Québec solidaire (QS) et le Parti québécois (PQ) réclament que le gouvernement Legault mette en place un régime d’assurance pension inspiré du programme établi il y a longtemps en Ontario, et ils l’exhortent à faire pression sur Power Corporation du Canada dans le dossier des retraités de Groupe Capitales Médias (GCM).

L’initiative du député Vincent Marissal, de QS, et du péquiste Sylvain Gaudreault est inspirée par le sort réservé à quelque 900 retraités de GCM qui verront leurs rentes fondre de près du tiers.

M. Marissal rappelle qu’avant eux, ce sont les employés du détaillant Sears, de la papetière White Birch et du fabricant d’électroménagers Mabe Canada qui ont connu un sort semblable. Ces personnes ont vu partir en fumée le fruit de toute une vie de travail, ou une partie, rappelle-t-il.

Le député de Rosemont a observé que le programme mis sur pied en Ontario affichait des surplus de plus de 736 M$ au 31 mars 2018. À son avis, les retraités ontariens sont protégés en cas de faillite de leur entreprise.

Vincent Marissal réclame aussi que Power Corporation du Canada protège les retraites des anciens employés de GCM, comme il l’a fait pour les employés de La Presse. Cette demande a également été reprise par M. Gaudreault.

M. Marissal, qui est lui-même un ancien employé de La Presse, accuse Power Corporation du Canada de s’être livrée ni plus ni moins qu’à une manigance comptable et immorale en ayant laissé des gens qui ont travaillé toute leur vie vivre leur retraite, et pour certains, vivre leurs dernières années dans la misère.

Il s’insurge d’avoir appris que l’ancien dirigeant de GCM, Martin Cauchon, ait été payé 500 000 $ par année pour, dit-il, mettre à mort les journaux régionaux. Voilà pourquoi, à son avis, le gouvernement québécois a la responsabilité de faire pression sur Power Corporation du Canada pour que la compagnie basée à Montréal remplisse ses obligations morales.

« Il s’agit de cas humains, de cas graves, de gens qui ont travaillé toute leur vie et qui ont été complètement largués par Power Corp, qui s’est lavé les mains, a insisté jeudi M. Marissal en point de presse à l’Assemblée nationale. (Les ministres) ont le pouvoir de prendre le téléphone puis de profiter des prochains cocktails à Montréal et ailleurs pour faire des pressions sur Power Corp puis leur dire: « Franchement, là, pas fort. Ce n’est pas fort, votre affaire. »

« Si ce gouvernement-là met la pression, y compris publiquement, en disant: « On ne laisse pas tomber notre monde de même », je pense que ça aurait un impact », a-t-il ajouté.

En 2015, Power Corporation du Canada a cédé ses six journaux à M. Cauchon qui a créé GCM. Plus tard, un organisme à but non lucratif a pris le contrôle de La Presse des mains du conglomérat qui a aussi allongé 50 millions $ pour assurer sa viabilité. La transaction prévoyait aussi que Power Corporation du Canada se porte garante des obligations passées du régime de retraite des employés de La Presse.

Plus tard jeudi, Sylvain Gaudreault est allé un peu plus loin: il a demandé une enquête de Retraite Québec sur ce qui est advenu de la question des retraités lors de la transaction de 2015 entre Power Corporation et Martin Cauchon.

Il a par ailleurs qualifié de « décevante » pour les retraités la décision du juge Jacques J. Lévesque, de la Cour d’appel du Québec, qui a refusé jeudi d’entendre leur appel.

Les tribunaux refusent d’entendre les retraités

La Cour d’appel du Québec refuse en effet d’entendre les retraités de quatre quotidiens du Groupe Capitales Médias qui s’opposaient à l’homologation du plan de relance du groupe sous forme de coopératives, réduisant ainsi l’incertitude à l’égard de la finalisation du montage financier.

En vertu de la décision rendue le 23 décembre par la Cour supérieure, quelque 900 retraités devront faire une croix sur 25 % à 30 % de leurs rentes à compter de février en plus de renoncer, par des quittances, à d’éventuels recours contre différents syndicats et les comités de retraite.

Les retraités des quotidiens Le Soleil, Le Nouvelliste, La Voix de l’Est et Le Quotidien désiraient que l’on apporte des amendements au plan de relance présenté au tribunal, dans lequel les quittances étaient exigées.

Dans sa décision de 18 pages rendue jeudi, le juge Jacques Lévesque a écrit que le juge Daniel Dumais de la Cour supérieure avait « judicieusement, raisonnablement et sensiblement » exercé sa discrétion en homologuant le plan.

« Il a particulièrement bien considéré les enjeux qui lui étaient présentés et (…) les reproches qu’on lui impute n’ont guère de fondement », peut-on lire.

Les retraités estimaient que le juge Dumais avait commis des erreurs en permettant les quittances et en affirmant qu’il ne pouvait corriger le plan de relance, à l’exception de détails techniques.

GCM, qui s’était placé à l’abri de ses créanciers le 19 août dernier, compte quelque 350 employés permanents et publie également les quotidiens La Tribune et Le Droit. Le déficit de solvabilité du régime de retraite était estimé à 65 M$.

Néanmoins, les quittances « ne privent pas les retraités de tous leurs recours », a souligné le juge Lévesque, en rappelant un passage de la décision rendue par la Cour supérieure. À titre d’exemple, « il n’est pas évident » que des plaintes déposées par des retraités contre leurs syndicats en vertu d’infractions alléguées au Code du travail « soient couvertes par la clause de quittance ».

La Cour d’appel souligne que l’avocate des retraités avait reconnu, devant le tribunal, que la contestation des quittances venait « faciliter différents recours entrepris (…) ou encore la mise en œuvre d’une action collective contre les personnes qui pourraient être responsables du déficit important du fonds de pension ».

Encore du pain sur la planche

Le porte-parole de l’Association des retraités du Soleil, Pierre Pelchat, s’est dit « naturellement très déçu », mais a dit vouloir analyser le jugement de la Cour d’appel avant de le commenter davantage.

De son côté, Stéphane Lavallée, directeur général de la nouvelle entité qui porte désormais le nom de Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i), a estimé que la décision du tribunal venait « enlever beaucoup d’incertitude sur la suite des choses ».

« Cela va nous permettre de mettre en œuvre le plan de relance, a-t-il dit au cours d’un entretien téléphonique. Nous sommes très conscients des pertes subies à la fois par les retraités et employés actifs. On ne peut pas se réjouir de voir des gens (perdre de l’argent), mais au moins, on peut se réjouir du maintien de six quotidiens. »

L’offre de coopératives d’employés avait été retenue dans le cadre d’un montage financier de 21 M$. Elle est toujours passée au peigne fin par le groupe de bailleurs de fonds, soit Investissement Québec, le Fonds de solidarité FTQ, Fondaction CSN et le Mouvement Desjardins.

Selon M. Lavallée, la conclusion de la transaction, qui fait que les lettres d’intention deviendront des lettres d’investissement, devrait survenir vers la mi-février.

« Nous sommes dans le dernier droit de la vérification au préalable, a dit le directeur général de CN2i. Les aspects les plus costauds ont été abordés et sont normalement à la satisfaction de nos actionnaires. »