Environ la moitié des travailleurs québécois présentent un niveau élevé de détresse psychologique, démontre une enquête rendue publique vendredi par des chercheurs de l’Université Laval.
Dans un premier temps, 56 % des femmes et 41 % des hommes ont rapporté un niveau élevé de détresse psychologique, pour une moyenne de 48 % de la population québécoise au travail.
« C’est certain que le 48 %, en moyenne, on a trouvé que c’était alarmant, a dit l’auteure de l’étude, la professeure Caroline Biron de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. Mais en même temps, on se compare tout à fait avec nos cousins français. (…) Ça nous a surpris, oui c’est élevé, mais en même temps c’est quand même comparable. »
Il s’agit d’une importante augmentation par rapport aux données prépandémie colligées en 2015 par l’Institut de la statistique du Québec dans l’Enquête québécoise sur la santé de la population, qui révélait un niveau élevé de détresse chez près de 33 % des femmes et 24 % des hommes.
« Quand on regarde la façon dont ça a été mesuré, donc je me suis senti nerveux ou je me suis senti désespéré, bon à rien, tout ça, peut-être que les femmes vont répondre davantage à ça, mais en même temps ça ne veut pas dire que les hommes ne vivent pas de détresse, a ajouté Mme Biron, qui dirige également le Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail. On sait qu’il y a un taux de suicide plus élevé chez les hommes. »
Trente-sept pour cent des participants au sondage ont déclaré avoir fait du présentéisme, à savoir, être allés travailler malades, au cours des sept derniers jours, tant parmi ceux qui font du télétravail que chez ceux qui se déplacent vers leur lieu d’emploi.
Les trois quarts des personnes interrogées rapportaient des problèmes de sommeil, dont 11 % qui les estimaient de forte intensité.
Entreprises bienveillantes
Cette étude permet aussi de mettre en lumière l’importance des organisations que l’on pourrait qualifier de « bienveillantes », donc celles qui se préoccupent non seulement de la sécurité de leurs employés, mais aussi de leur santé psychologique.
« C’est frappant de voir à quel point ça a un impact sur la santé psychologique, a dit Mme Biron. Dans les organisations qu’on va appeler bienveillantes, qui ont un climat de sécurité psychosociale fort, on a 37 % de gens en détresse élevée, comparativement à 61 % quand un climat est perçu comme étant moins bienveillant. »
De plus, les organisations qui accordaient une haute priorité à la santé psychologique s’en tiraient mieux que les autres: ces organisations comptaient 24 % moins de personnes qui déclaraient être en détresse élevée et 12 % plus de travailleurs qui se qualifiaient de « hautement performants ».
« On est dans un contexte économique difficile et j’ai l’impression que la santé psychologique est un peu l’enfant pauvre en santé-sécurité, a déclaré Mme Biron. Ce qu’on voit c’est que quand les organisations sont bienveillantes, on a moins de risques psychosociaux, et en retour on a moins de détresse, donc ça part d’en haut. »
L’étude attire également l’attention sur la détresse psychologique des cadres de premier niveau, ceux à qui on demande de veiller à la santé et au bien-être des troupes. « Qui s’occupe des cadres? Derrière le cadre il y a un être humain qui vit de la détresse », a dit la chercheuse.
Enfin, l’appui offert par les collègues ou les supérieurs et le sentiment de reconnaissance qu’on ressent en milieu de travail ont aussi un impact important sur la détresse psychologique des employés.
Le sondage web a été mené du 30 avril au 7 mai auprès d’un échantillon de 1259 Québécois représentatif de la population en termes d’âge, de sexe et de scolarité. Tous les répondants étaient professionnellement actifs au moment de l’enquête.