Les investisseurs se sont rapidement habitués au soutien des banques centrales envers les marchés obligataires et se sont positionnés en fonction du maintien à long terme de taux extrêmement bas. Pourtant, la situation pourrait changer rapidement, prévient Desjardins dans une note publiée la semaine dernière.

Le Mouvement estime que les investisseurs des marchés obligataires devraient miser, entre autres, sur des stratégies d’accentuation de la courbe obligataire pour se prémunir contre le risque d’escalade de taux.

La fumée blanche des banques centrales

Cette année seulement, la Banque du Japon (BOJ) a surpris tout le monde en annonçant une politique de taux négatifs; la Banque centrale européenne (BCE) a abaissé encore plus en territoire négatif son taux sur les dépôts; les banques centrales d’Angleterre et d’Australie ont décrété des baisses de 25 points de base sur leur principal taux directeur et leur cousine de la Nouvelle-Zélande a réduit le sien de 50 points de base. Sans compter que l’Europe et le Japon se sont lancés à leur tour dans l’achat massif d’actifs.

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On ne peut donc pas parler de signaux annonçant une remontée prochaine des taux! C’est aussi ce que décodent les investisseurs, comme le démontre la faiblesse de la volatilité sur les marchés obligataires. On le voit aussi dans l’empressement de certains à s’engager dans des obligations à long terme assorties de taux très bas, voire négatifs, ce qu’ils ne feraient pas s’ils prévoyaient une hausse des taux imminente.

Les leçons du passé

Prudence, dit pourtant l’auteur de la note de Desjardins, son économiste principal Jimmy Jean. Dans le passé, les longues tendances à la baisse des taux ont été ponctuées d’épisodes de remontée, parfois très abrupte. Depuis 1990, Desjardins en recense cinq de plus de 100 points de base sur le taux américain de dix ans, dont deux depuis 2008. En 2013, la simple évocation devant le Congrès, par le président de la Réservce fédérale, d’une éventuelle réduction des achats d’obligation par son institution a fait bondir le taux américain de 10 ans de 136 points de base en quatre mois! Or, il est de plus en plus souvent question dans les banques centrales de diminuer le recours à l’assouplissement quantitatif. Une réaction semblable à 2013 pourrait entraîner le taux de dix ans aux environs de 2,75 % d’ici le début de 2017.

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Des changements sont aussi à prévoir du côté des politiques économiques. Après avoir fait la preuve de sa relative inefficacité, l’austérité cède de plus en plus le pas à des interventions publiques ciblées, notamment des investissements en infrastructures publiques. On le voit notamment en Allemagne, au Royaume-Uni et au Canada, où ce type d’approche économique est au cœur du programme du gouvernement Trudeau. Cela pourrait amener les banques centrales à réduire ou abandonner leurs réflexes interventionnistes, estime Desjardins.

L’institution financière québécoise se méfie aussi d’un retour de l’inflation en raison de la faiblesse des investissements des dernières années. Dans un tel cas, des pressions haussières non négligeables sur les taux obligataires pourraient se faire sentir.

Se tenir prêt

Desjardins constate que les marchés sont positionnés pour une poursuite des approches monétaires et fiscales des dernières années, alors même que ces dernières semblent arriver à un tournant. Bien sûr, les investisseurs en titres à revenu fixe qui ont spéculé sur une remontée des taux se sont fait moucher ces dernières années. On comprend les autres de ne pas être chauds à l’idée de subir le même sort. Mais l’institution financière soutient que les investisseurs doivent tout de même se positionner de manière à ne pas être pris au dépourvu. Ils doivent, surtout, rester éveillés, et éviter la complaisance.

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