Les clauses prévoyant la cessation d’une couverture d’assurance collective en fonction de l’âge de l’employé sont fort courantes.

Par exemple, les régimes de soins de santé et de soins dentaires sont souvent rédigés de façon à ce que la couverture cesse soit à la retraite de l’employé, soit à l’âge de 65 ans. Certains employés se retrouvent ainsi sans couverture même s’ils demeurent actifs au sein de l’entreprise.

Une récente décision du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario pourrait bien amener certains d’entre eux à remettre en question la capacité de leur employeur de mettre fin à leur couverture à partir d’un certain âge.

Wayne Talos est un enseignant ontarien qui a décidé de continuer à travailler au-delà de ses 65 ans.

La couverture offerte par le régime de soins de santé et de soins dentaires du conseil scolaire a toutefois été résiliée du fait qu’il avait dépassé cet âge.

Le conseil scolaire croyait pouvoir mettre fin à cette couverture en vertu du paragraphe 25(2.1) du Code des droits de la personne de l’Ontario, qui exempte les employeurs d’offrir la même couverture aux employés âgés de moins de 65 ans et à ceux âgés de 65 ans et plus dans le cadre d’un régime d’avantages sociaux.

M. Talos a présenté une requête au Tribunal en vue de faire déclarer que le paragraphe violait son droit à l’égalité protégé par la Charte canadienne des droits et libertés.

La décision rendue par le Tribunal en mai dernier est longue et complexe, mais celui-ci a essentiellement donné raison à M. Talos. Le conseil scolaire a plaidé que cette violation de la Charte canadienne était justifiée afin de préserver la viabilité financière de son régime d’assurance. Le Tribunal a toutefois rejeté cet argument et a jugé que, selon la preuve actuarielle présentée, la couverture pourrait être fournie aux employés de 65 ans et plus sans que le coût du régime devienne insoutenable.

La preuve démontrait par exemple que le coût du régime pour les employés âgés de 65 et 79 ans était similaire à celui pour les employés âgés de 40 et 49 ans. Considérant la preuve actuarielle, le Tribunal a conclu que la violation de la Charte canadienne n’était pas justifiée dans les circonstances. M. Talos compte maintenant réclamer une compensation de 160 000 $ pour la perte de prestations et pour l’atteinte à sa dignité.

Au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne prévoit qu’une distinction, exclusion ou préférence fondée sur l’âge dans un régime d’assurance ou d’avantages sociaux est réputée non discriminatoire si elle est légitime et justifiable sur la base de données actuarielles.

Tout comme le conseil scolaire dans l’affaire Talos, plusieurs employeurs au Québec présument que la résiliation des couvertures d’assurance à 65 ou 70 ans est nécessaire pour assurer la viabilité de leurs régimes. Or, la décision du tribunal ontarien est un important rappel pour les employeurs du besoin d’une justification actuarielle convaincante afin de pouvoir traiter les employés de 65 ans et plus différemment des plus jeunes. Toute distinction fondée sur l’âge devrait donc être basée sur des données actuarielles crédibles.

Avant d’exclure une catégorie d’employés d’un régime en fonction de l’âge, un employeur devrait se poser plusieurs questions. Il serait par exemple prudent de vérifier si le coût du régime serait véritablement prohibitif (dans l’ensemble et en moyenne par employé) advenant une participation des employés au-delà de 65 ans. Dans ce cas, il pourrait aussi être nécessaire d’envisager des mesures de contrôle des coûts pour ce groupe d’employés plutôt que de mettre fin à la couverture.

Il n’y a pas encore eu beaucoup de litiges liés à la résiliation des couvertures d’assurance en fonction de l’âge, mais considérant les caractéristiques démographiques de la main-d’œuvre québécoise et les efforts des employeurs pour retenir leurs employés, cette situation pourrait changer rapidement.

Les employeurs qui désirent maintenir une distinction fondée sur l’âge dans leurs régimes devraient être proactifs et s’assurer dès maintenant que leur décision est justifiable.

Julien Ranger est associé chez Osler.