Pour le profane, à première vue, tous les téléviseurs à écrans plats se ressemblent. Des appareils minces, un design intéressant, la possibilité d’y connecter la plupart de ses appareils électroniques et une belle image à haute définition. Ah, mais voilà : c’est ce que le profane ne réalise pas qui fait la différence entre ces téléviseurs. Plasma, ACL ou DEL ? Définition à 720p ou 1080p ? Deux ou six entrées HDMI pour y brancher ses appareils ? Accès internet sans fil ou non ?

À première vue, le Régime de pension agréé collectif (RPAC) et son projet de pendant québécois, le Régime volontaire d’épargne-retraite (RVER, vraisemblablement reporté suite aux dernières élections provinciales) risquent de ressembler plus aux téléviseurs vendus chez votre quincaillier préféré qu’à une version d’entrée de gamme d’une grande marque vendue dans un magasin spécialisé en électronique.

Le prix à tout prix

L’un des éléments phares des RPAC est l’exigence d’une tarification très faible pour les participants. Les gouvernements font l’hypothèse que des frais plus faibles augmenteront la participation dans les régimes collectifs de retraite – une hypothèse farfelue, puisque la grande majorité des employeurs et employés de la population visée (PME, travailleurs autonomes) n’a aucune idée des frais de gestion de ces produits. Le niveau des frais n’est donc pas ce qui empêche une PME à mettre en place un REER collectif, par exemple.

Cela étant, le niveau des frais de gestion dans un régime d’épargne-retraite demeure très important, et la population visée par le RPAC paie pour l’instant beaucoup plus cher que les employés participant à de grands régimes (un écart pouvant aller de 1% à 2 % – voire plus ! – de la valeur des épargnes accumulées, annuellement !). En revanche, à devoir absolument réduire les coûts, les fournisseurs de ses régimes (traditionnellement des assureurs, mais de nouveaux joueurs feront leur entrée dans ce marché) doivent ajuster leur offre de services, ce qui viendra en réduire la qualité et les bienfaits escomptés pour les participants. Ainsi, sur la base de discussions avec nombre de fournisseurs de ce secteur, l’on constate que :

  • Pour permettre de servir un grand nombre de participants avec de petits comptes, le modèle qui sera mis en place misera presqu’exclusivement sur la technologie (sites Web, vidéos en ligne, centre d’appels). Exit donc les présentations d’employés et la possibilité de s’asseoir avec un représentant sur les lieux de travail, ce qui est dommage, sachant que rien n’équivaut à l’interaction avec un être humain en chair et en os pour bien comprendre des concepts peu familiers. Ces services pourraient être disponibles « à la carte », mais devront être facturés à l’employeur… lequel vraisemblablement refusera;
  • Le niveau des frais viendra également exclure la possibilité de rémunérer (par le biais de commissions, une pratique actuellement très courante) un conseiller qui aurait pu prendre le relais en matière de service aux participants;
  • Les options de placement seront pratiquement limitées à des fonds indiciels (c’est-à-dire, se limitant à répliquer les rendements d’indices boursiers), la gestion active où une équipe de gestionnaires essaie de surpasser ces indices et viennent limiter la volatilité des fonds devenant hors de prix;
  • On peut s’attendre à la même chose relativement au raffinement des produits non indiciels, tels d’éventuels fonds à date cible qui devront être offerts et qui – du moins au début – seront probablement dénués de catégories d’actifs enrichissant la valeur du produit, telles des catégories d’actifs alternatives;
  • Les communications aux participants seront standardisées et ne pourront pas s’adapter à la réalité ou au contexte de l’employeur.

La vraie clé : cotiser suffisamment

Le RPAC – et un éventuel RVER – ne sont pas complètement dénués d’intérêt. Par contre, il est clair que l’effort exigé des fournisseurs quant aux coûts viendra forcément en limiter la qualité, et ce, pour des années, le temps que ces produits aient attiré suffisamment d’actifs pour permettre d’importantes économies d’échelle.

Comme la participation et le niveau des cotisations demeureront facultatifs (bien que des mesures automatiques par défaut devraient être appliquées), il est loin d’être clair que les actifs des RPAC/RVER augmenteront aussi rapidement qu’espéré par certains. Or, la clé de la réussite doit définitivement passer par des taux d’épargne-retraite beaucoup plus élevés qu’ils ne le sont actuellement. Est-ce que la véritable solution n’aurait pas été tout simplement d’imposer, de la part des gouvernements, des taux de cotisations minimum pour les employés et les employeurs et de simplement utiliser les outils d’épargne-retraite déjà existants ? Une évolution à suivre … sur votre téléviseur, évidemment !