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Nos régimes publics ne couvrent qu’une faible partie de l’objectif de remplacement de revenu visé par le travailleur type, et les régimes privés doivent jouer un rôle prédominant. Au cours des dernières années, les régimes publics ont même été réduits, les considérations politiques interférant avec les concepts d’analyse financière, de pérennité et de viabilité à long terme.

De plus, le nombre de régimes à prestations déterminées (PD) sous la surveillance de Retraite Québec ne cesse de diminuer, de 1 200 en 2000 à moins de 800 aujourd’hui. Le nombre de régimes contenant un volet à cotisation déterminée (CD) a presque triplé et est passé à environ 200 régimes.

La popularité des volets CD n’a cessé de croître au fil des années, au détriment des régimes PD. Les règles de financement ou de divulgation comptable applicables à ces derniers ont créé une forte instabilité dans leur coût. Nombre d’employeurs ont fait une priorité de mettre fin à leur régime PD.

À tort ou à raison, les régimes CD sont souvent perçus comme étant sans risque pour l’employeur, l’employé devant assumer tous les risques économiques et financiers en plus de ceux relatifs à sa survie.

Mais un système de type CD ne peut offrir les mêmes avantages qu’un régime PD, que ce soit en matière de gestion de main-d’œuvre, de planification à la retraite ou d’efficacité économique. Les études démontrent que les cotisations à un régime CD doivent être beaucoup plus élevées qu’à un régime PD, soit une augmentation des contributions annuelles de plus de 50 % pour atteindre un même taux de remplacement de revenu à la retraite.

Diverses structures ont été mises en place au cours des dernières années afin de pallier le désavantage des régimes CD, notamment des structures de placements plus diversifiées et moins coûteuses, l’achat progressif de rentes ou encore le concept de prestations variables. Mais les coûts d’opportunité, bien que réduits, demeurent encore très élevés, soit plus de 25 %.

Un régime de retraite à financement salarial (RRFS) est un régime de type PD où la cotisation de l’employeur est déterminée à l’avance et où le risque est entièrement supporté par les participants. Contrairement aux régimes PD traditionnels, les RRFS sont assujettis à des règles de financement clairement définies par la règlementation.

L’élément central de la gestion du risque d’un RRFS se fait par la création d’une importante réserve d’indexation des rentes, qui s’accumule pour garantir une stabilité des coûts et préserver le pouvoir d’achat tant des employés que des retraités. Les simulations démontrent qu’une telle réserve dédiée, de l’ordre de 50 % des cotisations de base, aurait permis de traverser des périodes difficiles comme la crise de 2008.

Certains avaient tendance à trouver un RRFS « trop cher » compte tenu des réserves statutaires exigées, passant sous silence l’utilisation de la réserve dédiée pour indexer les rentes dans une vision économique à long terme et d’équité intergénérationnelle.

Récemment, la mécanique de financement des RRFS a toutefois largement inspiré le législateur. Un consensus est survenu pour le secteur privé quant à l’obligation de créer une réserve de sécurité (qui pourra atteindre 25 %), alors qu’une provision minimale de 10 % est prévue pour le secteur municipal.

Un exemple d’importance en matière de RRFS est Rio Tinto Alcan. La société a toujours indiqué son objectif de mettre fin à sa participation aux régimes PD et de les remplacer par des régimes CD. D’ailleurs, seuls certains groupes syndiqués au Canada ont encore un régime PD pour tous les employés actuels et futurs.

Après plusieurs mois d’échanges et d’analyse, une entente est intervenue en 2015 entre Rio Tinto et ses syndicats québécois, selon laquelle les nouveaux employés participeront non pas à un régime CD, mais à un RRFS.

Cette entente dans le monde de la grande entreprise est une première au Québec. Les parties ont convenu d’un nouveau régime PD dont les modalités, le financement et la gestion du risque leur sont mutuellement acceptables. L’approche retenue démontre également les mérites et l’efficacité inhérente aux régimes PD par rapport aux régimes CD.

Notons que les objectifs ne se limitent pas à trouver des solutions pour « sauver » les régimes PD actuels. Il faut aussi accroitre la couverture des travailleurs à de tels systèmes. À ce titre, les RRFS peuvent remplacer efficacement des régimes CD et des REER collectifs actuellement en place.

Or, compte tenu du faible niveau de couverture des régimes privés au Québec, une amélioration des dispositions du Régime de rentes du Québec demeure souhaitable, voire nécessaire.

Pierre Bergeron est conseiller principal chez PBI Conseillers en actuariat