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Les gouvernements provinciaux et fédéral se penchent actuellement sur notre système de retraite afin d’en venir à un consensus quant aux changements à y apporter. Pour en savoir davantage sur le sujet, les experts de Normandin Beaudry ont également étudié la situation. Voici leur rapport sur la question.

Considérant qu’au Canada, moins de 40 % des employés sont couverts par un régime de pension agréé de leur employeur, l’objectif visé est de rendre la participation à un régime de retraite procurant un revenu de retraite adéquat, plus accessible pour tous.

Pendant que les gouvernements cherchent une solution, ils ont commencé à apporter des modifications aux lois qui régissent les régimes de pension agréés parrainés par un employeur.

Ces lois étant assez différentes, notamment au niveau des droits des participants, cela rend l’administration complexe lorsque des employés d’un même régime de retraite travaillent dans différentes provinces. Les employeurs attendent depuis longtemps des changements afin d’uniformiser et simplifier l’administration de leurs régimes de retraite et alléger le financement, surtout considérant l’état de la situation financière des régimes des dernières années. Toutefois, les gouvernements sont réticents à alléger les règles sur le financement de façon permanente, car ils veulent s’assurer que la sécurité des prestations n’en sera pas compromise.

Vers une uniformisation des droits des participants?
Des changements d’importance ont récemment été apportés aux lois du Québec, de l’Ontario, du Manitoba et à la loi fédérale. Certaines provinces procèdent actuellement à des consultations afin d’apporter elles aussi des modifications à leur législation. À l’exception de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite du Québec, qui a été modifiée en 2001, ces lois n’avaient pas subi de modifications majeures depuis une vingtaine d’années.

Les changements touchent autant les droits des participants que les règles entourant le financement des régimes de retraite. Voici quelques changements qui rendront les droits des participants similaires à ceux que le Québec a adoptés en 2001 :

  • L’acquisition de la part de l’employeur sera dorénavant immédiate comparativement à une période d’attente de deux ans auparavant.
  • Les terminaisons partielles qui ajoutaient une complexité à l’administration des régimes sont abolies.
  • Les prestations dont la valeur est de moins de 20 % du maximum des gains admissibles (MGA) peuvent être remboursées au moment de la cessation de participation. Auparavant les règles variaient selon les provinces.
  • Le Manitoba s’arrime sur les autres provinces en changeant la prestation de décès après la retraite à 60 % de la rente (comparativement à 66 2/3 %) lorsqu’il n’y a pas de renonciation du conjoint.

Malgré un effort d’uniformisation des exigences minimales quant aux droits des participants, des différences subsistent encore, par exemple, en ce qui a trait au traitement des cotisations excédentaires, à l’indexation avant la retraite en cas de cessation d’emploi, à l’obligation d’utiliser des facteurs unisexes ou non et aux règles minimales d’admissibilité.

Certaines législations restent à être modifiées et il est à espérer qu’elles iront dans le même sens que celles qui ont récemment subi une réforme.

Changements aux règles de financement
Le financement d’un régime de retraite doit s’effectuer selon les règles de la province d’enregistrement et, jusqu’à maintenant, ces règles de financement permanentes étaient assez similaires. Par conséquent, la province d’enregistrement n’avait pas d’impact majeur sur les cotisations minimales de l’employeur.

Les récents changements au Québec et au Fédéral introduisent des règles différentes. Les règles de financement en Ontario ne sont quant à elles pas encore modifiées mais, selon le communiqué émis le 24 août dernier par le gouvernement de l’Ontario, on s’attend à ce que les règles soient différentes de celles du Québec et du Fédéral. Quant au Manitoba, il y a peu de changements liés au financement pour l’instant.

Règles permanentes de financement au Québec et au Fédéral

Québec

Fédéral

Fréquence des évaluations actuariellesAnnuelle si le régime est non capitalisé et non solvable (sinon triennale)Annuelle (triennale si le ratio de solvabilité est plus de 120 %)
Provision pour écarts défavorables applicable sur le passif de solvabilitéPropre à chaque régime et devrait être autour de 7 %Une marge de 5 % est requise mais seulement pour un congé de cotisations
Détermination des cotisations sur base de solvabilitéAmortissement avec intérêt du déficit non consolidé sur 5 ansAmortissement sans intérêt du déficit consolidé sur 5 ans
Le déficit est déterminé

selon le ratio de solvabilité

au moment de

l’évaluation

Le déficit est déterminé

selon le ratio de solvabilité

moyen sur 3 ans

Détermination des

cotisations sur base

de capitalisation

Amortissement du déficit

consolidé sur 15 ans

Amortissement du déficit

non consolidé sur 15 ans

Seuil en-deçà duquel une cotisation immédiate doit être versée lors de modificationsDegré de solvabilité de moins de 90 %Degré de solvabilité de

moins de 85 % (à être

confirmé par règlement)

