Le 15 septembre dernier, les pharmaciens du ­Québec se sont conformés à la loi 92. Ces changements ­seront-ils bénéfiques pour les régimes privés d’assurance collective ? ­Les avis sont partagés.

Tel que prévu par les changements apportés à la ­Loi sur l’assurance médicaments, les factures remises en pharmacie à l’achat d’un produit d’ordonnance comportent désormais de nouvelles informations (voir encadré à la page 31). Ces factures plus détaillées visent à mieux informer le consommateur sur le coût du produit, mais également sur les honoraires perçus par le pharmacien, qui peuvent varier d’une pharmacie à une autre. Cette transparence dans la divulgation du prix des médicaments était réclamée depuis longtemps par les assureurs, d’autant plus que le ­Québec était la seule province canadienne à ne pas fournir ces informations. Ils espèrent ainsi mettre en place des mesures de contrôle des coûts, en invitant les assurés à faire des choix éclairés, et souhaitent assurer ainsi la pérennité des régimes d’assurance médicaments. Néanmoins, les avis sont divisés quant aux répercussions qu’auront ces nouvelles mesures.

À l’assuré de jouer

L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) s’est réjouie de l’entrée en vigueur du projet de loi 92. Dans la province, les dépenses en médicaments ont augmenté de 88 % en 10 ans pour le volet privé, selon l’ACCAP, qui croit que les factures détaillées en pharmacie contribueront à favoriser la viabilité des régimes complémentaires d’assurance maladie. « ­Cela peut aider à contenir la hausse constante de la facture globale en pharmacie payée par les employeurs et les employés », croit ­Lyne ­Duhaime, présidente de l’­ACCAP-Québec. ­Celle-ci admet toutefois que les changements ne se feront pas du jour au lendemain puisqu’ils nécessitent une prise de conscience des assurés. « ­Quatre-vingt pour cent des ­Québécois ne savaient pas que les honoraires des pharmaciens ne sont pas les mêmes d’une pharmacie à une autre, ­rappelle-t-elle. Il était très difficile de les sensibiliser avant la mise en place de cette facture. Cela va faciliter leur compréhension. »

Ainsi, ­Lyne ­Duhaime espère que les assurés seront plus vigilants. « ­Il y a ­peut-être des habitudes qui vont se corriger avec la transparence, ­indique-t-elle. Les honoraires ne sont pas tous calculés de la même façon. On pense que dans certains cas, avec les médicaments génériques notamment, dont le coût est moins élevé, le pharmacien facture des honoraires plus élevés parce qu’il a une plus grande marge de manœuvre. »

Ultimement, ­Lyne ­Duhaime espère que les nouvelles mesures contraindront les pharmaciens à proposer des honoraires « plus raisonnables ».

Tous les intervenants ne s’entendent pas sur les répercussions éventuelles des nouvelles mesures. Johanne ­Brosseau, experte en assurance médicaments à ­ConsultMED, ne partage pas l’optimisme de l’ACCAP. Selon elle, les assurés ne changeront pas de pharmacie pour tenter de réduire le coût de la facture. « ­Les détails imprimés sur les reçus n’amèneront pas plus de concurrence entre les pharmacies, parce que les assurés ne les regarderont pas, tranche ­Mme ­Brosseau.

D’une part, les employeurs payent environ 80 % du montant réclamé, d’autre part, il faut que les assurés regardent la facture et réalisent que les honoraires peuvent varier d’une pharmacie à une autre. De plus, ils ne savent même pas qu’ils peuvent changer de pharmacie sans avoir à retourner chez le médecin. Ils pensent que c’est très compliqué d’aller ailleurs. Bref, c’est une énorme commande que d’espérer des changements de comportement de la part des assurés ! ­Et que dire de ceux qui sont remboursés à 100 % parce qu’ils sont de grands réclamants ! »

« C’est une énorme commande que d’espérer des changements de comportement de la part des assurés. »

– Johanne ­Brosseau, ConsultMED

Le rôle des employeurs

La présidente de l’­ACCAP-Québec admet que les employés et les promoteurs devront se retrousser les manches pour sensibiliser les assurés. « ­Les assureurs, mais surtout les employeurs, ont un grand rôle à jouer pour bien informer les employés, explique ­Lyne ­Duhaime. Il faut notamment les sensibiliser au fait que les employeurs pourraient un jour arriver à un point de rupture parce que les coûts augmentent chaque année. Les syndicats peuvent agir aussi. Il faut trouver des moyens de contrôler le coût des médicaments. Les factures détaillées peuvent notamment permettre le déploiement de certains outils de comparaison pour aider les assurés à faire des choix plus éclairés. »

Plusieurs compagnies d’assurance ont récemment publié de l’information destinée à leurs assurés, afin de les aider à comprendre la nouvelle facture détaillée délivrée en pharmacie. L’ACCAP a également élaboré une ressource en ligne. La présidente admet toutefois que la transparence des prix en pharmacie ne suffira pas à garantir la longévité des régimes. « ­Ce n’est pas la seule mesure qui va contenir le coût des médicaments, ­mentionne-t-elle. C’est un élément qui va certainement y contribuer, mais il n’y a pas qu’une seule solution à ce problème complexe. »

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