À la veille de la légalisation du cannabis au pays, les organisations patronales sont plus inquiètes que jamais des éventuelles conséquences de la consommation en milieu de travail. Elles invitent les employeurs à adopter immédiatement des politiques de tolérance zéro.

« En ce moment, les employeurs se retrouvent devant une boite à surprises. C’est pourquoi, à notre sens, le mot d’ordre devrait être : tolérance zéro dans un contexte professionnel », affirme le président-directeur général du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Yves-Thomas Dorval.

Selon le CPQ, les effets secondaires du THC, qui sont difficilement détectables, pourraient « être délétères à la productivité des employés, et ce, à court comme à long terme ». Le regroupement patronal invite les employeurs à mettre rapidement à jour leurs politiques internes concernant la consommation de cannabis et de s’assurer que les régimes d’assurance collective ont été révisés afin « d’inclure des mesures nécessaires en lien avec la consommation de cannabis. »

Rappelons qu’il sera illégal pour les employeurs de procéder à des dépistages aléatoires, sauf dans le cas d’employés qui occupent un poste considéré à risque, notamment dans le secteur de la construction ou du transport.

« Pour les employeurs, qui n’ont pas de moyen fiable de détecter les facultés affaiblies chez leurs employés, mais qui ont pourtant l’obligation d’assurer la sécurité de ceux-ci, il est essentiel que la légalisation fasse l’objet de campagnes de sensibilisation concrètes et transparentes, rappelant que travailler avec les facultés affaiblies est aussi dangereux pour soi-même et pour les autres que conduire dans cet état », soutient Stéphane Forget, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ).

Selon l’organisme, la légalisation du cannabis récréatif placera les employeurs « dans une situation difficile », puisque ceux-ci ont l’ultime responsabilité en matière de sécurité de leurs employés, mais qu’ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour s’acquitter efficacement de leurs obligations. Stéphane Forget se dit notamment préoccupé du fait que la consommation de cannabis soit banalisée en raison de la légalisation.

Alors que le nouveau gouvernement du Québec a annoncé son intention de déposer un projet de loi pour modifier l’âge légal pour l’achat, la possession et la consommation de cannabis récréatif, la FCCQ souhaite que ce projet de loi inclue les milieux de travail dans la liste des endroits où la consommation de cannabis est formellement interdite.

À chaque employeur sa politique

Au cours des derniers jours, plusieurs employeurs ont précisé leur politique quant à la consommation de cannabis chez leurs employés, rapporte Le Devoir. Air Canada et WestJet ont par exemple interdit le cannabis pour tout le personnel occupant des postes critiques pour la sécurité, dont les pilotes. Cette interdiction s’applique également en dehors des heures de travail et durant le temps libre des employés.

Les membres de la Défense nationale pourront eux consommer du cannabis, mais devront respecter une période de latence de huit heures avant un retour au travail. Pour les postes à risque, cette période obligatoire sans consommation pourrait atteindre 28 jours.

Les employés de l’Agence des services frontaliers, pour leur part, ne pourront pas fumer 24 heures avant un quart de travail. Pour les policiers de la Gendarmerie royale du Canada, on parle plutôt d’une période d’abstinence de 28 jours. Du côté du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), aucune nouvelle restriction n’a été instaurée en sus de celles interdisant déjà l’intoxication pendant les heures de travail.

Des effets à prévoir

Un sondage d’ADP Canada publié la semaine dernière révélait que les employeurs s’attendent à constater une hausse des incidents liés à la santé et la sécurité (56 %) suite à la légalisation du cannabis au pays. Ils entrevoient par ailleurs à une baisse de la productivité (45 %) et de la qualité du travail (43 %). À noter que les résultats sont plutôt similaires lorsque l’on interroge les employés.

Dans l’ensemble du pays, seulement 6 % des travailleurs canadiens croient que leur employeur autorisera la consommation de cannabis à des fins récréatives pendant ou juste avant les heures de travail. Les gestionnaires sondés sont seulement 36 % à déclarer que leur entreprise introduit ou révise ses directives et politiques en milieu de travail en raison de la légalisation imminente du cannabis.

« Il est clair que les gestionnaires doivent avoir des entretiens détaillés, pointus et approfondis avec les employés sur ce qui constitue un comportement acceptable en milieu de travail en ce qui a trait au cannabis, affirme Hendrick Steenkamp, directeur, Consultation en RH d’ADP Canada. Le fait d’avoir ces conversations sans tarder aidera à définir des attentes claires pour les deux parties et réduira les risques d’effet négatif sur le rendement et la productivité au travail. »