Bien avant la pandémie, certains fournisseurs de services s’affairaient déjà à modifier des programmes d’aide aux employés (PAE) trop peu utilisés. La ­COVID-19 a néanmoins accéléré le virage vers des services qui répondent mieux aux besoins actuels des salariés.

Employeurs et assureurs se questionnent depuis longtemps sur les raisons de la sous-utilisation des PAE traditionnels. Avant la pandémie, des projets-pilotes laissaient entrevoir des changements. Les grands bouleversements qu’ont connus les milieux de travail au cours des derniers mois auront accéléré un virage qui s’annonçait nécessaire. Le nouveau visage des PAE mise sur une plus grande flexibilité et une accessibilité plus rapide, tout en préservant un aspect humain.

Les PAE traditionnels remis en question

Stress, burnout, bouleversements familiaux ou difficultés financières sont le lot d’un nombre grandissant d’employés dans de nombreux pays, forçant les employeurs à trouver des moyens de mieux soutenir leurs travailleurs. Dès lors, les PAE sont devenus d’indispensables alliés. Au Canada, ils ont connu une croissance rapide depuis la fin des années 1980.

Cependant, malgré leur essor spectaculaire du point de vue de leur nombre et de leur envergure, force est de constater que leur utilisation demeure faible. Les PAE dits « traditionnels » ne sont utilisés que par 10 % à 15 % des bénéficiaires. « Les PAE ne se sont pas renouvelés et sont assez identiques à ce qu’ils étaient il y a 25 ans, note Hélène Thibault, vice-présidente et responsable de portefeuille, perspectives de marché et rémunération à WSP. Ça n’a pas nécessairement bien suivi le marché. »

Manque de confiance des employés et promotion insuffisante des PAE sont parmi les raisons maintes fois évoquées pour expliquer une utilisation en deçà des attentes. « La stigmatisation de la santé mentale fait aussi partie des préoccupations les plus courantes, souligne Nadège Gousse, directrice principale, succès client à Solutions Mieux- être LifeWorks. Il faut que les employeurs martèlent que les PAE sont confidentiels. »

Depuis plusieurs années, assureurs et employeurs réfléchissent donc à de nouvelles approches. Ils souhaitent, entre autres, que les PAE soient utilisés pour prévenir des problèmes de santé. « Les gens doivent se rendre compte qu’ils ne servent pas qu’en cas de crise et qu’ils permettent de demeurer au meilleur de sa forme, précise Nadège Gousse. Cet aspect très important est souvent négligé. »

«Les PAE ne se sont pas renouvelés et sont assez identiques à ce qu’ils étaient il y a 25 ans. Ils n’ont pas nécessairement bien suivi le marché. »

 – Hélène Thibault, WSP

Une ère de bouleversements et de changements

Ces derniers mois ont été marqués par d’importantes acquisitions, comme le rachat d’Optima Santé globale par Dialogue, et le lancement de nouvelles plateformes dans le monde des assurances collectives. Parallèlement, le milieu des ressources humaines a revu le fond et la forme que revêtaient les PAE pour proposer des solutions innovantes, susceptibles de mieux répondre aux besoins des employés de 2021. Parmi ces changements, Morneau Shepell a fait l’acquisition, en 2018, de l’entreprise LifeWorks afin de proposer à ses clients une plateforme web consacrée au bien-être.

La tendance est au regroupement d’une panoplie de services de plus en plus diversifiés, comme l’accès à des rabais pour des abonnements à un centre d’entraînement physique. « La portée des PAE s’étend, explique Nadège Gousse. Il est plus important que jamais d’avoir un guichet unique incluant par exemple la télémédecine et la mise en forme en ligne. »

L’approche intégrée est particulièrement appréciée par les employés. « Parfois, l’individu vit une détresse en lien avec un souci financier et souhaite donc l’aide d’une personne qui portera un regard sur son budget, explique Paméla Bérubé, conseillère en ressources humaines agréée et présidente de PB Dimension RH. L’approche intégrée permet, en un appel, d’avoir accès à une panoplie de ressources. »

