Un fonds pour les gouverner tous ?
Cette notion de modèle unique s’avère peut-être le principal inconvénient des stratégies par défaut. « Ce ne sera jamais l’outil parfait pour tout le monde, et il ne prend pas non plus en compte les autres actifs qu’une personne peut posséder », observe Lesley-Ann Morgan, chef mondiale pour les régimes CD chez Schroders.

D’autre part, même les investisseurs les plus aguerris peuvent subir des pertes lors d’un choix inopportun de répartition d’actifs. « Une stratégie par défaut comporte automatiquement un horizon à plus long terme. On aperçoit moins le désir de faire bouger les choses », dit-elle, ajoutant que les stratégies par défaut réduisaient l’incertitude pour les participants. « On paie quelqu’un pour qu’il s’inquiète pour vous ! »

Mme Morgan ajoute toutefois qu’une stratégie par défaut peut aussi affaiblir l’implication – déjà faible – des participants à l’égard de leur épargne-retraite, si ces derniers ne sont pas obligés de prendre des décisions. « Un remède pourrait être des évaluations sur une base régulière de la pertinence du fonds par défaut, précise-t-elle. Pour ce faire, il faut toutefois se questionner sur la capacité des employés de faire un tel exercice, ce qui pourrait demander d’établir de bonnes communications et de l’éducation. »

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De son côté, Shane Ayres souligne l’importance de pouvoir prendre en considération le vieillissement de la population et le fait que des gens restent plus longtemps au travail ou commencent une deuxième carrière. « Quel en est l’impact sur la répartition de l’actif du fonds par défaut ?, se demande-t-il. Les outils doivent être souples et se mettre à jour pour s’adapter aux conditions changeantes des marchés ou aux faibles rendements. »

Alors que la plupart des promoteurs souhaiteront déléguer aux fournisseurs de service la conception du fonds par défaut, Lesley-Ann Morgan observe qu’il y a quelques grandes organisations, avec une philosophie plus paternaliste, qui s’engagent dans le processus. « Au Royaume-Uni, certaines sont allées jusqu’à définir une option par défaut différente pour chacun des divers groupes de la main-d’œuvre, dit-elle. Aux États-Unis, on a pu constater des fonds à date cible taillés sur mesure, ce qui permet d’offrir le professionnalisme des régimes à prestations déterminées dans un contexte CD. La plupart des promoteurs ne voudront pas s’y impliquer autant, mais l’option par défaut constitue un modèle qui peut fonctionner pour tout le monde. »

Cotiser et calculer
Pour Jimmy Carbonnneau, l’un des grands avantages du modèle de fonds par défaut est en effet qu’il permet de recentrer le discours sur le taux de cotisation des participants, qui demeure l’élément clé de la réussite du régime CD. « On laisse la modélisation de portefeuilles aux experts pour se concentrer sur les revenus de retraite et la protection viagère », dit-il.

L’objectif de tout régime de retraite étant de combler les besoins financiers futurs des participants, M. Carbonneau suggère qu’une évolution future des outils d’investissement et des calculateurs de retraite pourrait se construire autour des besoins et du taux de capitalisation du régime. « Il y a des moments clés dans le parcours du participant où il faut maximiser les rendements, mais certains ne pourront pas être aussi audacieux en raison de leur situation particulière, dit-il. Pourquoi ne pas axer un fonds cycle de vie sur la génération d’un revenu pour les participants et investir des actifs en conséquence ? »

Tisser le lien entre les stratégies de placements et les revenus de retraite constituera le prochain pas en avant pour les régimes d’accumulation de capital, affirme Shawn Cohen, qui estime que ce sera une bonne nouvelle pour les participants. « Ils comprendront mieux la notion d’une source de revenus qu’un montant forfaitaire », dit-il. « On tente aujourd’hui de rectifier le tir avec certains enjeux liés aux fonds à date cible, notamment quant à l’idée d’une exposition plus importante en titres à revenu fixe à l’aube de la retraite qui ne correspond pas toujours au contexte du marché, ajoute Lesley-Ann Morgan. Ces fonds sont moins implantés au Canada que dans d’autres marchés. On peut donc éliminer certains éléments négatifs de l’expérience américaine, par exemple, pour offrir un modèle plus avant-gardiste. »

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