La majorité des investisseurs de la planète tiennent compte de critères liés à l’investissement responsable pour effectuer leurs placements, même si « des divergences d’opinions persistent » à ce sujet entre Nord-Américains et Européens, selon un sondage mondial publié hier par RBC.

Intitulée Responsible Investing: The Evolution of Ownership (Investissement responsable : l’évolution de la propriété, en anglais seulement), cette enquête d’opinion montre que plus des deux tiers (67 %) des investisseurs institutionnels tiennent compte de critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans leur approche de placement, et que 25 % d’entre eux prévoient même accroître au cours des prochains mois la part d’actif confiée à des gestionnaires adoptant des stratégies axées sur ces critères.

Même si ces résultats semblent indiquer que l’investissement responsable est devenu chose courante, le sondage révèle toutefois « l’existence de perceptions nettement différentes des investisseurs, selon qu’ils sont au Canada, aux États-Unis ou en Europe, à l’égard de l’application des critères ESG », souligne RBC. Ainsi, alors que 85 % des sondés européens se disent prêts à intégrer « de façon importante » ou « quelque peu » l’analyse fondée sur ces critères à leur approche d’investissement, cette proportion n’est que de 73 % au Canada et elle tombe à seulement 49 % chez nos voisins du Sud.

L’approche « responsable » comme outil de placement

De plus, leurs opinions « diffèrent largement en ce qui a trait à la capacité d’atténuer le risque et d’accroître le rendement d’un portefeuille au moyen d’une analyse des facteurs ESG », ajoute la banque. En effet, certains investisseurs prévoient augmenter leur participation à des stratégies axées sur les critères « responsables » à court terme, tandis que d’autres choisissent d’attendre, car il se disent peu convaincus de la valeur de cette approche, en plus d’être « insatisfaits des données disponibles sur le rendement des sociétés s’appuyant sur ces critères ».

À lire : Ce court-termisme qui gangrène les marchés

Le sondage constate aussi qu’il existe un « vaste désaccord » entre les investisseurs quant au rôle que devraient jouer les actionnaires, les groupes sectoriels et les autorités de réglementation pour « améliorer la communication d’information de la part des sociétés ainsi que la mise en œuvre de changements touchant des questions comme la diversité des genres au sein des conseils d’administration ». Selon RBC, la principale raison (51 %) avancée par les investisseurs n’intégrant pas l’analyse fondée sur les critères ESG est « le manque d’exigences sur ce plan de la part de leur conseil d’administration ». Les autres raisons les plus fréquemment citées sont « l’imprécision de la proposition de valeur », ainsi que « la préférence prépondérante pour l’analyse financière ».

Fait intéressant, souligne l’institution financière, les raisons inverses ont été citées par les répondants qui ont au contraire adopté une approche « responsable ». « Ils le font en raison de la proposition de valeur claire qu’elle offre, de leur préférence pour l’utilisation de multiples facteurs d’analyse dans le processus de placement, et de leur volonté de respecter le mandat clair donné par leur conseil d’administration ou les directives de placement ».

Mauvaise qualité de l’information transmise

L’enquête relève par ailleurs que près du tiers (32 %) des répondants à l’échelle mondiale indiquent ne pas considérer l’utilisation des facteurs ESG comme un moyen d’atténuer le risque pour leurs portefeuilles, tandis que 20 % des sondés sont dans l’incertitude sur ce plan. En outre, 46 % des investisseurs interrogés estiment que le fait d’avoir recours à des critères « responsables » ne les aidera pas à accroître le rendement de leurs placements, tandis que 30 % n’ont pas d’opinion à ce sujet. À noter que si 21 % des répondants canadiens pensent que les facteurs ESG représentent un moyen d’obtenir de meilleures performances, plus du double (41 %) reconnaissent n’en rien savoir.

Si les investisseurs mondiaux restent divisés quant à l’intérêt réel des critères ESG en matière de placement, il est un domaine où ils sont d’accord : la mauvaise qualité de l’information. En effet, dans toutes les régions visées par le sondage, la majorité de ceux qui emploient cette approche se disent insatisfaits des données qui leur sont transmises par les sociétés. Seule différence : alors qu’aux États-Unis et au Canada les investisseurs préfèrent laisser aux actionnaires le soin de proposer des moyens d’améliorer la communication, leurs homologues européens, eux, préfèrent que ce changement soit imposé par les organismes gouvernementaux de réglementation.

À lire : La finance responsable en pleine expansion au Québec

Le sondage observe d’autres différences entre les investisseurs institutionnels et experts-conseils canadiens et ceux des États-Unis et d’Europe. Ainsi, malgré le fait que les opinions des répondants canadiens à l’égard de l’application des critères « responsables » soient plus proches de celles des Européens que de celles des Américains, RBC note que les investisseurs au pays « ne semblent pas prêts à accélérer sensiblement leur adoption de stratégies fondées sur les principes ESG, à court terme ». Résultat : seuls 14 % d’entre eux prévoient augmenter en 2018 la part d’avoirs confiés à des gestionnaires d’actif intégrant ces principes à leur processus de placement. À titre de comparaison, cette proportion est de 49 % sur le Vieux Continent, et de 25 % chez nos voisins du Sud.

Le rôle clé des experts-conseils au Canada

Enfin, l’enquête de RBC révèle l’existence de « différences notables » entre le Canada et le reste du monde en ce qui concerne le rôle des experts-conseils. Beaucoup plus que leurs pairs d’autres pays, les experts-conseils canadiens indiquent en effet que ce sont eux qui amorcent avec leurs clients propriétaires d’actif les discussions sur les principes ESG (28 %, comparativement à 8 % aux États-Unis et à 9 % en Europe). De même, 60 % d’entre eux affirment que ces discussions sont entamées autant par eux que par leurs clients, soit une proportion nettement plus élevée qu’ailleurs.

« Au Canada, tout comme aux États-Unis et en Europe, la question que posent le plus fréquemment les clients à leur conseiller en placement, au sujet des principes ESG, vise à savoir si une approche fondée sur ces principes aura une incidence négative sur le rendement. Ce fait indique un niveau élevé d’intérêt, de curiosité et d’incertitude à l’égard de l’investissement responsable. Dans le marché actuel, les gestionnaires d’actif peuvent utiliser l’analyse fondée sur les critères ESG afin de créer une valeur ajoutée pour les investisseurs. Pour ce qui est des experts-conseils, des occasions s’offrent à ceux qui sont en mesure de conseiller leurs clients à ce sujet », conclut Andrew Sweeney, gestionnaire de portefeuille institutionnel à RBC Gestion mondiale d’actifs.

Les données contenues dans le rapport reposent sur un sondage en ligne que RBC a réalisé en juillet et août derniers auprès de 434 propriétaires de fonds institutionnels et d’experts-conseils en placement au Canada, aux États-Unis et en Europe.

À lire : Climat : les investisseurs institutionnels réclament plus de transparence