En ce qui concerne les règles de financement en Ontario, le communiqué récemment émis par le gouvernement mentionne, notamment, les changements suivants prévus pour l’automne :

  • Abolition de la possibilité d’utiliser une moyenne de taux d’intérêt dans l’évaluation de solvabilité;
  • Exigence quant à une valeur lissée de l’actif qui ne devra pas être plus de 20 % de la valeur marchande;
  • Abolition de la possibilité de ne pas financer l’indexation des prestations sur base de capitalisation mais cette possibilité demeurerait pour la base de solvabilité;
  • Possibilité de commencer l’amortissement des déficits un an après la date de l’évaluation;
  • Exigence d’une marge de 5 % du passif de solvabilité avant de pouvoir prendre un congé de cotisation; et
  • Maintien de la fréquence annuelle des évaluations actuarielles lorsque le financement du régime est de moins de 85 % et triennale dans les autres cas.

Ainsi, à la lumière des changements apportés au Québec et au Fédéral et selon les changements suggérés en Ontario, le financement d’un régime de retraite pourrait varier au Canada selon la juridiction où le régime est enregistré.

À titre d’exemple, le graphique suivant illustre les cotisations d’équilibre résultant des différentes mesures de financement du Québec et du Fédéral. Il s’agit des cotisations d’équilibre pour financer un déficit de solvabilité établi à 20 millions au 31 décembre 2009, pour un régime de retraite enregistré au Québec et un régime de retraite enregistré au Fédéral. Il n’existe aucun déficit de capitalisation.

La projection du déficit de solvabilité est basée sur un taux d’intérêt de 4,5 % et suppose ni gain ni perte sur la période de 5 ans.

Pour un même déficit, les cotisations s’avèrent donc moins élevées au Fédéral sur une période de 5 ans, en raison du calcul du déficit selon un ratio de solvabilité moyen sur 3 ans, de la consolidation du déficit à chaque évaluation et d’un amortissement sur 5 ans sans intérêt.

La situation se complique lorsqu’un même régime de retraite couvre des employés du Québec et sous la juridiction fédérale, car aucun accord réciproque n’existe entre le Québec et le Fédéral pour l’administration de leur législation dans un tel cas. Selon nos discussions avec le Bureau du surintendant des institutions financières qui administre les régimes fédéraux, pour ce type de régime, les règles fédérales doivent être respectées. Quant à la Régie des rentes du Québec, elle nous a indiqué qu’elle analysera chaque cas où cette situation se présente avant de se prononcer. Si la Régie des rentes du Québec conclut également que les règles du Québec doivent être respectées, il faudra que la cotisation minimale satisfasse aux exigences de ces deux législations en même temps. La cotisation minimale à verser serait alors la cotisation maximale entre celle déterminée selon les règles de financement du Québec et celle selon les règles de financement du Fédéral.

Congé de cotisation
Lorsque les dispositions du régime et les ententes conclues entourant l’utilisation du surplus le permettent, l’employeur peut se prévaloir d’un congé de cotisation. Dorénavant, une certaine marge sera toutefois exigée avant que les cotisations ne puissent cesser. À cet effet, un congé de cotisation est permis au Québec seulement si la provision pour écarts défavorables est constituée. Au Fédéral et au Manitoba, le régime de retraite doit avoir un ratio de solvabilité supérieur à 105 % alors qu’en Ontario, depuis 2009, un certificat actuariel démontrant un surplus suffisant est requis dans les 90 premiers jours de l’exercice avant de pouvoir suspendre les cotisations. Selon le communiqué du gouvernement de l’Ontario, il projette également d’exiger que le ratio de solvabilité soit également supérieur à 105 %.

L’employeur peut toutefois continuer de verser des cotisations tout en ayant un surplus dans le régime de retraite incluant la marge requise. Cependant, la Loi de l’impôt sur le revenu définit une limite au montant de surplus au-delà de laquelle l’employeur ne peut plus verser de cotisation. À cet égard, la Loi de l’impôt sur le revenu a récemment augmenté cette limite de 10 % du passif actuariel à 25 %. Cette nouvelle limite permettra aux employeurs qui le désirent de garder plus de surplus qu’auparavant dans le régime pour les mauvais jours futurs.

En somme, alors qu’il y a un effort pour que les droits des participants soient similaires d’une province à l’autre, certains de ces droits demeurent encore différents. De plus, les changements récents aux règles de financement semblent nous conduire vers des règles de financement qui varieront par province. On peut s’attendre à d’autres changements au niveau des lois en matière de régimes de retraite ainsi qu’au niveau du système de retraite canadien en général. Il faut espérer que ces changements faciliteront la mise sur pied de régimes à prestations déterminées ou à cotisations déterminées qui assureront des revenus de retraite adéquats pour une plus grande proportion de la population canadienne et ce, tout en étant beaucoup moins complexes et coûteux à administrer.