L’invalidité est un lourd fardeau sur les épaules d’un employé, qui se trouve soudainement incapable de travailler ou même de vivre son quotidien.

S’il ne réintègre pas son milieu de travail au cours de la période d’invalidité dite de courte durée (ICD), l’employé demeurant avec des limitations physiques ou psychologiques devra faire face à un autre processus, soit l’invalidité de longue durée (ILD). Ce changement de définition et de statut requiert patience et endurance, que ce soit au ­Québec ou ailleurs au ­Canada.

La transition de l’ICD à l’ILD pourrait aggraver l’état émotionnel d’un employé déjà hanté par l’idée d’inutilité et la peur d’être mis à l’écart. En 2015, l’Institut ­Wellesley a mené une série d’entrevues afin d’évaluer les impressions d’employés qui vivaient cette transition. Conclusion : la plupart ont confirmé qu’elle leur causait stress et anxiété. L’un d’entre eux a même dit : « ­Le processus d’invalidité de longue durée donne l’impression que je n’ai pas de valeur, que je ne pourrai plus retourner sur le marché du travail. »

Les programmes de gestion de l’invalidité se basent sur les meilleures pratiques éprouvées, dont l’intervention rapide, le traitement, la planification du rétablissement et du retour au travail. Si la gestion est bien effectuée et coordonnée avec des programmes de promotion de la santé au travail, les réductions de coûts liés aux absences et l’augmentation de la productivité peuvent être importantes.

Un grand nombre d’employés retournent au travail pendant la période d’ICD, particulièrement si l’employeur leur offre la possibilité d’un retour progressif ou de tâches amoindries ou modifiées.

Malheureusement, le niveau d’aide et la fréquence des communications diminuent en général une fois que l’employé passe à l’ILD. Cela s’expliquerait en partie par la nature de certaines maladies considérées comme menant à une invalidité permanente : blessures graves, maladies évolutives ou certains problèmes de santé mentale associés à des lésions cérébrales. Malgré les efforts consentis par les différents intervenants et la volonté de l’employé, le retour au travail pourrait tarder. Cela pousse certains employés à croire, à tort ou à raison, qu’ils
ne sont plus capables d’occuper un emploi.

Voilà donc de solides arguments en faveur d’un processus d’invalidité de moyenne durée (IMD). Il s’agirait d’un programme de gestion active du rétablissement qui s’insère entre l’invalidité de courte durée et de longue durée. Si un employeur décide d’assurer ­lui-même les prestations ­ILD, il fait face à beaucoup de risques et de responsabilités. L’employeur aura l’employé à sa charge jusqu’au moment de sa retraite ou de son décès. Toutefois, une approche bien réfléchie durant la période d’IMD peut réduire la nécessité de réserves de taille et donner à l’employeur la capacité de se concentrer sur le rétablissement. L’employeur peut alors tout faire pour ramener l’employé au travail, ce qui peut entraîner un bon rendement sur l’argent investi. L’intervention pendant une invalidité de moyenne durée pourrait aussi prévenir les fausses perceptions chez l’employé en invalidité à l’égard de l’entreprise et de son retour.

L’implantation d’un programme d’IMD pourrait aussi offrir une gestion solide de dossier allant jusqu’à deux ans. Dans la plupart des cas d’invalidité, pendant les 24 premiers mois, l’employé peut être incapable d’occuper son propre emploi. Le changement de définition après deux ans est la barrière la plus difficile à franchir. Il s’agit implicitement d’une reconnaissance d’une invalidité totale.

Un programme d’IMD devrait être aussi attrayant financièrement pour l’employeur. Il permet à ­celui-ci de mettre l’accent sur le retour au travail pendant l’invalidité de courte durée, et ce, jusqu’au changement de statut.

En introduisant le concept d’IMD, on pourrait réduire le nombre de cas d’invalidité de longue durée franchissant ce cap de deux ans.

Le but ultime de l’IMD serait de maximiser le temps d’intervention et d’éviter d’apposer trop rapidement une étiquette d’invalidité totale et permanente. Un processus qui prend en considération le bon suivi de l’employé en invalidité et qui se dote des meilleures pratiques saurait sans doute aider les employeurs et les gestionnaires de dossiers d’invalidité à relever avec brio ce défi de taille.

Liz R. Scott, ­Ph. D., est ­présidente-directrice générale et fondatrice de ­Solutions ­Organisationnelles.