Pas besoin d’être abonné à Twitter pour savoir que nous vivons de plus en plus vieux ! Cette longévité en constante progression a évidemment des effets sur la planification des revenus de retraite. Mais qu’à cela ne tienne, l’optimisme chez bien des quasi-retraités prend parfois des formes inattendues… dont celle fondée sur l’espoir de mourir tôt !

Savoir, c’est pouvoir

Les promoteurs de régimes de retraite à prestations déterminées (PD) le savent déjà : ils doivent dorénavant faire l’évaluation des coûts de leurs régimes en se basant sur de nouvelles tables de mortalité établies sur des données canadiennes. Et ces nouvelles tables viennent ajouter un peu plus de deux années à l’espérance de vie prévue à l’âge de 65 ans par rapport aux statistiques utilisées auparavant (22,1 années pour un homme, 22,4 années pour une femme). On estime ainsi à 3-4 % l’augmentation des coûts pour un régime PD moyen.

Les participants à ces régimes PD sont malgré tout chanceux : la Loi prévoit que leur provisionnement soit automatiquement ajusté afin de maintenir les revenus de retraite attendus.

Les participants à des régimes d’épargne-retraite de type à cotisation déterminée (CD) – tout comme ceux et celles qui n’ont aucun régime de retraite et doivent donc épargner eux-mêmes pour leur vieux jours – sont aussi touchés par ce phénomène. Et puisqu’ils doivent eux-mêmes planifier leurs revenus de retraite, le défi est d’autant plus grand car ils ne réalisent probablement pas qu’ils devraient épargner encore davantage (et encore moins combien) !

Un sondage intéressant à ce sujet a été effectué aux États-Unis en 20111. On a posé la question suivante à des préretraités âgés de 56 à 65 ans : « En supposant qu’une personne atteigne l’âge de 65 ans et qu’elle ait une espérance de vie de 20 ans, quelle est la probabilité qu’elle dépasse l’âge de 85 ans ? ». Les résultats sont éloquents, comme montre le tableau ci-dessous, puisque près des deux tiers des répondants sous-estimaient sérieusement leurs chances d’atteindre l’espérance de vie. Disons que ceci augure mal pour une saine planification de la retraite.

Comment aider ?

Grâce à l’entrée en vigueur des Lignes directrices sur les régimes d’accumulation de capital et à la prise de conscience de leurs obligations, les promoteurs de régimes de type CD ont joué un rôle de plus en plus actif pour aider leurs participants à mieux épargner. Il y a encore quelques années toutefois, bien peu montraient de l’intérêt pour aller plus loin et activement favoriser une bonne transition vers la retraite. Mais la page commence à tourner.

En effet, la publication en mars dernier des Lignes directrices no 8 de l’Association canadienne des organismes de contrôle de régimes de retraite (ACOR) sur les régimes de retraite à cotisation déterminée change la donne en établissant – entre autres – des attentes quant aux outils et renseignements à fournir aux participants à l’approche de la retraite. De fait, cette évolution logique arrive à point pour plusieurs promoteurs de régimes CD, sensibilisés par le nombre croissant d’employés approchant la retraite.

D’autre part, notons que l’Ontario a récemment présenté un projet de loi visant à permettre le versement de revenus de retraite (appelées « prestations variables » et s’apparentant à un Fonds de revenu viager), directement d’un régime CD. Ce type de prestation est déjà disponible dans les quatre provinces de l’ouest, bien que peu de promoteurs en fassent usage jusqu’ici.

De nouveaux produits font également leur apparition chez certains fournisseurs de régimes de type CD. Il y a eu les produits de revenu minimum garanti. Depuis peu, un fournisseur offre l’intégration, dans certains types de régimes, d’une option permettant l’achat systématique et régulier de « morceaux » de rentes viagères différées durant la phase d’accumulation. Cette option, déjà disponible aux États-Unis, permet au participant de progressivement se constituer une rente de retraite viagère garantie – un peu comme dans un régime PD – tout au long de sa carrière. Un pas dans la bonne direction, que l’évolution de la réglementation et une saine compétition viendront affiner d’autant.

L’avènement d’autres nouvelles solutions de décaissement est inévitable et forcera l’industrie de la retraite CD à repenser certains aspects de la période d’accumulation. Les fonds ou portefeuilles à date de retraite cible, par exemple, devront être adaptés de manière à mieux s’arrimer avec ces nouvelles solutions de retraite.

Communiquer, éduquer, accompagner, conseiller ?

Il n’est déjà pas facile pour le participant de s’y retrouver avec les options pourtant relativement simples offertes pour l’instant. Il y a donc fort à parier que la communication et l’éducation ne seront tout simplement pas suffisants. Ainsi, les outils de planification de la retraite devront sérieusement évoluer pour devenir à la fois plus raffinés et plus simples d’utilisation. Cette évolution devrait même aller jusqu’à conseiller certaines avenues aux participants afin d’offrir une optimisation de ses revenus de retraite, et possiblement englober une gestion personnalisée de ses placements en fonction de son plan financier.

De grands défis en perspective, que le secteur de la retraite saura sans aucun doute relever.

Jean-Daniel Côté, ASA, MBA, est membre du partenariat chez Mercer.

1 MetLife Mature Market Institute, « The 2011 MetLife Retirement Income IQ»