Vos employés dont la retraite approche savent-ils ce qu’ils feront de leur l’épargne accumulée ? Ont-ils prévu d’ajuster leur stratégie de placements afin de l’aligner à leur stratégie de décaissement ? En tant que promoteur, avez-vous réfléchi à l’encadrement que vous offrez à vos employés afin de leur permettre un décaissement de leur épargne tout en douceur?

La sécurité de la retraite des Canadiens est l’un des grands enjeux d’aujourd’hui, et ce, autant pour les participants que pour les promoteurs de régimes. Sujet qui alimente les débats des spécialistes du domaine et qui fait même régulièrement l’actualité, il a poussé les gouvernements à adopter les Régimes de pension agréés collectifs (RPAC) et le Régime volontaire d’épargne-retraite (RVER), et les institutions financières à lancer une gamme de nouveaux produits de placement axés sur le revenu. Mais, c’est surtout une source de préoccupation pour les travailleurs âgés, de plus en plus nombreux, qui se demandent si leur épargne sera suffisante pour subvenir à leurs besoins jusqu’à la fin de leur vie.

L’Indice de report de la retraite Sun Life 2014 nous apprend que 65 % des personnes qui envisagent de travailler après 65 ans ont l’impression qu’elles le feront par obligation et que seulement 35 % le feront par choix. L’écart entre ces deux groupes ne cesse d’ailleurs de se creuser depuis 2009.

Bien que les régimes à cotisation déterminée (CD) aient évolué au cours des 20 dernières années, principalement à la suite du déclin des régimes à prestations déterminées (PD), l’insuffisance du revenu de retraite demeure un dilemme pour les promoteurs. Sachant que ces régimes représentent pour la plupart des participants du secteur privé la principale source d’épargne-retraite, quel rôle devraient-ils jouer dans la production du revenu de retraite ? Ces régimes doivent-ils comporter un volet « revenu de retraite » ? Et surtout, comment les promoteurs peuvent faire autrement pour aider les participants dans la planification de leur retraite ?

Fournir de l’information sur la préparation à la retraite

Les promoteurs pourraient, dans un premier temps, entamer le dialogue avec les participants âgés sur leurs préoccupations en vue de la préparation de leur retraite. Ils pourraient ainsi répondre aux besoins les plus élémentaires des participants en communiquant avec eux de façon différente – en reconnaissant les problèmes que pose le manque de connaissances financières, peu importe l’âge, et en incitant les participants à agir. Les baby-boomers abattent énormément de travail et sont respectueux de la hiérarchie, mais sont également préoccupés par la planification de leur retraite et ont besoin d’être informés de leurs options de revenu, et ce, bien avant leur départ. En effet, selon un sondage effectué par State Street Global Advisors en 2013, les trois plus grandes préoccupations des participants à ce sujet sont d’avoir des revenus garantis, d’avoir suffisamment de revenus pour leur vie durant et d’avoir accès au capital en cas de besoin, comme en témoigne le graphique ci-dessous.

Les promoteurs peuvent également fournir des conseils en offrant des séminaires axés sur la préretraite ou encore, en facilitant l’accès à une planification financière professionnelle individuelle.

Les promoteurs offrant de tels services en ressortent habituellement gagnants puisque les employés font mieux leur travail quand ils se savent en sécurité à toutes les étapes de leur vie financière. Lorsqu’ils reçoivent de l’aide de leur employeur pour la gestion de leurs placements, ils se sentent aussi davantage appréciés et sont plus motivés.

L’information et les conseils sont deux grands éléments de la préparation à la retraite à privilégier pour une transition harmonieuse de la phase d’accumulation à la phase de décaissement.

