Des plus prudentes aux plus audacieuses, les stratégies d’investissement en dette privée se sont multipliées au cours des dernières années. Mais devant cette panoplie d’opportunités, les caisses de retraite ont parfois de la difficulté à faire les bons choix.

L’arrivée de la dette privée dans les portefeuilles des régimes de retraite est relativement récente, et n’est pas étrangère à la faible performance des titres à revenu fixe négociés sur les marchés publics.

« Depuis le début des années 2000, on constate une forte corrélation entre les obligations traditionnelles et les actions, fait remarquer Myriam Mechouat, vice-présidente, gestion quantitative et chef du comité des crédits corporatifs à Optimum Gestion de Placements. La dette privée nous permet de diversifier notre portefeuille. Elle génère des revenus réguliers et est décorrélée des actifs traditionnels. »

La structure de certains titres de dette privée donne également un droit élevé sur les actifs mis en garantie, ce qui limite grandement le risque de perte en cas de défaut de paiement de l’émetteur.

Lors du Colloque retraite, investissement institutionnel et finances personnelles, qui s’est déroulé la semaine dernière à Québec, Myriam Mechouat a présenté les grandes lignes de la stratégie d’Optimum en matière de dette privée. La firme privilégie les investissements qui comportent un faible niveau de risque, généralement les titres garantis par des actifs tangibles comme des biens immobiliers et de l’équipement.

D’autres options se présentent aux investisseurs, comme des prêts directs aux entreprises (dette de premier rang) de la dette mezzanine, ou encore de la dette subordonnée. Dans tous les cas, Mme Mechouat indique demeurer prudente et s’en tenir aux stratégies garanties par des actifs tangibles.

Des choix judicieux

Pour ses investissements en dette privée, Optimum vise un rendement brut se situant entre 9 et 11 %. « C’est presque le rendement attendu sur les actions, alors c’est normal que le risque soit plus élevé qu’avec le revenu fixe traditionnel, souligne-t-elle. Puisqu’on ne bénéficie pas de la grande liquidité des marchés publics, on s’attend évidemment à des rendements supérieurs. Il faut aussi voir à long terme. L’objectif est de construire un portefeuille résilient sur un cycle complet. »

Pour ce faire, les investisseurs doivent s’assurer de diversifier les stratégie à l’intérieur de leur portefeuille de dette privée, ce qui n’est pas vraiment difficile vu la multitudes d’occasions disponibles sur le marché. Alors que le paysage obligataire traditionnel au Canada est dominé par les banques et le secteur de l’énergie, la dette privée permet aux investisseurs de s’exposer à l’ensemble des secteurs d’activité. « On doit aussi entrer sur le marché à différents moments avec ces stratégies, les sélectionner en fonction de l’environnement économique », soutient-elle.

Comme la dette privée est une catégorie d’actif très complexe, Myriam Mechouat insiste sur l’importance pour les caisses de retraite de sélectionner très judicieusement leur gestionnaire. « La dette privée requiert un haut niveau d’expertise en crédit. La revue diligente dans le processus de sélection du gestionnaire doit être très complète. »

Les investisseurs disciplinés verront néanmoins leurs efforts récompensés, ajoute-t-elle. Face à la volatilité des marchés publics, la dette privée constitue un stabilisateur pour les portefeuilles, tout en générant des rendements intéressants moyennant un niveau de risque somme toute très raisonnable.

Un outil d’appariement

La dette privée liée aux infrastructures peut aussi être utile pour mettre en œuvre des stratégies d’appariement actif/passif. « Environ une opportunité sur quatre dans les titres de dette privée de première qualité sont en infrastructure », indique Frédéric Belhumeur, vice-président à Gestion de placements TD.

La prime de liquidité offerte par ces actifs permet d’obtenir des rendements de 50 à 150 points de base plus élevée qu’une obligation traditionnelle équivalente détenant la même cote de crédit.

TD recherche les infrastructures dont les revenus d’exploitation permettent de financer le coupon du titre de dette. Le secteur de l’énergie, notamment les parcs éoliens remplissent généralement bien ce critères, en plus de constituer une belle occasion d’intégrer les critères ESG au portefeuille.

Frédéric Belhumeur explique toutefois se montrer très sélectif. Seulement 5 % à 10 % des possibilités d’investissement analysées par TD dans la catégorie d’actif se concrétisent. « On s’embarque pour 30 ou 40 ans avec de tels investissements. On veut s’assurer que le coupon va nous être payé et que nous allons récupérer notre capital à l’échéance », mentionne-t-il.

L’avantage concurrentiel des fonds privés

Pourquoi une entreprise qui cherche à se financer irait voir des fonds de dette privée plutôt que de simplement aller à la banque? Pour une question de flexibilité et d’accompagnement répond Jean-Christophe Greck, vice-président, financement de la dette corporative et d’infrastructure à Fiera Dette Privée.

« Les emprunteurs se dirigent vers les fonds privés plutôt que vers les banques pour obtenir un prêt plus personnalisé, un service plus rapide et un meilleur accompagnement, quitte à devoir payer une prime par rapport à ce qui leur est offert par les banques », dit-il.

Lorsque la situation est plus difficile, les fonds privés vont « travailler main dans la main » avec les entreprises pour restructurer le prêt, alors que les banques ont tendance à rapidement « tirer la plogue », ajoute M. Greck. Ces dernières sont également plus « frileuses », surtout en fin de cycle.