62 %
des promoteurs d’avantages sociaux canadiens offrent un PAE. » 


35 %

d’entre eux ont observé une hausse de l’utilisation au cours de la dernière année, contre seulement 


7 %

qui ont plutôt constaté une diminution 


14 %
ont investi davantage dans leur PAE au cours de l’année écoulée 

Source : Sondage Benefits Canada sur les soins de santé 2021


Une flexibilité nécessaire

Plusieurs gestionnaires optent également pour une plus grande flexibilité dans l’offre de services, particulièrement en santé mentale. « Le PAE est souvent défini par un service à court terme, par exemple de quatre à six visites chez un spécialiste, explique Hélène Thibault. Mais tout le monde sait qu’en santé mentale le besoin n’est pas nécessairement précis et ce qui peut sembler être un besoin à court terme peut s’avérer un besoin à plus long terme. Or, le PAE couvre seulement le court terme, ce qui est un gros manque ! »

UN MARCHÉ EN ÉBULLITION

2017
En un an, Morneau Shepell fait l’acquisition de Solareh, Longpré et Groupe Pro Santé, trois fournisseurs de PAE basés au Québec.

Juillet 2018
Morneau Shepell fait l’acquisition du fournisseur international de PAE et de services de mieux-être LifeWorks. En mai 2021, Morneau Shepell change de nom pour LifeWorks.

Octobre 2020
Le fournisseur de soins de santé virtuels Dialogue fait l’acquisition d’Optima Santé globale, qui est alors le troisième plus important fournisseur de PAE au Canada derrière Morneau Shepell et Homewood Santé.

Janvier 2021
Dialogue lance sa plateforme de santé intégrée incluant soins de santé virtuels, programmes de mieux-être et PAE.

Avril 2021
Le service de soins de santé virtuels de Telus Santé intègre le PAE Parcours de vie d’EQ Care, firme acquise par Telus Santé quelques mois plus tôt.


C’est ce constat qui a inspiré une approche plus flexible à WSP et à d’autres employeurs. « Pendant la pandémie, on a connu une hausse importante des appels téléphoniques liés à des détresses psychologiques, explique la présidente de PB Dimension RH. C’est là qu’on s’est demandé si on répondait adéquatement aux besoins et qu’on a sondé nos clients actuels et anciens. »

« Le manque de flexibilité ressortait beaucoup, ajoute Paméla Bérubé. Le fait que l’employé ne puisse pas poursuivre un suivi en cours parce qu’il a déjà utilisé toute sa banque d’heures achetées par l’employeur s’avérait problématique. »

«La portée des PAE s’étend. Il est plus important que jamais d’avoir un guichet unique incluant par exemple la télémédecine et la mise en forme en ligne. »

 – Nadège Gousse, LifeWorks

La nouvelle formule proposée par la firme depuis un an permet à l’employeur d’acheter des blocs d’heures. L’entreprise peut donc faire l’achat de 50 heures pour l’année et peut suivre l’utilisation en temps réel grâce à un rapport mensuel que nous lui envoyons. Elle a donc la possibilité, à tout moment, d’ajouter des blocs d’heures. » Cette formule a également permis à de petites entreprises de se doter d’un PAE, même si elles n’offrent pas d’assurance collective à leurs employés. « Après un an, nous avons plus de 3 000 utilisateurs, constate Paméla Bérubé. On s’attendait à toucher essentiellement des PME, mais, finalement, même les grandes entreprises ont été séduites par la formule ! »

Et la pandémie n’aura pas eu que des effets négatifs, puisque Nadège Gousse constate aussi un changement positif dans les conversations à propos de la santé mentale. « De nombreux employeurs canadiens sont plus à l’aise de parler du mieux- être mental, ce qui augmente le nombre de ressources et d’outils mis à la disposition des employés et, dans certains cas, amène des changements de politique complets visant à prioriser le mieux- être physique et mental. »

