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Quel sera l’impact de la récente décision du gouvernement d’exiger des manufacturiers de médicaments génériques de vendre leurs produits au maximum à 25 % du prix du médicament original sur les régimes privés?

À l’heure actuelle, la limite est établie à 60 % pour le premier générique et à 54 % pour les génériques subséquents. On pourrait croire que cette réduction de coûts aura pour effet de réduire les primes d’assurance médicaments pour les régimes privés, mais il semblerait que ça ne sera pas le cas.

D’une part, il faut savoir que pour encourager l’industrie de recherche pharmaceutique, la RAMQ rembourse pleinement un médicament original, même si un médicament générique est disponible à la moitié du coût, pour une période de 15 ans à partir de la date d’inscription du médicament au formulaire de la RAMQ (règle du BAP + 15). Cette protection est accordée en sus de celle conférée par la loi fédérale sur les brevets. Par contre, dès que cette protection expire, la RAMQ limite le remboursement du médicament original au prix du médicament générique, sans égard à la règle du 68 % minimum dictée aux régimes privés par les règles du Régime général d’assurance médicaments (RGAM). L’assuré qui désire acheter l’original doit débourser la différence avec le prix coûtant du médicament générique.

Cette même loi interdit aux régimes privés d’adopter la même approche de contrôle que la RAMQ. En effet, les régimes privés ont l’obligation de rembourser un médicament original au minimum à 68 % du montant réclamé, même si le médicament générique est vendu au pharmacien au maximum à 25 % du coût de ce dernier. Ainsi, les règles actuelles du Régime général d’assurance médicaments (RGAM) privent les régimes privés d’une portion importante des économies associées aux médicaments génériques.

D’autre part, le prix réclamé à la RAMQ est déterminé selon une entente négociée par le gouvernement avec l’Association des pharmaciens propriétaires du Québec (AQPP). L’algorithme « coûtant de l’ingrédient + 6 % (maximum 24 $) + 8,41 $ d’honoraires » garantit que les prix ne fluctuent pas entre pharmacies et que la RAMQ bénéficie automatiquement d’une réduction du prix coûtant. À ce jour, le gouvernement a refusé de faire en sorte que les régimes privés bénéficient des avantages de son entente avec l’AQPP. Seule la libre concurrence contraint les pharmaciens en matière de prix réclamés aux patients assurés par des régimes privés.

« Ceci explique pourquoi, dans une même pharmacie, le montant réclamé pour un même médicament à un assuré d’un régime privé est souvent plus élevé que celui réclamé à la RAMQ. Les prix varient également entre pharmacies pour un même médicament et seule une prise de conscience de ce fait par les assurés ferait en sorte qu’une véritable concurrence s’exerce entre pharmacies », indique Johanne Brosseau, conseillère principale au bureau de Aon à Montréal.

À défaut, le montant réclamé pour un médicament générique acheté à un prix moindre ne se traduira pas nécessairement par une réduction des montants réclamés aux assurés des régimes privés. On peut craindre que le pharmacien en profitera pour compenser la perte de revenus résultant de la vente de médicaments aux assurés de la RAMQ et de la réduction des ristournes payées par les manufacturiers génériques.

Mme Brosseau prévient qu’à moins que le gouvernement modifie la Loi relative au remboursement minimum de 68 % imposé par les règles du RGAM et que les régimes privés introduisent des mesures de contrôle appropriées, ce que plusieurs clients de Aon ont implanté avec succès au Québec, les bénéfices pour les régimes privés de réduire le coût des médicaments génériques à 25 % ne seront en rien comparables à ceux dont la RAMQ va profiter.

Madame Brosseau rappelle que dès 2005, Aon a formé un regroupement de promoteurs de régimes privés pour dénoncer ces iniquités dans un mémoire présenté à la Commission des affaires sociales sur le projet de Politique du médicament.

Selon elle, il faut se demander pourquoi les organisations responsables de défendre les intérêts des employeurs et les syndicats n’ont pas insisté pour obtenir les réformes qui s’imposent depuis l’introduction du RGAM en 1997. «Nous espérons que cette fois, employeurs et syndicats se mobiliseront et joindront ce regroupement afin de revendiquer les changements requis et d’obtenir le droit d’utiliser les mêmes outils que la RAMQ pour contrôler les coûts des régimes privés au Québec», dit-elle.