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Pendant une année de mises à pied, de restrictions et de compressions des dépenses, les promoteurs de régime ont fait tout leur possible pour éviter d’amputer les garanties collectives de leurs employés – notamment en cherchant à obtenir les prix les plus avantageux de leurs assureurs.

Les dépenses de santé, particulièrement en médicaments, préoccupent depuis longtemps les compagnies d’assurance et les promoteurs de régime. En 1967, elles représentaient environ 7 % du PIB. Quelque 40 ans plus tard, en 2009, on les estimait à 11,9 % du PIB. Les médicaments figuraient pour moins de 8,8 % dans le total des dépenses de santé en 1967; selon les prévisions, ce pourcentage devrait toutefois presque doubler en 2009 pour atteindre 16,4 %.

Soucieux de stabiliser leurs dépenses, les promoteurs de régime ont demandé l’an dernier à leurs assureurs de leur offrir le maximum, au plus bas prix. Certains ont accepté.

Selon Steve Pong, vice-président principal, Produits de la collective à L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie (au 12e rang de la liste des 20 plus grandes compagnies d’assurance), il faut en général que la différence de prix soit substantielle pour qu’un promoteur décide de changer d’assureur. En 2009, toutefois, il n’était pas nécessaire que la différence soit énorme. «Pour que l’effort en vaille la peine, l’écart de prix doit être de 10 à 12 %, souligne M. Pong. Or, nous avons vu des entreprises changer d’assureur pour un écart de seulement 7 %.»

Les assureurs ont dû, eux aussi, surveiller leurs dépenses. «La situation économique difficile que nous avons connue a poussé les employeurs à rechercher le meilleur prix», explique Judy Grant, vice-présidente de la Collective à Co-operators. «Les assureurs doivent sélectionner avec soin leurs produits. Les clients ne voudront pas payer s’ils estiment ne pas en avoir pour leur argent.» Tous les assureurs n’ont pas été en mesure d’accorder des rabais; par contre, ils ont proposé aux promoteurs des options qui leur permettraient de réduire leurs coûts.

L’industrie en chiffres
– Au total, l’industrie des assurances collectives a connu une hausse de 4,6 % en 2009, comparativement à 6,1 % en 2008.
– La Great-West a conservé le premier rang du classement avec 6,7 milliards $ de primes en 2009.
– RBC Compagnie d’assurance a fait son apparition dans le Top 10 des fournisseurs d’assurance-vie.
– Les 10 plus importants fournisseurs d’assurance-maladie demeurent les mêmes. Seuls La Capitale et Green Shield Canada ont inversé leur position au 8e et 9e rang.

Mieux vaut prévenir que guérir
La prévention est une façon de limiter les dépenses en médicaments et d’éviter les congés d’invalidité. Jean Guay, premier vice-président, Assurances collectives à la Standard Life (10e rang), explique que l’accent a été mis, en 2010, sur la gestion de la santé. «Il s’agit, selon nous, d’une solution à long terme durable pour réduire les coûts et améliorer la productivité.» Il ajoute que les employeurs sont désormais plus conscients de l’importance de la prévention. «C’est la seule solution durable. Elle a un impact non seulement sur les absences, mais aussi sur la consommation de médicaments et le recours aux soins paramédicaux.»

À London Drugs, le volume des demandes de règlement de frais dentaires et de médicaments n’a guère changé. Par contre, la gestion des dossiers d’invalidité a pris de l’importance. «L’augmentation du nombre de demandes de prestations d’invalidité nous préoccupe constamment», note Dorothy Steele, directrice, Rémunération et avantages sociaux à London Drugs, Vancouver. Elle mentionne que la société a institué des programmes de mieux-être pour améliorer la santé de ses employés et, plus particulièrement, pour lutter contre les troubles mentaux ou nerveux comme la dépression et l’anxiété. «Dans certains secteurs, les problèmes de santé mentale peuvent être à l’origine de 30 % ou 40 % des demandes de règlement.» La société compte lancer en fin d’année une campagne destinée à éliminer les préjugés associés aux troubles mentaux.

