L’analyse des scénarios climatiques est actuellement basée sur des hypothèses « peu plausibles » qui pourraient retarder l’action et créer des problèmes du point de vue de la responsabilité fiduciaire pour les investisseurs, selon une nouvelle étude de l’Institute & Faculty of Actuaries.

Sandy Trust, responsable du risque organisationnel chez M&G, un gestionnaire d’investissement mondial dont le siège se trouve à Londres, explique qu’un nombre croissant d’investisseurs — y compris des régimes de retraite — sont tenus de produire des analyses de scénarios climatiques afin de modéliser la manière dont leurs performances financières pourraient être affectées par différentes trajectoires climatiques futures.

Toutefois, l’étude affirme que les résultats décevants des analyses climatiques sont dus à l’étroitesse des scénarios testés, et non à l’absence de risque financier posé par le changement climatique.

Par exemple, elle affirme qu’une analyse du Network for Greening the Financial System — un réseau de 114 banques centrales et superviseurs financiers qui vise à accélérer l’expansion de la finance verte — sur l’impact du réchauffement climatique sur le PIB mondial n’a pas inclus « les impacts liés aux conditions météorologiques extrêmes, à l’élévation du niveau de la mer ou aux impacts sociétaux plus larges liés aux migrations ou aux conflits ».

Il y a un décalage entre les interprétations du risque, dit Sandy Trust. « Si l’on considère le risque dans le domaine scientifique et dans celui des services financiers, il s’agit de deux choses totalement différentes. Les scientifiques hésitent à publier leurs idées s’ils ne peuvent pas les goûter, les toucher, les lécher ou les piquer ».

La gestion des risques financiers est à l’opposé. Cela s’explique en partie par le manque de connaissances sur le changement climatique dans le secteur des services financiers, dit-il, notant que le secteur n’a pas la capacité de mener des analyses de scénarios climatiques. « Le secteur n’a pas l’expertise nécessaire pour creuser les bonnes pistes. Ils dépensent donc tous beaucoup d’argent pour construire des infrastructures de modélisation coûteuses qui n’ont aucune valeur pratique ».

Inévitablement, l’industrie met trop l’accent sur les implications financières d’une planète qui se réchauffe, ajoute Trust. « Si les scientifiques crient au désastre et que les meilleurs économistes estiment l’impact sur le PIB à 2 %, c’est un problème, car cela signifie qu’il ne se passera pas grand-chose.

Selon lui, il est nécessaire de procéder à une évaluation plus réaliste des risques catastrophiques afin d’étudier les types de phénomènes susceptibles de se produire et leur impact éventuel. Par exemple, le stress thermique engendre le stress hydrique, qui conduit à la migration des populations. “Ce sont les derniers risques et leur interconnexion qui détermineront les résultats.”

Il est également nécessaire d’assurer une certaine cohérence, ajoute M. Trust, qui suggère une approche similaire à celle des normes comptables, tout en soulignant que cette démarche devrait être menée par les organismes de réglementation.

L’étude propose une nouvelle méthodologie. Plutôt que de regarder ce qui s’est passé et d’essayer de déterminer ce qui va se passer, “nous devons considérer la perte de tout. Nous pourrions débattre toute la semaine de la fixation de limites au réchauffement climatique. Au-delà de 2 °C, l’impact est important et nous pouvons discuter des degrés. Il s’agit d’accélérer l’action et, si vous pensez que le risque est sérieux, de prendre des mesures pour l’éviter”.

Les actuaires ont un rôle à jouer, ajoute-t-il. Ils occupent souvent des postes de gouvernance et devraient donc s’interroger, par exemple, sur les résultats de l’analyse des scénarios prescrite par le groupe de travail sur les informations financières liées au climat. Du point de vue des décideurs en matière d’investissement et de retraite, ils ont une responsabilité fiduciaire à cet égard.

En fin de compte, selon Sandy Trust, cela signifie que les actuaires doivent investir dans le développement de leurs compétences en matière de changement climatique et de modélisation de scénarios.

Ce texte a initialement été publié par Benefits Canada