La probabilité que l’économie se relève rapidement et vigoureusement de la crise causée par la pandémie de COVID-19 est de moins en moins envisageable, estiment les analystes d’Hexavest.

Dans une note publiée la semaine dernière, l’économiste en chef de la firme, Jean-Pierre Couture, anticipe plutôt une reprise lente plombée par le surendettement des entreprises américaines, européennes et chinoises.

« Nous croyons de moins en moins au scénario de reprise économique en « V » anticipée par le consensus. À notre avis, il faudra beaucoup plus que quelques trimestres pour que les consommateurs, les entreprises et les gouvernements se remettent de la crise de la COVID-19, mais surtout de la cascade d’événements économiques et financiers qu’elle aura déclenchée. »

Sur les marchés financiers, les prochains mois seront marqués par la volatilité. Des périodes d’optimisme se manifesteront lorsque seront annoncés des traitements prometteurs contre le coronavirus, mais les investisseurs devront aussi s’attendre à des périodes de déception sur le plan macroéconomique et financier.

Selon les prévisions de la firme, une longue récession est à prévoir en raison « d’une cascade de défauts de paiement, de faillites d’entreprises et de mises à pied permanentes ». Les analystes jugent « inquiétante » la proportion de sociétés cotées BBB, soit un seul échelon au-dessus des obligations de pacotille (junk bonds). Les risques de contagion dans les marchés financiers advenant une vague de décotes sont donc à craindre.

Hexavest pointe du doigt les politiques d’assouplissement monétaire des banques centrales au cours des dernières années, qui ont contribué à faire augmenter le taux d’endettement. Si en 2008, c’est surtout le surendettement des ménages américains qui faisaient craindre le pire, c’est aujourd’hui le surendettement des entreprises qui pose un problème macrofinancier majeur.

« C’est donc dans un contexte de grande vulnérabilité financière que la crise de la COVID-19 a frappé », résume la firme.

D’autant plus que les mesures musclées prises par les gouvernements pour amortir le choc économique de la crise pourraient mener à un risque accru de crise des finances publiques. « Il est difficile d’envisager un scénario dans lequel l’état des finances publiques ne limitera pas la marge d’intervention lors d’un prochain choc ou ne freinera pas la croissance économique sur plusieurs années, puisque les gouvernements devront hausser les impôts et réduire leurs dépenses », peut-on lire.

Enfin, une autopsie s’imposera une fois la crise contenue. Les États pourraient être moins réceptives à l’idée de laisser les entreprises s’endetter au point de devenir un risque systémique. Les rachats d’actions pourraient quant à eux être plus limités, alors que des questions seront soulevées quant aux dividendes versés par les firmes qui auront été sauvées par les banques centrales.

Hexavest conserve tout de même sur son radar un deuxième scénario plus optimiste, mais jugé moins probable. Il consiste en une récession mondiale très profonde, mais courte, qui serait suivie dès cette année par une forte reprise en « V ». Le rebond de l’activité serait attribuable à un retour à la normale après la crise de la COVID-19 et soutenu par les mesures stimulantes sans précédent annoncées par les gouvernements et les banques centrales.

Pire que les attentats du 11 septembre 2001

RBC est également d’avis qu’une reprise économique forte en « V », ou même en « U » est de moins en moins probable. Dans la foulée de l’assemblée générale annuelle des actionnaires de la banque, la semaine dernière, le chef de la direction Dave McKay a indiqué « que l’économie devrait redémarrer par étapes pour éviter une nouvelle vague de contagion, tandis que les dépenses des entreprises seront également plus prudentes pour prolonger davantage la reprise ».

Certains secteurs de l’économie pourraient voir des reprises particulièrement prolongées, comme les voyages d’affaires, alors que les entreprises s’adaptent aux façons de mener leurs activités plus à distance.

Le chef de la direction de la Banque CIBC, Victor Dodig, estime pour sa part que la pandémie de COVID-19 aura un impact mondial plus profond que les attentats terroristes du 11 septembre 2001.

« Tout le monde sortira de cet événement un peu moins riche. Tout le monde en sortira plus prudent », a-t-il affirmé à La Presse canadienne, avant la première assemblée générale virtuelle de ses actionnaires.

Victor Dodig s’attend à ce que l’économie canadienne soit confrontée à une petite récession, avec plusieurs trimestres consécutifs de contraction du produit intérieur brut (PIB).

Les prévisions actuelles de la CIBC prévoient une croissance économique négative de 3,9 % au Canada en 2020 et une croissance négative de 3,3 % aux États-Unis.

M. Dodig croit que les gouvernements et les entreprises commenceront à songer davantage à l’autosuffisance, à la planification des mesures d’urgence et de reprise après sinistre et à la refonte des chaînes d’approvisionnement mondiales, car la livraison du juste-à-temps ne fonctionne pas en période de pandémie.

« Donc, la sécurité des approvisionnements, l’autosuffisance, ce genre de choses deviendra une priorité en matière de politique », a-t-il affirmé lors de l’entrevue.

La population subira les contre-coups économiques pendant un certain temps et M. Dodig croit qu’une tendance davantage axée sur l’épargne en vue de jours plus difficiles pourrait émerger, une idée qui n’a pas été très à la mode au cours des dix dernières années.