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Top 20 des fournisseurs en assurance collective
Primes assurées (millions) en date du 31 décembre 2009

*Les chiffres de 2008 ont été repris

Note : Co-operators n’ont pu participer au sondage de cette année. Alberta Blue Cross a rapporté 1 849 millions de dollars en recettes. Toutefois, ce chiffre inclut les primes pour les programmes d’avantages sociaux parrainés par le gouvernement et a été exclue du classement. Les revenus sont inclus dans le total de l’industrie. Les chiffres dans ce rapport proviennent des réponses fournies par les participants au sondage. Avantages n’assume aucune responsabilité pour l’exactitude des données fournies.

Examen des données
Une autre façon de gérer les coûts des garanties collectives est d’examiner de près les données sur les règlements. Camille Coutu, conseillère en avantages sociaux à Buck Consultants, a épluché ces données pour repérer les évaluations incorrectes ou les éléments qui n’auraient pas dû figurer dans les demandes de règlement. Minimiser l’intervention humaine réduit bien entendu les erreurs, d’où l’utilité de la technologie. La Great-West, compagnie d’assurance-vie (1er rang), par exemple, compte améliorer le service à la clientèle et l’expérience des employés en favorisant la transmission directe des demandes de règlement par les fournisseurs de services, la présentation électronique des demandes de règlement par les participants et le recours à la technologie de la carte de débit pour les comptes d’épargne-santé.

De son côté, la Sun Life perfectionne sa technologie de reconnaissance des données. Dès qu’une demande de règlement est reçue, un système d’imagerie et de numérisation fait ressortir les éléments nécessaires au traitement. Les données apparaissent automatiquement sur un écran de gestion du dossier, et le système vérifie la demande et la couverture et assure le règlement. «Cela prend beaucoup moins de temps que le traitement manuel sur papier», explique Stuart Monteith, vice-président principal, garanties collectives à la Financière Sun Life du Canada (2e rang).

Le recours à la technologie la plus récente pour le traitement des demandes de règlement n’est pas l’apanage des grandes compagnies d’assurance et des promoteurs de régime importants. De plus en plus, les petites et moyennes entreprises leur emboîtent le pas. «Il y a deux ans, on aurait rarement vu une entreprise de 100 employés relier son système à celui d’une compagnie d’assurance. Les assureurs étaient en effet peu enclins à offrir cette possibilité à leurs petits clients, souligne Mme Coutu. Maintenant, nous constatons que les petites entreprises essaient d’automatiser tout ce qu’elles peuvent pour réduire leur personnel.»

La technologie a l’avantage non seulement de réduire le risque d’erreurs, mais aussi d’alléger la charge de travail. Le mois prochain, Desjardins Sécurité financière lancera le nouveau service TED D qui relie le système de paie et de ressources humaines du promoteur aux systèmes d’administration de l’assureur. «Dans les entreprises comptant 200 assurés et plus, le service permettra à l’administrateur d’entrer les données en une seule opération plutôt qu’en deux ou trois», fait remarquer André Simard, vice-président, Ventes du secteur de l’assurance pour les groupes et les entreprises à Desjardins Sécurité financière (4e rang).

La technologie facilite aussi l’accès à l’information. M. Monteith mentionne que la Sun Life est en train de mettre au point la transmission, par téléphone intelligent, de renseignements sur les règlements et le régime. «La technologie que nous perfectionnons actuellement permettra aux participants de se renseigner sur l’état de leurs demandes de règlement et sur leur régime au moyen d’un appareil portatif comme un iPhone ou un BlackBerry», précise-t-il. L’idée est de renoncer de plus en plus à l’usage du papier et de faciliter nos rapports avec les clients en tenant compte de leurs souhaits.


Top 10 des fournisseurs d’assurance-vie

Primes assurées (millions) en date du 31 décembre 2009

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*Les chiffres de 2008 ont été repris
Note : Co-operators n’ont pu participer au sondage de cette année.

