En milieu de travail, les atteintes cognitives liées à la consommation de marijuana inquiètent certains employeurs, surtout si l’employé qui en consomme occupe une fonction à risque. ­Pierre-André ­Dubé reconnaît que la consommation de cannabis ne peut être recommandée à des employés du transport routier ou des conducteurs de machinerie lourde.

« ­Une ­méta-analyse parue en 2016 concluait que le risque d’accident de la route est multiplié de 1,2 à 1,4 après la consommation de cannabis seul, mais il est multiplié par 7,5 après la consommation d’alcool, ­indique-t-il. Une étude sur le sujet a permis de constater une diminution de l’attention du conducteur, une diminution de sa capacité de jugement, une augmentation du temps de réaction et une augmentation du temps de freinage. »

En dehors de la conduite automobile, le pharmacien précise toutefois qu’il n’existe « aucune preuve suffisante pour étayer ou réfuter qu’il y a une association entre la consommation de cannabis et des accidents de travail ou des risques professionnels ».

Caroline ­Lavoie rappelle par ailleurs que certains médicaments peuvent également altérer les fonctions cognitives d’une personne. « ­Le véritable piège, en milieu de travail, serait de cibler le cannabis trop spécifiquement », ­dit-elle.

Un devoir d’accommodement
S’il est important de bien informer les employeurs quant aux risques et bénéfices liés à la consommation de marijuana, il importe aussi de leur rappeler leurs obligations. « L’employeur doit prendre les mesures appropriées pour protéger la santé, la sécurité et la dignité des employés, indique ­Me ­Rébecca ­Laurin, de la firme ­Melançon, ­Marceau, ­Grenier et ­Sciortino. À cela s’ajoute l’obligation d’accommodement. » ­Ainsi, lorsqu’une personne se voit prescrire du cannabis médical, l’employeur doit analyser la situation afin de déterminer la présence éventuelle d’une contrainte excessive.

« ­Permettre à un chauffeur d’autobus de consommer de la marijuana thérapeutique serait une contrainte excessive, par exemple », explique ­Me ­Laurin. « ­Dans certains cas, l’employeur pourrait attribuer des tâches différentes à son employé ou modifier son horaire en fonction de sa consommation de cannabis médical », ajoute ­Caroline ­Lavoie.

Par ailleurs, en vertu du droit au respect de la vie privée, les employeurs ne peuvent pas soumettre les employés d’une entreprise à des tests de dépistage. « ­Lors d’une décision rendue en 2007, la ­Cour d’appel du ­Québec a indiqué qu’il existe trois situations dans lesquelles il est justifiable d’imposer des tests de dépistage à des employés : si l’employeur a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne a les capacités affaiblies par l’alcool ou la drogue, à la suite d’un accident important et lorsqu’une personne a eu plusieurs absences liées à la consommation d’alcool ou de drogue. »

Néanmoins, les tests de dépistage du cannabis ne sont pas aussi précis que les alcootests. « ­On peut obtenir un résultat positif alors que la personne a fumé chez elle trois jours plus tôt », indique ­Me ­Rébecca Laurin. En effet, les données obtenues nécessitent une interprétation. ­Pierre-André ­Dubé recommande plutôt de procéder à des tests psychocognitifs et des examens physiques. « ­Les tests urinaires ne donnent aucune information pertinente, ­dit-il. Cela indique que l’employé a consommé du cannabis, mais cela ne dit pas quand. »

Informer les employés
Caroline ­Lavoie croit que les assureurs et les employeurs devraient surtout miser sur une bonne communication avec les employés pour les sensibiliser à l’importance de ne pas avoir de facultés affaiblies au travail. « ­Les employeurs ont un devoir de prévention, ­indique-t-elle. Avec la légalisation prochaine du cannabis, il va falloir informer les employés sur les effets et les risques du cannabis sur la santé, et sur la prévention des dépendances. »

La légalisation prochaine du cannabis récréatif suscite de nombreuses questions dans les milieux de travail. « ­Il faudra faire attention de ne pas stigmatiser ou discriminer certains employés qui consomment de façon récréative en dehors des heures de travail, conclut ­Mme Lavoie. Cela peut sembler évident, mais dans tout milieu de travail, plusieurs générations, valeurs et idéologies se côtoient. Il peut être difficile pour certains de changer de lunettes du jour au lendemain et d’adopter une attitude neutre par rapport à une substance qu’ils associaient à la criminalité. De là l’importance du dialogue et de la prévention en entreprise. »

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