Mais encore aujourd’hui, je dois faire certaines opérations lourdes et répétitives manuellement. J’imagine que ces tâches seront réalisées par des machines éventuellement.

Pierre : Tout évolue tellement rapidement! Je me rappelle, quand j’ai commencé dans l’industrie, je disais à des employées qu’un jour elles allaient recevoir des demandes de soumission de façon électronique, qu’il n’y aurait plus aucun échange de papier. Elles me répondaient : « Ben voyons donc, on va mourir avant de voir ça. » Pourtant, ça ne fait pas 2 000 ans, c’était au début de ma carrière!

Alexandre : Pour le moment, je n’ai quand même pas peur qu’un robot me remplace. C’est certain que des processus vont s’automatiser et que l’on n’aura plus besoin d’engager du personnel pour effectuer certaines tâches, mais nous ne sommes pas encore arrivés au point où les machines vont pouvoir fonctionner par elles-mêmes. Cela dit, je suis curieux de savoir ce que Pierre a à dire sur l’avenir de mon emploi!

« Pour le moment, je n’ai pas peur qu’un robot me remplace. Des processus vont s’automatiser, mais nous ne sommes pas encore au point où les machines vont pouvoir fonctionner d’elles-mêmes. »

Alexandre Sigouin

Pierre : On va encore avoir besoin de personnel, mais pour des tâches complètement différentes. Avant, les humains effectuaient des tâches manuelles et redondantes. Dans l’avenir, ce sera beaucoup plus axé sur la gestion des systèmes et l’intelligence artificielle.

Pierre et Alexandre discutent aujourd’hui d’assurance collective avec passion. Pourtant, rien ne les destinait à faire carrière dans cette industrie lorsqu’ils sont sortis de l’université. Loin de là.

Alexandre : Je ne prévoyais pas travailler en assurance, j’ai un bac en écologie. J’ai d’abord travaillé dans le domaine, mais je me suis rapidement rendu compte que je n’avais pas vraiment la personnalité pour ça. J’avais des contrats de trois ou quatre mois, je devais constamment trouver un nouvel emploi. J’ai commencé à travailler à Croix Bleue en 2015, en bas de l’échelle au centre d’appels. Depuis six mois, je suis chef d’équipe. Disons que je suis rentré dans le domaine de l’assurance par des voies détournées.

Pierre : Moi aussi j’ai eu un cheminement de carrière non conventionnel. J’ai un bac en éducation physique. À ma sortie de l’université en 1979, j’étais prof dans un cégep. J’adorais ça, mais j’étais mis à pied tous les six mois. Je ne savais jamais ce qui allait se passer. Au bout de quelques années, je voulais avoir plus de stabilité. Je suis retourné étudier en administration, puis j’ai été contacté par quelqu’un pour faire de l’assurance. Au début, je vendais de l’assurance individuelle.

Alexandre : C’est un domaine que j’ai appris à connaître et à aimer. Mon opinion a vraiment changé. Honnêtement, avant je voyais ça comme un domaine strict, plate. Sans offense, Pierre! En réalité, c’est beaucoup plus axé sur l’humain que ce que je pensais.

Pierre : Même chose pour moi. Quand j’étais jeune, jamais je n’aurais voulu travailler en assurance! Quelqu’un a été assez bon pour me vendre la carrière. Il m’a dit : « Essaie, et si t’aimes pas ça, tu iras ailleurs. » Plusieurs personnes arrivent dans l’industrie de l’assurance par la bande. Ils réalisent que c’est un domaine extrêmement dynamique et rempli d’enjeux de toutes sortes. Ça fait 30 ans, et chaque matin en entrant au bureau, je sais que quelque chose de nouveau risque de me tomber dessus. Une fois par année, je vais m’asseoir à côté d’un agent au centre d’appels. Pendant quelques heures, j’écoute les appels de la clientèle. C’est toujours très intéressant.

Alexandre : Je pense que l’industrie est aussi en train de s’adapter aux nouvelles générations. Les jeunes employés ont une philosophie différente, ils sont plus nomades. On est plus proches de nos besoins, on a besoin d’être motivés, engagés pour se voir évoluer à long terme dans une entreprise. J’aurais tendance à dire que les générations précédentes étaient plus fidèles.

Pierre : Absolument. Autre temps, autres mœurs. Aujourd’hui, la qualité de l’environnement de travail, la flexibilité et l’équilibre travail-vie personnelle prennent beaucoup de place. Si les jeunes ne se plaisent pas dans une entreprise, ils vont faire trois ou quatre ans et se trouver un autre emploi qui correspond davantage à leurs attentes. Vous êtes tellement plus mobiles qu’on l’était à notre époque! Quand j’ai commencé dans l’industrie, le travail occupait énormément de place dans la vie des gens. Je n’oserais pas demander à des employés aujourd’hui ce qu’on me demandait dans le temps. À l’époque, c’était normal, mais aujourd’hui, ça ne se fait plus.

« Pour rester motivé, il faut regarder ce qu’on fait de positif. Ce qui m’allume encore aujourd’hui, ce sont les témoignages des gens qu’on a aidés. »

Pierre Marion

L’industrie de l’assurance ne jouit pas toujours d’une excellente réputation auprès du grand public. Pierre et Alexandre n’ont cependant aucun mal à rester motivés.

Pierre : Ce sont les cas problématiques qui sont mis de l’avant dans les médias, mais on paie aussi des millions de dollars en prestations à des assurés satisfaits. Pour rester motivé à faire son travail, il faut regarder ce que l’on fait de positif. Ce qui m’allume encore aujourd’hui, ce sont les témoignages des gens qu’on a aidés. Par exemple, une personne en dépression, qui grâce à notre accompagnement et nos services, a retrouvé la santé et regagné le marché du travail après un congé d’invalidité. C’est hyper valorisant. Quand ils étaient petits, je disais à mes enfants : « Papa essaie d’aider les gens à se sortir de leurs problèmes de santé. » Je l’ai toujours vu comme ça.

Alexandre : Je seconde. Parfois, des assurés appellent nos agents uniquement pour les remercier du bon service qu’ils ont eu. Il n’y a rien de plus gratifiant pour nous que de savoir qu’on fait une réelle différence dans le quotidien des gens. Il n’y a pas si longtemps, je n’aurais jamais envisagé de passer toute ma carrière dans le secteur de l’assurance, mais aujourd’hui, oui. Mon plus grand défi, ça va être de me tenir constamment à jour, de ne jamais être à la traîne des changements qui vont survenir dans l’industrie.

Pierre : Embarque dans la carrière, donne-toi pleinement, trouve plaisir à progresser et à apprendre, deviens une référence dans le domaine. Si tu fais juste ton day to day, tu vas te blaser. Il faut continuellement que tu te motives pour maintenir le niveau d’excellence le plus élevé possible. Ça va te driver pour le reste de ta carrière. C’est le conseil que je te donne.

Alexandre : Bien reçu!

Qu’est-ce qui fera la une d’Avantages dans 30 ans?

Pierre : On va pouvoir consulter le contenu du magazine grâce à des puces dans nos yeux et nos oreilles! Sérieusement, tout évolue tellement rapidement qu’on ne peut même pas savoir quels seront les enjeux dans quatre ou cinq ans. Alors dans 30 ans, on oublie ça.

Alexandre : Je vais avoir plus de 30 ans de carrière, peut-être que vous allez m’appeler pour une entrevue!


• Ce texte a été publié dans l’édition de mars 2019 du magazine d’Avantages.
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