Proposer des produits de décaissement

Prenons le cas d’un préretraité de 58 ans qui estime que des placements prudents sont tout indiqués à son âge. Dans cette optique, il doit réduire sa répartition en actions. En renonçant à ces dernières, il se privera toutefois de rendements potentiels importants, particulièrement compte tenu des faibles taux d’intérêt actuels. Pourtant, son épargne doit lui assurer un revenu de retraite pendant de longues années. L’Institut canadien des actuaires vient de publier de nouvelles tables de mortalité basées sur l’expérience canadienne qui reflètent des améliorations futures de l’espérance de vie. Ces tables démontrent que la longévité s’est améliorée beaucoup plus rapidement que ce que les actuaires avaient prévu. Un Canadien de 65 ans vivra en moyenne plus longtemps que son voisin américain (jusqu’à 87,1 ans pour un homme et 89,4 ans pour une femme).

Espérance de vie à 65 ans en 2014

Ancienne table de mortalité
(expérience américaine)

Nouvelle table de mortalité
(expérience canadienne)

Amélioration

Homme

19,8

22,1

2,7 %

Femme

22,1

24,4

2,6 %

Source : Rapport sur la mortalité des retraités canadiens, Fév. 2014

La problématique est que les options d’investissement conçues pour la phase d’accumulation peuvent ne pas tout à fait convenir à la phase de décaissement. En limitant les options, les promoteurs risquent de freiner la production d’un revenu de retraite suffisant pour la vie durant. Une solution consiste à élargir l’offre de placements – et à se montrer tout aussi judicieux dans le choix des produits de décaissement que dans celui des produits d’accumulation. Le domaine des services financiers répond actuellement à ce besoin en lançant toute une gamme de produits innovateurs. Ces nouveaux produits doivent être évalués par les promoteurs de régimes CD, particulièrement dans le contexte de l’évolution démographique. Il existe trois principaux types de produits de décaissement appropriés (voir le tableau à la fin de l’article).

Accès aux placements pendant la retraite

Après avoir établi la gamme de produits de décaissement qu’ils proposeront à leurs employés pendant la période de transition vers la retraite, les promoteurs doivent décider s’ils leur donneront accès aux mêmes options de placement pendant la retraite. Dans bien des cas, les participants se voient obligés de modifier ces dernières lorsqu’ils prennent leur retraite et quittent l’entreprise. Cette exigence laisse malheureusement sous-entendre que le départ à la retraite est le bon moment pour modifier la composition des investissements – ce qui n’est pas forcément le cas et peut même être un message dangereux. En effet, afin d’éviter les ventes précipitées, l’alignement de la stratégie de placement à la stratégie de décaissement devrait plutôt s’opérer graduellement durant la période de transition vers la retraite, d’où l’intérêt de parler de décaissement et d’offrir aux participants des produits adaptés bien avant leur retraite.

La question est la suivante : les promoteurs devraient-ils offrir aux participants le choix de rester dans le régime pendant leur retraite ? Cela leur rendrait certainement la vie plus facile et éviterait de transmettre le message qu’« il est temps de changer ». Tout cela souligne ce que peuvent faire les promoteurs sur le plan du décaissement : ils peuvent aider les participants à comprendre les options de décaissement, ils peuvent offrir des conseils, et ils peuvent proposer des options de revenu – avant et pendant la retraite – associées ou non à des garanties.

Deux écoles de pensée s’opposent quant au dilemme du décaissement. Les tenants de l’accumulation pure et simple estiment qu’une fois que l’entreprise a donné aux participants les moyens de préparer leur retraite, celle-ci n’a pas d’autre obligation envers eux, une fois leurs décisions prises. Ceux qui penchent pour une plus grande intervention estiment que les promoteurs ont une certaine obligation fiduciaire d’aider les participants à préparer leur avenir et, par conséquent, que les régimes CD devraient prévoir la production de revenus stables et durables pendant la retraite.

Faut-il ou non donner un coup de pouce aux participants ? En ne leur proposant pas d’options de revenu, les promoteurs compromettent-ils l’avenir financier des participants ? Et s’ils élargissent leur gamme de produits pour y inclure des produits de décaissement, s’exposent-ils à des critiques si les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes ?

