Ah, les jeunes ! Ils dépensent leur argent pour acquérir des téléphones intelligents, pour ensuite divulguer tous leurs exploits sur les médias sociaux, n’est-ce pas? La retraite ne se retrouve même pas sur leur radar. Or, alors que beaucoup croient que les jeunes ne font que jeter leur argent par les fenêtres, les résultats de récents sondages révèlent qu’en fait, c’est tout le contraire.

Des données compilées par RBC démontrent que la moitié des répondants de 18 à 34 ans détiennent actuellement un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), auquel ils cotisent en moyenne 4 329 $ par année, et qu’ils ont généralement une plus grande intention d’y cotiser que la population dans son ensemble. Pour sa part, le Mouvement Desjardins a pu constater que 61 % des jeunes de 25 à 34 ans détiennent un REER ou un compte d’épargne libre d’impôt (CELI), voire les deux, et que trois quarts de ceux-ci ont l’intention d’y cotiser. De quoi en étonner plus d’un.

« Ce qu’on remarque c’est qu’il y a une belle hausse de jeunes qui cotisent à un REER par rapport à l’an dernier », explique Johanne Prévost, planificatrice financière à RBC depuis plus de 30 ans. Entre 2012 et 2013, il y a eu une augmentation de 10 % du nombre de jeunes qui y ont contribué.

« Ce qui peut expliquer ce phénomène, ce sont les recommandations des conseillers financiers de commencer à investir tôt. Il s’agit peut-être d’un petit montant, mais l’important c’est de commencer à épargner », ajoute Mme Prévost. Par exemple, si un jeune de 25 ans cotise 1 000 $ par année pendant 40 ans, il accumulera plus qu’une personne de 45 ans qui cotise 2 000 $ par année pendant 20 ans. Reste toutefois l’autre 50 %, soit ces jeunes qui n’épargnent pas en vue de leur retraite. « Ils n’ont peut-être pas de budget établi ou leur revenu est moins élevé. Pour ceux-ci, il est moins avantageux de cotiser à un REER, dit Mme Prévost. L’entourage compte aussi. Par exemple, les parents ont-ils souligné l’importance de l’épargne à leurs enfants ? »

La balle dans le camp des entreprises

Si les chiffres sont plus que positifs, il reste tout de même du travail à faire pour sensibiliser tous les travailleurs plus jeunes à l’épargne-retraite et à optimiser leur planification financière. Les trois conseillers en services financiers consultés unissent leur voix pour dire que les employeurs ont un poids important dans la balance. Pour Sophie Sylvain, planificatrice financière chez Desjardins Gestion de patrimoine, les employeurs ont une responsabilité d’éduquer leurs employés. Ils devraient fournir un cahier de participant, qui explique les titres de placement, comment les sélectionner et les avantages d’y investir.

Même ceux qui ne font pas parti du régime offert par la compagnie devraient recevoir des informations. « Autant il est vrai de penser que les jeunes ne connaissent pas beaucoup les régimes de retraite, autant il est faux de croire que les moins jeunes en connaissent plus sur le sujet. C’est donc important de fournir un maximum d’informations à tout le monde », explique-t-elle. Pour les employeurs, c’est un atout considérable que d’inciter les employés à cotiser au régime de retraite qu’ils offrent, afin de fidéliser ceux-ci, constate Carl Thibault, vice-président pour le Québec au Groupe Investors. « C’est un bon élément pour attirer de bons nouveaux employés, et c’est aussi un bon moyen pour réduire le taux de roulement, car les employés sentent que leur employeur s’intéresse à leur avenir », affirme-t-il.