Top 10 des fournisseurs d’assurance-maladie
Primes assurées (millions) en date du 31 décembre 2009

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*Les chiffres de 2008 ont été repris

Un autre genre de médicaments
Un grand nombre de ses clients étant préoccupés par les coûts de leur régime, Co-operators offre, pour son assurance médicaments, plusieurs options correspondant à cinq nouvelles listes de médicaments lancées en 2009. Il existe une seule plate-forme intégrée pour les frais médicaux et les frais dentaires, ce qui a l’avantage de donner accès aux prix des médicaments et aux listes des médicaments réglementés, que les demandes de règlement soient présentées manuellement ou par voie électronique. L’assureur a aussi plus de latitude dans les options offertes. Cette initiative n’a toutefois pas eu beaucoup de succès jusqu’à présent. «C’est sans doute parce que les promoteurs hésitent à restreindre le nombre de médicaments couverts», souligne Mme Grant. Elle pense toutefois que la situation va changer.

La réduction du prix des médicaments génériques est une autre façon de gérer les coûts. Selon un rapport du Bureau de la concurrence, publié en novembre 2008, le secteur privé canadien pourrait économiser 600 à 800 millions de dollars par an si le prix des médicaments génériques était concurrentiel. Le 1er mars 2007, le gouvernement de l’Ontario a présenté le projet de loi 102 qui réduit (de 70 % du prix du médicament de marque à 50 %) le montant que le Programme de médicaments de l’Ontario (PMO) rembourse aux personnes âgées. Ce changement ne s’applique pas toutefois aux régimes privés.

Certains employeurs trouvent leur propre solution. En partenariat avec Green Shield, General Motors et Chrysler ont négocié en juillet 2009 des rabais avec les fabricants de neuf médicaments de marque. Ces médicaments coûtent moins que leurs équivalents génériques et figurent uniquement sur les listes des deux constructeurs automobiles. Mme Coutu s’inquiète toutefois de ce système inégal. «La plupart de nos clients au Canada ne sont pas suffisamment importants pour négocier ce genre de rabais.»

Même sans la réduction du prix des médicaments génériques, le fait qu’un certain nombre de médicaments de marque de prix élevé vont bientôt perdre la protection que leur confère leur brevet aura des répercussions, note Shawn O’Brien, conseiller principal de la pratique Assurance collective de Aon Conseil. Le Lipitor (prescrit pour un taux élevé de cholestérol) va se trouver dans cette situation en fin d’année ou au début de 2011. «Ce médicament est probablement couvert par 95 % des régimes». Dès qu’il sera remplacé par un médicament générique, les employeurs pourront réaliser des économies, dans la mesure où ils restructurent leur régime – en imposant par exemple la substitution obligatoire par un médicament générique ou le recours à d’autres médicaments moins coûteux.

La réduction du prix des médicaments génériques est également à l’ordre du jour dans l’Ouest du Canada. L’Alberta a déjà passé une loi qui ramène le prix des médicaments génériques à 45 % du prix des médicaments de marque, disposition qui s’applique aussi bien au régime public qu’aux régimes privés. Selon Tim Hadlow, conseiller principal en avantages sociaux à Hewitt & Associés, l’Ontario va probablement suivre l’exemple de l’Alberta. Reste à savoir quand. Cette mesure fera réaliser des économies aux promoteurs dont les régimes couvrent les médicaments génériques. Il se pourrait alors que les négociations des assureurs avec les fabricants de médicaments de marque, pour le compte des employeurs, perdent de leur intérêt. «Si les règles touchant la réduction du prix des médicaments génériques sont adoptées et que les prix se trouvent considérablement réduits, on peut douter de l’efficacité des négociations menées par les assureurs ou les promoteurs avec les fabricants de médicaments de marque. Les prix des médicaments de marque ne peuvent en effet tomber en dessous d’un certain niveau et l’économie par rapport aux médicaments génériques risque donc d’être minime ou nulle», explique M. Hadlow.