La majorité des promoteurs ne souhaite pas assumer de nouvelles responsabilités fiduciaires. Toutefois, dans les lignes directrices sur les régimes CD publiées le 28 mars dernier par l’Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de retraite (ACOR), les attentes des organismes de réglementation ont été clarifiées à ce sujet, entre autres en ce qui a trait à l’information et aux outils à fournir aux participants qui approchent de leur période de décaissement. Et ils ne sont pas les seuls à être préoccupés par le sort de ces participants. La Société des actuaires a fait paraître en septembre dernier un guide à l’intention des promoteurs de régimes CD les encourageant fortement à offrir des solutions de revenus qui comprennent, en autres, les fonds de revenus de placements.

Individuellement, les promoteurs sont libres d’offrir un encadrement à leurs employés qui sont près de la retraite. Collectivement toutefois, l’industrie des régimes CD se trouve à un point tournant pour ce qui est de favoriser la mise en œuvre de stratégies de décaissement dans le cadre de ces régimes. En effet, compte tenu du vieillissement de la population, les participants s’approchant de leur retraite sont de plus en plus nombreux et leur préoccupation de s’offrir des revenus adéquats à la retraite, surpasse celles rattachées à la phase d’accumulation.

Ceci explique également pourquoi plusieurs représentants et associations de l’industrie des régimes CD s’entendent sur le fait qu’après le déploiement de grands efforts sur la phase d’accumulation, il est maintenant grand temps de se préoccuper de la phase de décaissement. Si le promoteur de régime propose des options de décaissement, accompagnées d’information et de conseils, les participants seront en effet moins inquiets quant à la possibilité de générer des revenus durables à la retraite. Tout le monde y gagne !

PRINCIPAUX TYPES DE PRODUITS DE DÉCAISSEMENT

Une combinaison de ces instruments représente la solution idéale pour la plupart des participants puisqu’elle leur permet un minimum de revenu garanti pour financer leurs besoins de base et un potentiel de croissance pour aussi profiter de leur retraite. Il s’agit simplement de suivre le principe de ne pas tout mettre ses œufs dans le même panier. Évidemment, les besoins particuliers et les autres sources de revenu pendant la retraite entrent aussi en ligne de compte.

Types de produits de décaissement

Caractéristiques

Rentes viagères

(contrats d’assurance classique)

Assurent un revenu régulier garanti en retour d’une prime versée

Peuvent comporter des options, comme la protection contre l’inflation et les prestations de survivant

Éliminent le risque rattaché aux fluctuations des marchés financiers, mais ne présentent aucun potentiel de croissance. Sont irrévocables (aucun accès au capital) mais de nouveaux produits sont constamment lancés et pourraient offrir davantage de souplesse

Produits de retrait minimum garanti

(contrats d’assurance garantissant un revenu viager)

Assurent un revenu régulier garanti en retour de frais de gestion plus élevés

Le capital peut être investi dans une variété de placements (requiert un suivi par les investisseurs qui avancent en âge)

Offrent un potentiel de croissance et une liberté d’accès au capital

Un peu plus complexes à comprendre et le coût de la garantie peut réduire le rendement des placements

Fonds de revenus de placement

(fonds commun axés sur un revenu de placement stable et durable)

Visent un revenu de placement stable et durable provenant de versements d’intérêts et de dividendes

Restent exposés aux risques inhérents aux marchés financiers et, même si les revenus sont prévisibles, ils ne sont pas garantis

Ne sont pas tous conçus de façon identique et ne se comportent pas de la même manière dans les divers marchés

Ceux axés sur d’autres formes de placements à revenu, comme les actions à dividendes, les fiducies de placement immobilier ou les placements liés aux infrastructures, sont plus diversifiés

Requiert un suivi par les investisseurs qui avancent en âge.

Anne Meloche, FSA, FICA est vice-présidente régionale, affaires institutionnelles, Québec et Est du Canada chez Placements mondiaux Sun Life.