Alléchants sur papier, les comptes de soins de santé jouissent d’une popularité somme toute très relative dans la réalité. Entre le manque de compréhension des participants et les lacunes de communication des promoteurs, les défis à relever sont nombreux pour en faire une composante incontournable des programmes d’avantages sociaux.

Lorsqu’elle a mis en place un régime d’assurance collective flexible assorti d’un compte de soins de santé au début des années 2000, la ­Banque de développement du ­Canada (BDC) avait deux objectifs en tête : se doter de moyens pour mieux contrôler la croissance des coûts et offrir plus de flexibilité à ses employés.

« ­La flexibilité est au cœur de tout notre modèle d’affaires, autant dans nos solutions de financement destinées aux entrepreneurs que dans la rémunération globale que nous offrons à nos employés », explique Éric ­Lacroix, directeur, ­Rémunération globale et rendement à la ­BDC.

En « bonifiant l’offre de base en assurance » et en laissant aux participants la possibilité de faire leurs propres choix, le compte de soins de santé figure parmi les éléments qui contribuent au haut degré de satisfaction des employés de la ­BDC envers leur rémunération globale, ­soutient-il.

Or, la société d’État fait partie d’une minorité d’employeurs au pays qui mettent un tel compte à la disposition de leurs employés.

Selon la dernière édition du ­Sondage ­Sanofi ­Canada sur les soins de santé, seulement 32 % des promoteurs indiquent en offrir à leur personnel. Et le simple fait de proposer cette option est très loin de garantir son succès. Pas moins de 14 % des employés qui disposent d’un compte de soins de santé ne l’ont pas du tout utilisé au cours de la dernière année, et ceux qui l’ont fait ont, en moyenne, laissé sur la table 30 % des sommes qu’il contenait.

La tendance est néanmoins à la hausse. Il y a deux ans, plus de la moitié (56 %) des participants possédant un tel compte ne s’en étaient pas servi, tandis que l’utilisation des fonds atteignait à peine 50 %. « ­Les comptes de soins de santé ne sont pas utilisés autant qu’ils pourraient l’être », confirme ­Alexandre ­Timothy, conseiller en assurance et rentes collectives à ­AGA ­Assurances collectives.

Et dans certains cas, cette ­sous-utilisation est ­peut-être volontaire, ­croit-il. « ­Plus les employés utilisent les sommes dans leur compte, plus ça coûte cher au promoteur. C’est pourquoi certains employeurs vont vanter leur compte de soins de santé dans leur processus de recrutement, mais ne vont pas trop mettre d’énergie pour communiquer par la suite. »

Une perception que ne partage pas vraiment ­Nancy ­Lafrance, ­vice-présidente régionale, ­Ventes, ­Assurance collective à ­SSQ ­Groupe financier. « ­Je ne pense pas qu’il y ait des employeurs qui mettent des crédits ­là-dedans en se disant qu’ils vont rester silencieux et ainsi générer des économies qu’ils ne feraient pas avec un régime traditionnel. » ­Elle note par ailleurs des « données d’utilisation moins inquiétantes » à ­SSQ, où la proportion de sommes inutilisées par les participants serait plus près de 10 % que de 30 %.

« ­Je n’ai jamais eu de discussion avec un employeur qui disait vouloir mettre le compte de soins de santé sous le tapis pour ne pas que les employés l’utilisent. Par contre, il y a peu d’employeurs qui vont décider d’augmenter la communication si le taux d’utilisation est faible, nuance ­Charles-Antoine ­Villeneuve, associé, santé et assurance collective chez ­Morneau ­Shepell. Il n’y a pas nécessairement beaucoup d’énergie mise sur les rappels. Quand l’utilisation est stable, le budget est stable, et certains employeurs peuvent se satisfaire de cette ­situation-là. »

Rappels et automatisation
Comme bien souvent dans le domaine des avantages sociaux, la communication est le nerf de la guerre. C’est particulièrement vrai dans le cas des comptes de soins de santé, généralement peu connus et mal compris des employés. Le plus gros problème : les sommes oubliées. En effet, si les employés n’utilisent pas les fonds versés dans leur compte dans les deux ans, ils les perdront.

« ­Les soldes sont disponibles sur le site des assureurs, mais ça demande une action de l’assuré. Pour contrer ça, les promoteurs peuvent se montrer plus proactifs et faire un bilan des fonds qui restent dans les comptes, disons trois mois avant la fin de la période, et envoyer des messages personnalisés aux participants », suggère ­Nancy ­Lafrance.

Au-delà des stratégies de communication plus efficaces, le succès futur des comptes de soins de santé passera par une meilleure intégration avec la portion assurée des régimes. Grâce à des systèmes connectés, le coût résiduel des médicaments achetés en pharmacie pourrait par exemple être automatiquement payé à même les sommes disponibles dans le compte de soins de santé du participant.

« ­Avec une meilleure intégration, on assisterait à une hausse naturelle de l’utilisation des comptes de soins de santé, qui pourrait atteindre pratiquement 100 % à mon avis, indique ­Charles-Antoine ­Villeneuve. Ce serait très efficace dans le cas des petits montants, pour lesquels les participants ne voient pas l’intérêt de remplir un formulaire de réclamation. »

Nancy ­Lafrance mentionne d’ailleurs que cette option est déjà offerte par certains fournisseurs, et invite les promoteurs à se renseigner auprès de leur assureur.

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