Les assureurs et les promoteurs de régimes d’assurance collective sont de plus en plus préoccupés par la mise en marché massive de nouveaux médicaments de spécialité extrêmement coûteux. Mais pour obtenir un portrait juste de la situation, il faut considérer les bénéfices de ces traitements, et pas seulement se focaliser sur leur prix.

C’est le message général qu’a transmis Yanick Labrie, économiste spécialisé dans les enjeux de santé, lors de sa présentation au Rendez-vous des promoteurs.

« La mise en marché de médicaments de spécialité ne vas pas aller en diminuant, essentiellement parce que ces médicaments fournissent de précieux services aux patients et à la société », affirme-t-il.

Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) considère que 27 % des nouveaux médicaments mis en marché pour traiter des maladies rares sont des « découvertes majeures », et que 8 % procurent des « améliorations substantielles » aux patients. « C’est beaucoup plus élevé que pour toutes les autres catégories de médicaments », indique Yanick Labrie.

Selon une étude publiée dans le Journal of Gastrointestinal Surgery, le taux de mortalité chez les patients atteints de colite ulcéreuse a chuté de moitié depuis le passage à l’ère des médicaments biologiques. Ces derniers ont également entraîné une diminution de 25 % des coûts médicaux liés aux visites à l’urgence, aux hospitalisation et aux colectomies. Ces bénéfices s’observent plus clairement chez les participants de régimes privés d’assurance médicaments, car les nouveaux traitements y sont couverts plus rapidement que dans les régimes publics.

Bien entendu, les coûts élevés de ces médicaments, qui peuvent dans certains cas atteindre plusieurs centaines de milliers de dollars, représentent une certaine menace pour la pérennité des régimes privés d’assurance médicaments. Mais le fait qu’un très faible nombre de participants engendrent une proportion significative des coûts totaux des régimes n’est pas un phénomène spécifique aux médicaments, insiste Yanick Labrie. « Au Québec, 1 % des patients engendrent 51 % des dépenses totales du système hospitalier, explique-t-il. C’est la raison pour laquelle on a des assurances, qui permettent de diluer les risques grâce au principe de mise en commun. »

La question que se pose bon nombre de promoteurs de régimes demeure pertinente : Peut-on se payer de tels médicaments?

Au cours des 10 dernières années, le PIB du Québec a augmenté de 3,7 % par année en moyenne, alors que les dépenses en médicaments sur ordonnance ont grimpé de 2,8 % en moyenne (4,1 % dans les régimes privés, 1,7 % dans le régime public). À titre comparatif, les dépenses hospitalières ont été en hausse de 3,9 % par année, et les dépenses relatives au médecins, de 6,1 % par année. « La croissance des dépenses de médicaments est soutenable, estime Yanick Labrie. Elle est inférieure à celle des dépenses totales de santé. On ne doit pas considérer que la situation est hors de contrôle. »

L’économiste concède toutefois que les efforts pour contrôler les coûts dans les régimes publics, notamment le plafonnement des honoraires des pharmaciens, ont eu des répercussions négatives sur les coûts des régimes privés.

Yanick Labrie juge que les outils de mutualisation pourraient être utilisés plus efficacement, et que les promoteurs de régimes devraient peut-être entamer une réflexion sur la nécessité de continuer de couvrir des services de santé qui ne présentent pas de risque financier pour les employés, comme les examens dentaires annuelles et la massothérapie.

Il estime par ailleurs que les assureurs ne se prévalent probablement pas suffisamment de leurs droit de négocier des ententes d’inscription avec les sociétés pharmaceutiques.

Dans tous les cas, les économies dégagées doivent être redirigées vers les promoteurs de régimes, insiste Yanick Labrie. « C’est ce qui va permettre d’assurer la pérennité des régimes privés d’assurance médicaments. »