La technologie au service de l’épargne

À l’ère des médias sociaux, il est n’est guère plus surprenant de voir que les institutions financières utilisent de multiples plateformes pour faire la promotion de leurs produits, dont les régimes d’épargne-retraite. Que ce soit pour la population générale, ou pour les bénéficiaires des régimes collectifs, on peut facilement trouver des renseignements sur Twitter, Facebook ou d’autres plateformes. Pour une génération ayant grandi avec les technologies de l’information, s’informer à travers de ces programmes est tout à fait normal. « Les réseaux sociaux sont un excellent moyen d’intéresser les jeunes à l’épargne-retraite, avance M. Thibeault. Ce sont aussi des produits qui permettent de voir clairement l’incidence des investissements sur l’épargne. On y intègre des outils de planification financière, parce qu’on se rend compte que l’épargne demeure un élément difficile à projeter dans le futur. »

On semble aussi parler de plus en plus souvent de la « ludification », soit le rôle des jeux comme incitatif pour se prendre en main quant à l’épargne. En effet, plusieurs institutions sont en train d’inclure de telles méthodes dans leur offre de produits. La Financière Sun Life affirme que la méthode ludique peut augmenter la capacité d’apprentissage des employés de 40 %. « L’idée de proposer un jeu ludique part du principe où il est important de non-seulement s’intéresser à ses finances, mais aussi de bien les comprendre et d’en retirer tous les avantages possibles. De le faire de façon amusante ne peut qu’être bénéfique à l’ensemble des employés », constate la Sun Life.

Le RVER et les jeunes

À compter de juillet prochain, le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) commencera à entrer en vigueur, pour graduellement s’étendre à des compagnies de plus petite taille au cours des prochaines années. Les employeurs seront alors obligés de cotiser à un régime collectif d’épargne-retraite, pour leurs employés qui y sont admissibles. Ces derniers pourront cotiser sur une base volontaire. Toutefois, ils seront en mesure de cesser le prélèvement sur leur paie, s’ils le désirent.

Pour Sophie Sylvain, c’est une bonne nouvelle. Non seulement s’agit-il d’une occasion pour les jeunes d’épargner en vue de la retraite et d’une bonne façon d’établir des habitudes d’épargne, mais c’est aussi un excellent moyen d’augmenter la rétention des employés. « Le rôle de l’employeur c’est de rendre le RVER attrayant pour les employés, explique-t-elle. Ils doivent mettre l’accent sur le fait que les employés ont intérêt à cotiser eux aussi et qu’ils investissent dans leur avenir. »

Même son de cloche chez Alexandre Lacoste, conseiller financier à la SunLife. « Le RVER va d’autant plus sensibiliser les jeunes à l’épargne puisqu’ils seront automatiquement inscrits, dit-il. Ils devront faire les démarches auprès de leur employeur s’ils désirent se désister et cela suscitera sans doute une réflexion de leur part », observe-t-il.

Selon Carl Thibault, le RVER est un élément majeur qui contribuera à la hausse du taux d’épargne pour la retraite. « Pour les 40 ans et moins, il est urgent de prendre des actions en vue de la retraite, ajoute-t-il. Si on observe l’état actuelle des caisses de la Régie des rentes du Québec et celles d’autres régimes, d’ici au moment où les jeunes d’aujourd’hui prendront leur retraite, leur situation financière n’ira pas nécessairement toujours en s’améliorant, bien que l’on ait vu des résultats positifs au cours de la dernière année. Il est donc important d’intéresser les jeunes à contribuer aux régimes collectifs. »

Place donc à la communication, pour sensibiliser les employés quant aux options d’épargne-retraite offertes au sein de l’entreprise. « Les jeunes ont généralement une belle sensibilisation à l’épargne-retraite. Les chiffres démontrent qu’ils sont plus nombreux à épargner qu’il y a 25 ans. Évidemment, il y a toujours place à l’amélioration, mais c’est encourageant de voir qu’on est sur une pente ascendante », conclut Alexandre Lacoste. Qui sait, ces jeunes vont peut-être finir par écrire un tweet pour se féliciter d’avoir contribué à s’assurer une sécurité financière à la retraite.