Une accessibilité accrue

Outre la flexibilité, l’accessibilité figure aussi parmi les frustrations évoquées par les bénéficiaires de PAE. Les temps d’attente pour avoir accès à un traitement ou à une autre forme de soutien au bien-être arrivent souvent en tête de liste. « Dans le monde numérique d’aujourd’hui, les Canadiens
se sont habitués à la vitesse et à la facilité d’emploi de tous les services qu’ils utilisent et abandonnent ceux qui ne sont pas facilement accessibles, note Nadège Gousse. En facilitant l’accès au soutien en santé mentale grâce à divers modes de service, les employés peuvent choisir celui qui convient le mieux à leurs besoins, que ce soit en personne, par vidéoconférence, par téléphone ou par clavardage. »

Les employés qui utilisent le PAE fourni par leur employeur vivent moins de détresse psychologique, de symptômes de dépression et d’anxiété que leurs collègues qui n’y ont pas recours, a conclu une étude publiée en 2019 dans le Journal of Workplace Behavioral Health. Ces travailleurs sont également moins susceptibles de faire du présentéisme, plus productifs et plus satisfaits de la vie en général.


Des services en ligne… mais humains !

Désormais, les PAE ne peuvent échapper aux services virtuels, puisque la pandémie a accéléré leur déploiement et a créé des attentes de la part des utilisateurs. « La téléconsultation est très appréciée, parce que les gens ont l’impression d’avoir un gain de temps, mentionne Paméla Bérubé. Ils ne sont pas obligés de faire de la route pour aller à un rendez-vous. »

«Les personnes qui ont accès à notre application mobile l’apprécient, mais dans les faits elles prennent leur téléphone et appellent. Elles veulent parler à un humain ! »

 – Paméla Bérubé, PB Dimension RH

À LifeWorks, la consultation par vidéoconférence fait partie du PAE depuis dix ans. « Le conseil par clavardage s’est ajouté quelques années plus tard, puis la thérapie cognitivo- comportementale en ligne a suivi, relate Nadège Gousse. « L’utilisation de ces modes de service a explosé durant la pandémie et cette tendance se poursuivra. De plus, l’accès par voie numérique à du soutien en matière de mieux- être est devenu essentiel. Les employés peuvent obtenir le type et le niveau de soutien dont ils ont besoin en tout temps. Tous n’ont pas à parler à un professionnel. La plateforme numérique offre une expérience précieuse qui aide les gens à personnaliser leur plan d’action. »

Paméla Bérubé croit néanmoins que, même s’ils préfèrent un service virtuel, les utilisateurs souhaitent parler à des êtres humains. « Les personnes qui ont accès à notre application mobile l’apprécient, mais dans les faits elles prennent leur téléphone et appellent, explique-t-elle. Elles veulent parler à un humain ! » À cet effet, Hélène Thibault croit que le virtuel ne doit pas complètement remplacer la visite traditionnelle. « Ce n’est pas nécessairement pour tout le monde, dit-elle. C’est encore essentiel d’offrir des options en personne. »

Les nouvelles formules de PAE montrent déjà non seulement une plus grande satisfaction des employés, mais aussi une rentabilité pour les employeurs.

« Notre enquête a révélé qu’en 2020 l’investissement dans un PAE a produit un rendement du capital investi de 3 pour 1 dans les petites entreprises, de 5 pour 1 dans les moyennes entreprises et de 9 pour 1 dans les grandes entreprises, indique Nadège Gousse. Les résultats ont également montré des économies de coûts variant de 2 000 $ à 3 500 $ par employé attribuables à la réduction du présentéisme et de l’absentéisme. L’évolution des PAE que nous observons est particulièrement opportune dans le contexte actuel de pénurie de main-d’oeuvre. »


• Ce texte a été publié dans l’édition de novembre 2021 du magazine Avantages.
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