Selon une des principales conclusions de l’article publié récemment dans l’infolettre Avantages et intitulé Gestion des coûts des régimes d’assurance collective : mythe ou réalité?, la gestion active des coûts ne fait pas vraiment partie intégrante de plusieurs régimes d’assurance collective, même si elle a alimenté bien des discussions au fil des ans. D’après les commentaires que nous avons reçus sur cet article, de nombreuses personnes témoignent de cette situation, et plusieurs en viennent à se poser cette simple question : pourquoi?

De toute évidence, la réponse à cette question est complexe et fortement modulée par la situation particulière de chaque promoteur de régime.

Certains promoteurs de régime sont liés par des conventions collectives. D’autres croient qu’il suffit de solliciter des soumissions sur le marché tous les deux ans. Nombreux sont les promoteurs qui ne connaissent d’autres moyens de gérer leurs coûts que le partage des coûts, les franchises et les coassurances. Certains ne comprennent pas, ni ne voient la nécessité de gérer leurs coûts, ou ils n’en saisissent tout simplement pas l’importance. Et la plupart des promoteurs de régime ne sont pas préparés à affronter les réactions négatives des employés face à tout changement à leurs protections ou à la façon dont la prestation de services est effectuée.

Bref, nous n’avons pas encore atteint le seuil critique qui incitera plusieurs promoteurs canadiens de régime d’assurance collective à procéder à une gestion proactive, voire énergique, de leurs coûts. Malgré toute l’attention qu’a suscitée la hausse des coûts des régimes d’assurance collective depuis des années, la plupart des promoteurs de régime n’en sont pas encore au point de dire que « trop, c’est trop ». Sans vouloir payer plus qu’ils ne le doivent, ils demeurent disposés à payer ce qu’il faut pour offrir un programme d’assurance collective concurrentiel.

La seule exception à ce chapitre touche les avantages pendant la retraite, où des mesures importantes ont été prises. Et en quoi ces avantages se distinguent-ils des autres? Le coût associé à cette protection est considérable et la plupart des membres de la direction en saisissent bien les conséquences financières. En regard de ces avantages, nous avons atteint notre seuil critique. Et pour ce qui est des assurances collectives antérieures à la retraite, nous croyons que de plus en plus de promoteurs de régime s’approchent aussi du seuil critique.

Les coûts liés aux médicaments sur ordonnance pourraient rapprocher davantage de promoteurs de régime de ce seuil. Toutefois, il importe de considérer la situation objectivement en sachant clairement à quel moment le seuil critique est atteint et qu’il y a lieu d’intervenir.

Certes, le seuil critique de votre entreprise peut varier, mais si vous le connaissez bien, vous pourrez mieux déterminer vos propres priorités en matière de gestion des coûts.

Le seuil critique peut être défini de différentes façons.

Coûts absolus – Certaines entreprises doivent gérer les coûts en respectant un budget fixe. Dans pareil contexte, le seuil critique est assez clair.

Hausses annuelles – Le seuil critique peut correspondre aux montants supplémentaires que vous êtes prêt à payer chaque année.

Coûts relatifs des avantages sociaux – La plupart des entreprises incluent leurs frais d’exploitation dans le coût de leurs produits et services. Si une hausse des coûts des avantages sociaux ne peut être récupérée dans le prix des produits et des services, le seuil critique est atteint.

Incidence sur les employés – Un changement dans les protections prévues peut avoir une incidence négative sur les employés. La capacité d’un employeur à faire face aux répercussions permet de mieux cerner le seuil critique.

Capacité de changement – Plusieurs entreprises sont liées par les conditions de conventions collectives qui restreignent leur capacité à effectuer des changements à court terme.

Gestion des risques – Un programme d’assurance collective est un moyen efficace pour un employeur de gérer les risques opérationnels, comme les absences et les problèmes de santé des employés. Toute démarche relative à la gestion des coûts doit être faite dans une perspective de gestion des risques. En outre, les risques ne sont pas tous financiers et peuvent notamment toucher la réputation. Si votre entreprise n’est pas prête à défendre une décision, vous n’avez pas encore atteint votre seuil critique.

Rendement du capital investi – Le rendement du capital investi devrait retenir davantage l’intérêt que la gestion des coûts. Un programme d’assurance collective constitue un investissement pour lequel le promoteur de régime obtient un rendement, qu’il s’agisse d’une capacité accrue d’attirer et de fidéliser des employés ou d’une main-d’œuvre en meilleure santé et plus productive. Par conséquent, le capital investi devrait tenir compte du rendement prévu et réalisé.

La liste ci-dessus ne tient pas compte de considérations externes, soit de ce que les autres font. En fait, ce que les autres font peut certes vous servir de référence, mais n’a pas d’importance dans la détermination de votre seuil critique. Ainsi, la hausse des coûts des médicaments interpelle tout le monde, mais votre réaction à cette situation devrait être à la mesure de votre situation particulière et de votre capacité ou volonté de payer.

Les promoteurs de régime peuvent amorcer la définition de leurs priorités de gestion des coûts en répondant à la question : « Quel est notre seuil critique? ».

Alain Robillard est membre du partenariat et Simon Gamache est conseiller dans le domaine Santé et avantages sociaux de Mercer à Montréal.