Top 10 des fournisseurs de services de gestion seulement
Dépôts non-assurés (millions) en date du 31 décembre 2009

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*Les chiffres de 2008 ont été repris
Note :
Co-operators n’ont pu participer au sondage de cette année. Alberta Blue Cross a rapporté 1 849 millions de dollars en recettes. Toutefois, ce chiffre inclut les primes pour les programmes d’avantages sociaux parrainés par le gouvernement et a été exclue du classement. Les revenus sont inclus dans le total de l’industrie.

Des idées d’inspiration américaine
Pendant que le Canada se débat avec le problème du prix des médicaments et la hausse du coût des soins de santé, des stratégies et des tendances intéressantes voient le jour aux États-Unis. C’est le cas, par exemple, de l’approche de soins de santé dictée par le consommateur.

Brad Fedorchuk, vice-président, Marketing, Assurance collective à La Great-West, souligne que cette approche se manifeste au Canada par la restructuration des régimes traditionnels, et notamment par la mise en place de comptes d’épargne-santé. «La carte de débit pour compte d’épargne-santé est un premier pas vers la prise en main par le consommateur de sa santé, dit-il. L’employé dispose maintenant d’un montant qu’il peut utiliser à son gré dans le cadre de son programme d’avantages sociaux.»

M. Pong reconnaît que cette approche aura un impact sur les coûts, particulièrement si les employés doivent payer une partie du prix des médicaments. «Ils devront se rendre compte que des médicaments à prix plus abordable [frais d’exécution d’ordonnance inférieurs, par exemple] peuvent être obtenus dans une autre chaîne de pharmacies, explique-t-il. Mais ce n’est pas évident.» Tracey Griesbach, directrice du marketing, Produits de la collective à L’Empire-Vie, en convient. «On pourrait penser que les gens hésitent moins à dépenser quand il s’agit de médicaments.»

Les garanties facultatives sont une autre stratégie. Il s’agit de produits offerts par le promoteur, que l’employé est libre de souscrire ou non. Au Canada, les garanties facultatives sont surtout courantes dans l’assurance-vie. M. Fedorchuk pense toutefois qu’elles continueront de prendre de l’importance. Par exemple, certains employeurs offrent maintenant une garantie facultative pour soins de santé pendant la retraite.

Dans une perspective générale, le succès des garanties facultatives est très positif, selon M. Pong. Tout d’abord, cette stratégie permet aux employeurs de continuer à offrir une garantie soins de santé à leurs employés. Ensuite, elle assure que les employés auront accès à des solutions plus personnalisées. Enfin, elle pourrait favoriser le consumérisme, en donnant aux employés une meilleure idée du coût de leurs garanties.

La notion de «fournisseurs préférentiels» nous vient également des États-Unis. Un fournisseur préférentiel est un fournisseur qui a passé une entente avec un assureur pour procurer aux clients de celui-ci des services de santé à prix réduit. C’est ce que fait London Drugs. «Nous pouvons offrir des médicaments sur ordonnance à très bas prix. Les employés les achètent au prix coûtant, et nous ne facturons pas de frais d’exécution d’ordonnance», explique Mme Steele. Selon le sondage Rapid Response Survey de Hewitt & Associés mené auprès de 133 entreprises canadiennes, seulement 8 % ont une entente avec des pharmacies qui, à titre de «fournisseurs préférentiels» leur accordent des rabais. Pourtant, 33 % envisageraient cette formule si elle leur permettait de réaliser des économies.

Quelles que soient les solutions à l’étude, les employeurs veulent savoir pourquoi les coûts augmentent. C’est une occasion exceptionnelle pour le secteur de l’assurance de se manifester. «Tout est une question d’information, note Mme Grant. Si nous pouvons expliquer de façon simple aux employeurs les raisons de cette hausse, ils seront en mesure de prendre des décisions informées pour mieux gérer leurs coûts et contribuer à la santé de leur personnel.»

Les pressions que subit le secteur de l’assurance collective pour offrir de meilleurs prix et un meilleur service ne vont pas se dissiper, ajoute M. Simard. «Les assureurs doivent se montrer à la hauteur de ces exigences et toujours offrir la même qualité. C’est facile à dire, mais l’important est de le faire