Le présentéisme a été le sujet de nombreuses études scientifiques, au Canada et aux États-Unis. Voici un aperçu de certaines d’entre elles.

Études américaines :

Aux États-Unis, les promoteurs de régimes, qui financent à 100% les frais médico-hospitaliers, connaissent depuis longtemps l’importance d’encourager les saines habitudes de vie des employés, à la fois au travail et hors du travail.

Dans son enquête de 2011, Making Health the CFO’s Business, l’organisation de recherche américaine Integrated Business Institute (IBI) a évalué le «coût d’opportunité» de chaque journée de travail perdue (c.-à-d., ventes perdues, échéanciers manqués, diminution de la qualité des produits et services, heures supplémentaires, réduction de la satisfaction des employés, taux de roulement élevé) à des montants de l’ordre de 26 % à 41 % de la masse salariale de l’entreprise.

En 2002, une étude commanditée par Lockheed Martin auprès du Tufts New England Medical Center à Boston, la première en son genre et qui a depuis été répétée et validée plusieurs fois, a porté sur 28 conditions médicales allant de bénigne à grave. Les chercheurs ont constaté que même les employés souffrant de malaises mineurs connaissaient des sous-performances et pertes de productivité au travail.

Conditions communes

Fréquence sur une population

Perte de productivité moyenne

Dermatite / affections de la peau

16 %

5,2 %

Arthrite et conditions musculo-squelettiques

19 %

5,9 %

Lombalgie chronique

21 %

5,5 %

Asthme

6,8 %

5,2 %

Rhinite allergique

59,8 %

4,1 %

Reflux gastro-intestinal

15 %

5,2 %

Migraines et maux de tête

13 %

4,9 %

Dépression

14 %

7,6 %

Source: Harvard Business Review 2004 – Presenteeism – “At Work But Out of It” – Paul Hemp

Dans l’étude “Use of a Normal Impairment Factor in Quantifying Avoidable Productivity Loss Because of Poor Health” JOEM 2009, Riedel et al. démontrèrent que:

  • Un facteur de perte de productivité « normal » a été mesuré à 3,4%. C’est-à-dire qu’un employé même en excellente condition médicale a une perte productivité « plancher » moyenne de 3,4%.
  • Un niveau élevé de stress chez un employé cause une perte de productivité moyenne de 10,1%, tandis qu’un bas niveau de stress de stress endigue la perte de productivité à 5,3%

De même en 2012, Molmen, Barger et Fabius du Change Agent Work Group présentèrent les travaux du Dr Ronald Kessler, en quantifiant l’impact de diverses conditions médicales de haute fréquence, faible gravité (dites communes) sur la productivité. Kessler observa que les cinq premières conditions (dépression, fatigue, troubles du sommeil, maux de dos/cou et allergies) provoquent 50% de la perte de productivité de l’ensemble de ces conditions.

Contribution à la perte de productivité
Dépression13,2 %
Fatigue12,8 %
Problèmes de sommeil8,2 %
Maux de dos/cou7,8 %
Allergies7,2 %
Anxiété6,1 %
Obésité5,3 %
Douleur chronique5,2 %
Autres problèmes émotionnels4,3 %
Arthrite4,3 %
Les cinq conditions les plus communes représentent 50 % des pertes de productivité
Source : IBI

Études canadiennes :

Nous serions tentés de penser que la situation américaine diffère de celle du Canada parce que ce sont les entreprises qui, là-bas, supportent les coûts médicaux et hospitaliers vu l’absence d’un régime universel. Récemment pourtant, plusieurs études canadiennes ont également abouti à des conclusions similaires :

En 2010, une étude menée par la Commission de Santé mentale du Canada révéla que :

  • Environ 20 % des travailleurs souffrent d’une maladie mentale altérant potentiellement leur productivité;
  • Les adultes en début et au plus fort de leur carrière sont les plus touchés par les problèmes de santé mentale;
  • Les entreprises canadiennes ont subi plus de 6,3 milliards de dollars en perte de productivité due à l’absentéisme, au présentéisme et au roulement du personnel en 2011;
  • Les problèmes de santé et maladie mentale représentent environ 30% des réclamations d’invalidité à court et à long terme.

En 2012, le Conference Board du Canada a publié l’étude «Justifier les investissements dans la santé et le mieux-être au travail ». En s’appuyant sur une vaste revue de la littérature ainsi qu’une une ambitieuse série d’entrevues réalisées pour 10 études de cas approfondies auprès d’employeurs de tailles et de secteurs variés, cette étude conclut que les pertes de productivité dues au présentéisme représentent un coût plus élevé que celles dues a l’absentéisme. Le Conference Board ajoute que i) « bien qu’un tiers des employeurs mesurent les résultats de ces programmes de mieux-être, moins de 1% analysent leur rendement de façon rigoureuse » , ii) « les coûts résultant des pertes de productivité chez les travailleurs atteints de maladies chroniques, physiques ou mentales sont de près de 400% supérieurs à ceux encourus pour traiter les maladies elles-mêmes », et iii) « les troubles physiques et mentaux non soignés engendrent des coûts directs faibles pour l’employeur, mais ils occasionnent une importante perte de productivité. Ils ont des incidences à la fois sur la quantité de travail (p. ex. un rythme de travail plus lent) et sur la qualité (p.ex. un plus grand nombre d’erreurs). Les maladies non traitées peuvent représenter une source de déconcentration permanente, mais indétectable et onéreuse pour une organisation. »

En 2013, les professeurs Alain Marchand et Pierre Durand de l’école de relations industrielles de l’Université de Montréal ont mené l’étude « SALVEO ». Au moyen d’un sondage de près de 300 questions, ciblant 2 100 employés de 63 entreprises et organisations diverses, ils ont identifié et comparé l’impact de l’incidence de la détresse psychologique, la dépression et l’épuisement professionnel (burnout) sur les entreprises. L’Étude SALVEO fut la première à comparer les résultats de questionnaires comportementaux à des mesures physiologiques au sein d’une population active.

Leurs conclusions générèrent les points suivants :

  • Les troubles de santé mentale, même ceux que l’on associe au milieu de travail, tel que le burnout, ne prennent pas leur source uniquement en entreprise;
  • Une bonne différenciation des facteurs déclencheurs propres à certains troubles de santé mentale, associée à un diagnostic bien documenté, permettra de concentrer les efforts et les ressources au bon endroit de manière à répondre aux problématiques les plus urgentes dans l’entreprise.
  • Les pratiques de gestion déployées doivent viser à prévenir la supervision abusive;
  • L’un des éléments les plus significatifs, tant pour l’épuisement professionnel que pour la détresse psychologique et la dépression, réside dans la conciliation travail-famille;
  • Une approche globale et intégrée en santé et mieux-être favorise des changements réels par l’entremise de mesures concrètes. En plus de façonner un climat sain, elle permet d’avoir un effet positif sur les résultats de l’entreprise, notamment en i) favorisant une diminution de l’absentéisme, du présentéisme et de l’invalidité, ii) augmentant la productivité, iii) aidant à un meilleur contrôle des coûts des soins de santé et des régimes d’assurance collective et iv) permettant d’attirer et retenir les meilleurs talents ».

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