Nous assistons depuis plusieurs années maintenant au déclin des régimes à prestations déterminées (PD) en faveur des régimes à cotisation déterminée (CD).

Cette tendance s’explique en grande partie par l’augmentation des coûts et des risques liés aux premiers. De nombreux promoteurs de régimes ­PD cherchent donc à se concentrer davantage sur des secteurs plus stratégiques et rentables de leur entreprise plutôt qu’à gérer les risques du régime. Ainsi, ils se sont tournés vers la seule alternative qui s’offrait à eux, soit les régimes ­CD.

Or, le risque lié à la retraite ne disparaît pas avec la transition vers les régimes ­CD. Il est plutôt transféré aux participants. Alors que dans un régime ­PD les risques sont mis en commun et principalement assumés par l’employeur, dans un régime ­CD traditionnel, les risques sont assumés par les participants.

Les revenus tirés des régimes CD ne correspondent pas toujours aux attentes, d’où l’importance de faire des choix optimaux lors de la période de décaissement et de bien éduquer les participants sur les types d’investissements propices lors de la phase d’accumulation.

En effet, les revenus peuvent différer grandement selon l’évolution de l’économie au cours de la carrière ainsi qu’au moment de la retraite. Il est frappant de constater l’écart du revenu de retraite de deux participants ayant cotisé, par exemple, 8 % de leur salaire pendant 30 ans. Le participant ayant pris sa retraite en 1975 obtient un revenu de 15 % de son salaire tandis que pour le retraité en 2000 ce chiffre s’élève à 55 %.

Les employeurs sont conscients des risques qui pèsent sur les participants des régimes ­CD. D’ailleurs, l’enquête annuelle de ­Morneau ­Shepell sur les tendances en ressources humaines réalisée en 2018 révèle que 73 % des dirigeants ­RH s’inquiètent de la préparation financière de leurs employés en vue de la retraite.

Cependant, il y a peu d’options actuellement disponibles et il serait grand temps de pouvoir mettre en place un régime de retraite à prestations cibles (PC) comme il est permis dans quelques provinces canadiennes. Depuis quelques années au ­Québec, un projet de règlement relativement aux régimes ­PC est prévu pour des employeurs uniques, mais nous avons récemment été informés qu’aucun développement n’a été apporté à ce sujet.

Dans ces régimes, la cotisation patronale est prédéfinie (donc similaire à un régime ­CD) mais les prestations offertes aux participants sont des rentes viagères (donc similaires à un régime ­PD). Les régimes sont financés avec des marges de prudence et, en cas d’insuffisance financière, le niveau des prestations ou les cotisations salariales peuvent être ajustés. Plusieurs régimes ­PC ont été mis en place au ­Nouveau-Brunswick dans les dernières années et les conclusions préliminaires sont encourageantes.

Les diverses parties semblent y avoir trouvé leur compte; le financement adéquat des régimes a permis le paiement total des prestations et la pleine indexation des rentes.

Il est clair que les régimes ­PC représentent une alternative très intéressante pour un promoteur de régime ­PD qui cherche à stabiliser ses coûts, que ce soit sur le plan comptable ou sur celui des déboursés, ou qui envisage de migrer vers un régime ­CD.

En effet, une transition vers un régime ­CD est un revirement complet, alors que passer à un régime ­PC peut permettre d’atteindre les mêmes objectifs tout en offrant des prestations viagères. Les régimes ­PC peuvent également convenir au promoteur de régime ­CD qui considère que ses employés sont soumis à trop de risques individuels : dans un régime ­PC, les risques sont endossés de façon collective.

Ce serait également intéressant du point de vue des participants en raison de la mise en commun des risques, de la longévité et des rendements. Ainsi, les résultats dépendent moins des connaissances financières de chacun. D’ailleurs, il est démontré que les rendements des régimes ­CD sont inférieurs à ceux des régimes ­PD notamment parce que la répartition de l’actif n’est pas optimale, qu’ils n’ont pas accès aux mêmes catégories d’actif et que les frais sont plus élevés.

Les régimes ­PC ne sont pas parfaits et il reste quelques barrières à leur mise en place, notamment certains enjeux quant à la loi de l’impôt. Néanmoins, considérant les options actuelles dont disposent les employeurs, c’­est-à-dire les deux types de régimes « opposés » que sont les ­PD et les ­CD, un régime qui se situe quelque part dans le milieu aurait tout à fait sa place dans le paysage de la retraite québécoise.

Mélissa ­De ­Montigny, ­FICA, ­FSA, est conseillère principale, ­Solutions retraite chez ­Morneau ­Shepell.