Bien que la crise économique ait atténué temporairement les problèmes de pénuries de main-d’œuvre, les entreprises y font de nouveau face. Déjà, dans plusieurs secteurs de l’économie, les difficultés de recrutement et de rétention de la main-d’œuvre s’aggravent. Des pénuries surgissent de nouveau.

Dans un sondage de la Fédération des chambres de commerce du Québec,mené auprès de plus de 300 responsables des ressources humaines ou des cadres supérieurs d’entreprises de 10 employés et plus, les deux tiers des entreprises (67 %) affirment avoir des problèmes de main-d’œuvre actuellement, alors qu’elles étaient 84 % en 2008, il y a là un sérieux problème. La démographie ne s’est pas améliorée ces deux dernières années et il faut donc se méfier des illusions.

La FCCQ a commandé un second sondage depuis celui de 2008, afin de voir l’évolution de la perspective des entreprises sur le phénomène. Étant donné que le même type d’échantillon et le même questionnaire ont été employés lors d’un exercice identique il y a deux ans, les données recueillies illustrent très bien que les échantillons 2008 et 2010 sont statistiquement comparables.

« La crise économique dont nous sortons tranquillement a peut-être atténué l’impression que nos entreprises sont en pénuries de main-d’œuvre et ainsi dopé la réalité, mais en somme, cela ne devrait pas occulter l’enjeu de la main-d’œuvre qui est d’ordre structurel », affirme Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la FCCQ.

Ce constat se précise quand on relève que ce sont 38 % des entreprises en 2010 qui indiquent subir les effets négatifs des pénuries de main-d’œuvre sur leur chiffre d’affaires. « A priori, ça peut sembler acceptable quand il est question d’augmentation des coûts de production, des relations avec les clients ou des projets d’expansion, mais c’est franchement inquiétant quand on constate que ça signifie aussi la perte de contrats ou la limitation dans les soumissions que les entreprises acceptent de faire », renchérit Mme Bertrand.

La pénurie de travailleurs hautement spécialisés frappe très dur hors des grands centres, car ce sont 38 % des entreprises qui disent vivre ce problème alors qu’à Montréal c’est 14 % et 19 % à Québec.

Par ailleurs, les données recueillies indiquent que de tous les secteurs d’activités, ce sont les entreprises manufacturières qui souffrent le plus d’un manque de travailleurs spécialisés, et ce, surtout en région. Or, ce sont ce type de travailleurs qui permettent aux entreprises manufacturières de demeurer compétitives et productives face à la concurrence. «Ainsi, l’adéquation est simple à faire pour prouver que c’est l’ensemble de l’économie québécoise qui souffre des pénuries de main-d’œuvre si nos entreprises perdent du terrain face aux autres marchés », souligne Anne-Marie Hubert, présidente du comité éducation de la FCCQ.

Un timide changement de cap
La crise économique a aussi amené l’apparition de certains comportements chez les employeurs face aux pénuries de main-d’œuvre. Des mesures comme la création de partenariats avec les institutions publiques ou privées d’enseignement sont passées de 50 % en 2008, à 61 % en 2010, de même que l’augmentation des budgets de formation est passée de 64 % à 72 % de 2008 à 2010. Cela est encore trop faible, mais c’est de bon augure lorsque les entreprises elles-mêmes reconnaissent que le problème de pénurie de main-d’œuvre ne se résorbera pas de lui-même.

Les entreprises semblent néanmoins vivre dans une optique trimestrielle alors qu’elles devraient faire preuve d’une plus grande vigilance. La récession est peut-être derrière nous, mais ce problème conjoncturel n’a certainement pas fait disparaître le problème structurel des pénuries de main-d’œuvre auxquels nous faisons face. D’où la pertinence des axes d’intervention des pistes évoquées telles que l’accroissement de la productivité, la formation continue, le prolongement de la vie active, la rétention des nouveaux travailleurs et un meilleur accueil de l’immigration.